mercredi 9 décembre 2009 - par jcbouthemy

La justice en XXL

Une escroquerie à la TVA devant le tribunal de Rennes

 
Depuis le 2 novembre, devant le tribunal correctionnel de Rennes, se tient un procès hors norme.
 
Hors norme en ce qui concerne le nombre des prévenus : 46 personnes dont 2 sont décédées et 2 autres n’ont plus donné signe de vie. « Coulés dans le béton » ironisent certains. A ces prévenus il faut ajouter encore plus d’avocats en incluant toutes les parties civiles.
Hors norme en ce qui concerne la durée de l’instruction : 10 ans qui ont abouti à la production de 7626 documents dont à lui seul, le rapport du policier enquêteur compte plus de 300 pages.
Hors norme en ce qui concerne la durée des audiences : 3 mois sont prévus.
 
Etant donné le nombre des prévenus ainsi que celui des avocats, il a été nécessaire de prendre des mesures spécifiques. C’est ainsi que la salle d’audience est réservée aux prévenus, aux parties civiles et à leurs avocats tandis que le public est accueilli dans une salle à part reliée à la salle d’audience par un système vidéo composé de 4 caméras fixes dirigées sur la barre pour deux d’entre elles, la table des juges et un plan général de la salle d’audience. Si la qualité des images n’est pas parfaite, par contre le son est de très bonne qualité.
 
 Les juges doivent se prononcer sur les responsabilités de chacun dans une vaste escroquerie à la TVA qui aurait couté plus de 20 millions d’euros. Ce qui est le plus étonnant, c’est que 10 ans après les faits, le Fisc semble incapable de donner les chiffres précis. Ce que dénoncent certains avocats des prévenus.
 
 A tout cela, il faut ajouter que le magistrat initialement prévu pour assumer le rôle de procureur est décédé un mois à peine avant le début de l’audience. C’est donc en urgence qu’un autre magistrat a été désigné pour assumer ce redoutable rôle. Il reconnaît lui-même ne pas avoir pris connaissance de chacun des documents à la disposition du tribunal et cela se ressent tout au long des audiences où Monsieur le Procureur ne semble pas faire preuve de la réactivité que l’on attendrait face aux contradictions, aux pertes de mémoire et autres « je ne me souviens plus, c’est possible…cela fait longtemps ».
 Il est aussi regrettable que le procureur remplaçant ne possède pas l’expérience fiscale de son prédécesseur qui, avant d’intégrer l’ENM, avait travaillé en tant qu’inspecteur des impôts et possédait une expérience qui aurait été utile pour éluder les manquements de l’administration fiscale dans cette fraude à la TVA.
  Une disparition qui a suscité l’hommage rendu par son supérieur Hervé Pavy dans Ouest France du 3/10/2009 « C’était une personne loyale, intègre et d’une honnêteté absolue. » Un hommage qui me laisse perplexe. En énonçant les qualités minimum que l’on est en droit d’attendre d’un fonctionnaire et en particulier d’un magistrat, cet hommage ne ferait que souligner combien cet homme était ordinaire, presque fade…Sauf si cet hommage voulait, au contraire, souligner combien cet homme, par ses qualités ordinaires, faisait exception à ses confrères !!!
 
 Au fil des audiences, on découvre les prévenus qui sont autant de personnages singuliers qui éclairent les relations entre les divers antagonistes et l’on comprend que la plupart des individus ont intégré l’organisation par les liens qui les unissaient au sein de réseaux antérieurs, qu’il s’agisse de réseaux familiaux ou amicaux, de réseaux de truanderie, de réseaux professionnels ou de réseaux maçonniques.
 
 Si il y a beaucoup de personnes appelées à témoigner, il semble évident que pour faire surgir la vérité sur les véritables destinataires des sommes évaporées, certains témoignages supplémentaires ne seraient pas superflus.
 C’est ainsi que des avocats ont interpellé le Procureur sur l’absence d’un avocat d’affaires parisien, vénérable d’une loge maçonnique dont le nom est cité par plusieurs prévenus et dont l’audition devant le tribunal n’est pas à l’ordre du jour.
 
