mardi 17 février 2009 - par
°Les chiffres sont extraits du livre « Le vol » Que sais-je, PUF
Le commerce de proximité victime du déplacement de la criminalité
Devenus des cibles de choix, les commerces de proximité doivent faire face aux agressions à répétition de malfaiteurs de plus en plus violents. A l’instar d’autres secteurs professionnels, une mobilisation générale et des actions concrètes pourraient permettre d’endiguer le phénomène.
Commerçant serait-il devenu un métier à risques ? Au vu des statistiques sur la délinquance, la question est désormais posée sans tabous. Sur les 5 500 vols à main armée enregistrés l’an passé sur le sol français, plus de 2 1 79* (40%) ont visé des commerces de proximité, soit en moyenne 6 attaques tous les jours ! Même si le nombre de crimes et délits a ponctuellement diminué depuis quatre ans, la France voit les vols en général augmenter régulièrement depuis 50 ans. En 1950, les services du Ministère de l’Intérieur en constataient 187 496 . A l’aube de l’an 2 000, il y en avait deux millions de plus ! Une explosion due à l’avènement d’une société plus violente dont les victimes n’hésitent plus à se manifester.
Les commerçants en première ligne
Si les vols à main armée constituent une part modeste de ces vols, ils demeurent une des manifestations les plus graves de la criminalité violente et sont souvent l’œuvre de récidivistes. Là encore, les chiffres parlent d’eux-mêmes : les braquages ont augmenté de 405% entre 1963 et 1974 (2 632 faits) et de 185% entre 1974 et 1999 (7 515). Les commerçants restent en première ligne et représentent à peu près la moitié de ces agressions. Viennent ensuite les particuliers, attaqués sur la voie publique ou à domicile lors de séquestrations qui, au fil des années, deviennent eux aussi de plus en plus violents.
A l’inverse, les établissements bancaires et financiers ont enregistré une décrue sensible des Vols à main armée (10% de l’ensemble à la fin des années 1990). On en comptait environ 2 000 par an à la fin des années 1970. En 2008, il n’y en avait plus que 213. Une baisse significative qui est tout sauf un miracle. Pris pour cible pendant de nombreuses années, les banques ont réfléchi ensemble aux moyens d’améliorer leur sécurité. La baisse des liquidités disponibles aux guichets, l’amélioration des systèmes de sécurité (sas d’entrée, video surveillance, coffres à ouverture temporisée, liasses de billets piégées, etc…), le développement d’une culture de la sûreté avec un personnel mieux formé, ont contribué à décourager les malfaiteurs.
Les marques font rêver les voyous
Si certains se sont tournés vers les attaques de transport de fonds ou de dabistes, d’autres, moins expérimentés ont bien compris que les commerces de proximité étaient plus vulnérables et demeuraient des cibles plus faciles. Ils restent l’un des derniers endroits à disposer de fortes sommes d’argent en liquide ou de produits (bijoux, cigarettes, alcools, jeux de hasard) ayant une forte valeur marchande à la revente. La puissance du marketing et la starisation de certaines marques n’ont fait que renforcer l’attrait du public pour certains accessoires de la vie quotidienne, devenus des objets tendances ou des signes extérieurs de richesse. Ainsi, depuis l’arrivée de certaines marques dans l’univers des lunettes, les opticiens ont enregistré une augmentation sensible des vols et des agressions. Souvent onéreuses, certaines paires de lunettes, parées de marques prestigieuses de prêt à porter, deviennent aussi convoitées que des montres, des stylos ou des bijoux de luxe !
Autant de sinistres parfois dramatiques sur un plan financier pour des commerçants démunis face à une loi mal adaptée. Il est ainsi difficile d’interpeller un voleur potentiel au sein même d’une boutique. Tant qu’il n’aura pas passé la caisse, il sera impossible de l’arrêter même s’il a volé un produit et l’a glissé dans son sac… D’où un dangereux sentiment d’impunité pour les voyous et d’injustice pour les commerçants.
Manifestations de ras le bol
Conscients que la situation empirait, certains se sont laissés aller à des manifestations de ras le bol à l’issue de vagues d’agressions ayant touché leurs magasins en centre-ville. Les pouvoirs publics sont montrés du doigt alors que parallèlement les centres commerciaux en périphérie investissent dans des systèmes de sécurité et font appel à des sociétés de gardiennage privées. Désormais, l’heure est venue de trouver des solutions pour stoper la vague des braquages et éviter que certaines agressions de commerçants deviennent mortelles comme cela a pu être le cas ces derniers mois à Paris et Marseille. Des efforts pour le développement de la vidéo protection aux abords des magasins doivent être mise en place rapidement en raison de son efficacité dans de nombreuses villes testes. Une réflexion devrait être également entreprise pour favoriser l’acquisition de systèmes de sécurité préventifs. Pourquoi ne pas imaginer des crédits d’impôts motivants ?
La mobilisation paie
Reste aussi aux commerçants à se mobiliser comme certaines professions l’ont déjà fait. Confrontés à une augmentation continue des agressions, les bijoutiers ont ainsi décidé en septembre 2002 de prendre leur destin en main. Sous la houlette de leur chambre syndicale HBJO et du Ministère de l’Intérieur, ils ont mis au point une « charte de la sécurité » sur l’ensemble de la filière qui a permis la création d’un « Observatoire de la sûreté ». Interlocuteur privilégié auprès de l’Etat, celui-ci fait des préconisations notamment en matière de sécurité passive et de formation du personnel aux risques d’agression. D’où la réalisation d’outils concrets comme le « livret de sûreté » distribué aux commerçants partenaires. Autre création importante, une « chaîne de sécurité » qui rassemble de nombreux professionnels. Cette structure recueille et analyse les informations ayant trait à la sécurité des magasins. Elle les répercutent ensuite préventivement à ses membres à travers des bulletins d’alerte. Elle émet aussi des signalements de suspects et livre de précieux conseils pour anticiper les menaces. Ce qui a parfois permis de mettre les policiers sur la trace de dangereux malfrats. Enfin, des spécialistes en matière de sécurité mettent en place des outils d’information et de formation comme le site internet : http://infosecuritecommerce.hautetfort.com/. Voilà, des actions concrètes qui prouvent que la mobilisation paie et que l’insécurité est loin d’être une fatalité.
* Source : OCLCO