 On peut aussi s’étonner de l’absence de ceux qui au sein de l’administration fiscale ont permis une telle escroquerie. Sans aller jusqu’à parler de complicité, on peut s’interroger sur les failles d’un système qui permet à des individus sur de simples déclarations, toutes aussi fausses les unes que les autres, de se voir remettre de telles sommes.
 En l’occurrence, il n’y a pas eu braquage, ni violence, ni même dissimulation…Il s’agit simplement de fausses déclarations à l’administration fiscale qui, en retour, a sorti de ses coffres les sommes correspondant aux déclarations.
 On pourrait comprendre l’aveuglement de l’administration si l’arnaque avait relevé d’un grand degré de sophistication. Mais en ce qui concerne les documents remis à l’administration, tous s’accordent à reconnaître qu’ils étaient loin d’être parfaits. Un commissaire aux comptes évoque « des irrégularités grossières », « chaque opération révélait une anomalie », « 55 palettes étaient supposées voyager dans un seul camion qui ne peut en contenir que 30 « .
 Tellement d’irrégularités qu’un chef d’entreprise nantais Stéphane de Kytspotter, a découvert le pot aux roses en menant sa propre enquête. Ce qu’un particulier a pu découvrir avec des moyens d’investigations très limités, n’importe quel fonctionnaire du fisc aurait du le découvrir avec les moyens dont dispose l’administration.
 Autant d’éléments qui permettent d’en déduire que, dans l’esprit des arnaqueurs, le passage devant l’administration ne pouvait constituer un problème, comme si ils étaient certains de leur coup, comme si ils bénéficiaient, au sein de l’administration, de complices chargés de gérer cette étape.
 Lorsqu’une banque se fait cambrioler, la justice ne se prive pas d’entendre la version du caissier. Dans cette affaire, il aurait été instructif d’entendre la version de ceux qui, dans l’administration, ont permis que cette escroquerie puisse être effective, relever les similitudes…ne serait ce que pour en tirer les enseignements et éviter que cela puisse se reproduire. A croire que la justice n’aurait pas droit de regard sur le comportement de l’administration fiscale…
 
 La suite des audiences apportera peut-être la lumière sur toutes ces zones d’ombre…
  
 


6 réactions


  • iris 9 décembre 2009 16:38

    et les affaires continuenT !!

    comment ne pas s’étonner des dimuntions de dons à téléthon ou autres-ecoeurement tout simplement devant notre argent gaspillé devant une justice si lente et devant tant de lois détournées pour un petit noyau soi disant élité 


  • iris 9 décembre 2009 17:18

    suivez bien cette affaire et tenez nous au courant-dommage qu’on en parle si peu-silence radio et télé


    • jcbouthemy jcbouthemy 9 décembre 2009 19:15

      Les rares journaux présents ont été Ouest france 1 article, Le télegramme de brest (3 articles) et la charente libre(2 articles) que vous pouvez retrouver sur leurs sites respectifs.
      J’ai l’intention de continuer à suivre cette affaire qui m’apparait intéressante bien au delà de l’affaire judiciaire elle même.
      A bientot si les modérateurs d’agoravox valident les prochains articles.


  • L.S.B 9 décembre 2009 17:48

    Dommage que vous ne nous donniez pas quelques tuyaux sur la méthode utilisée par le réseau !!!


    • pierrot123 9 décembre 2009 23:40

      Pourtant pas sorcier...Il s’agit de déclarations de Chiffres d’Affaires donnant lieu à récupération de TVA.
      En gros, quand un commerçant a payé plus de TVA que ce qu’il devait, le Fisc lui rembourse la différence...IL suffit de truquer les imprimés de déclarations...


  • Jacquesp 10 décembre 2009 09:53

    Très intéressant article qui met en cause l’administration fiscale en Bretagne . J’invite les parties à être très vigilants sur l’honnêteté de l’administration fiscale et même l’honnêteté de la justice délivrée à Rennes. Pour mémoire, je rappelle l’extraordinaire conclusion de la Cour de Cassation du 5 Octobre 1999 qui déclarait ceci : « ...les comptes du Trésor Public sont parfaitement fantaisistes ». Or ces comptes avaient été dans les mains du Tribunal de Rennes pendant plusieurs années, un expert judiciaire avait été nommé. Aucune anomalies n’avait été décelée sur ces comptes et le tribunal de Rennes avait rendu un jugement complètement faux. Cela fait froid dans le dos. Malgré l’intervention de la Cour de Cassation, on ne connait toujours pas, à ce jour, l’origine des falsifications qui ont eu lieu pendant des années au sein du fisc de Bretagne. Il semble qu’il y ait des complicités avec les milieux boursiers parisiens, un ancien percepteur ayant été condamné à Brest en Juin 1997.
    Pour ma part, j’ai transmis l’ensemble du dossier à Mme Lebranchu, à Morlaix, le 4 décembre 2001. L’affaire a, semble-t-il, été étouffée, touchant sans doute de trop près les intérêts de l’Etat français.


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