samedi 25 mai 2019 - par Eric.H

Le gâchis du non recours aux aides sociales : Des milliards d’euros en attente de leurs bénéficiaires

Des milliards d'euros d'aides sociales non distribués

L'aide sociale figure parmi les piliers de la république française. D'ailleurs, la Vème république ordonne dans sa constitution que chacun puisse bénéficier de "moyens convenables d'existence".

C'est ce que l'on appelle la solidarité nationale. Or, ce principe de bienveillance semble aujourd'hui menacé, non seulement par la prégnance des politiques économiques libérales, mais aussi par un phénomène étonnant qui touche les propres bénéficiaires de cette solidarité : Le non recours aux aides sociales.

On parle de non recours lorsqu’une personne ne perçoit pas une aide alors qu'elle y est éligible. Même s'il est aujourd'hui impossible de quantifier avec précision l'ampleur du phénomène sachez que certaines prestations sociales de première importance avoisinent les 40% de non recours (toutes les sources permettant de légitimer les chiffres avancés dans cet article sont disponibles sur aide-sociale.fr/non-recours/).

Quel est ce phénomène de non recours aux aides  ?

Le terme de non recours désigne le fait de ne pas bénéficier d'une aide alors qu'on y a droit. Ceci concerne toutes les prestations ou allocations gérées par les nombreux organismes sociaux. Parmi eux on peut citer les plus notoires, Pôle Emploi, la CAF ou encore l'Assurance Maladie.

Le non recours concerne aussi bien les aides financières (comme le RSA) et non financières (lorsqu'il s'agit de service à la personne). Par exemple, vous vivez en couple avec 2 enfants. Un seul d'entre vous travaille et vos revenus s'élèvent à 1.500 euros par mois. Si vous ne bénéficiez pas de la CMU-C qui permet la prise en charge totale de vos frais de santé, vous êtes en position de non recours.

Vous vous en doutez, ce phénomène ne date pas d'hier, mais il est longtemps passé inaperçu, bien caché dans le dédale formé par les questions liées à l'argent public. Aujourd'hui, il semble qu'une prise de conscience ait eu lieu sur l'ampleur l'importance du non recours, bien aidée par les travaux de l'Odenore qui observe le phénomène depuis 2003 et qui publie à son sujet de très nombreuses et intéressantes études.

Quels sont les chiffres disponibles ?

À l'heure actuelle, les pouvoirs publics ne disposent d'aucun outil permettant de quantifier précisément le phénomène. Toutefois un rapport d'information parlementaire a été réalisé en 2016 par les députés Gisèle BIÉMOURET et Jean-Louis COSTES pour "évaluer les politiques publiques en faveur de l’accès aux droits sociaux".

Ce rapport utilise d'ailleurs les travaux de l'Odenore et fait notamment état des taux de non recours sur 3 aides sociales qui sont parmi les plus utiles aux personnes en difficulté.

Voici les chiffres établis :

  • RSA, 36% de non-recours : Le Revenu de Solidarité Active qui assure à chacun un moyen de subsidence.
  • ACS, entre 57% et 70% de non recours : L'Aide Complémentaire à la Santé permet de souscrire à une mutuelle à moindre frais. Elle est attribuée aux personnes à ressources modestes.
  • CMU-C, entre 21 et 34% de non-recours : La Couverture Maladie Universelle Complémentaire fait office de mutuelle gratuite et garantit l'accès aux soins aux plus démunis d'entre nous.

En dehors de ce rapport, il existe également des chiffres officiels sur les taux de non recours à la prime activité. En 2017, La Direction Générale de la Cohésion Sociale a estimé que  27% des personnes éligibles ne la perçoivent pas.

Globalement, le système de protections et d'aides sociales compte aujourd'hui plus de 200 dispositifs. Or, concernant le non recours il n'est possible d'avancer des données statistiques que sur une poignée d'entre eux, grâce aux travaux d'études menés par des organismes ou associations d'utilité publique comme l'ODENORE, la DREES ou le Secours Catholique par exemple.

Ces études portent notamment sur le recours aux Allocations Familiales, au récent Chèque Energie ou encore à l'APA qui permet aux personnes souffrant de problèmes d'autonomie de bénéficier d'une aide à domicile. Pour chacune de ces aides, les taux de non recours se situent aux alentours des 20% ce qui démontre une nouvelle fois l'importance du phénomène.

Plusieurs raisons expliquent ces chiffres

Au fil de ses nombreux travaux et études, l'ODENORE est parvenu à identifier différentes explications qui permettent de comprendre comment et pourquoi les taux de non recours sont si élevés.

Ainsi, il existe aujourd'hui une typologie du non recours classifiée selon les 5 explications suivantes :

La non-connaissance

C'est évident. Si une personne ne connait pas l'aide, elle n'en fera pas la demande. Toutefois, Il ne faut pas ici négliger la responsabilité des pouvoirs publics. En effet dans le véritable labyrinthe de l'aide sociale peut-être faudrait-il envisager davantage de panneaux de signalisation. D'ailleurs le non recours par non connaissance concerne en réalité 3 types de situations :

  • Les bénéficiaires ne connaissent pas le dispositif
  • Les bénéficiaires ne comprennent pas le dispositif (vous avez certainement entendu parler du Fonds de Solidarité Logement, mais savez-vous à quoi ça sert ?)
  • Les bénéficiaires connaissent le dispositif, mais ne se pensent pas concernés

 La non-connaissance est la forme la plus répandue de non recours.

La non-proposition

De l'autre côté du miroir de la non-connaissance on trouve le non recours par non-proposition. Cette forme est caractérisée dès lors qu'une aide n'est pas énoncée par un conseiller, agent ou travailleur social d'un organisme prestataire. 

Il ne s'agit pas ici de blâmer les professionnels du secteur, bien au contraire, mais le fait de ne pas recourir à une aide, car elle n'est tout simplement pas proposée est particulièrement signifiant sur l'état du déploiement de l'aide publique.

La non-demande

On parle de non recours par non demande lorsqu'un bénéficiaire est informé de son droit à une aide, mais n'en fait pas la demande.

Ce type de non recours est caractéristique des situations suivantes :

  • Découragement : face à l'accumulation et la complexité des démarches
  • Stigmatisation : sentiment de honte, de dévaluation au regard de la famille, des proches, de la société ...

Il arrive également que la non demande soit décidée par la personne concernée, préférant adopter une position de refus de l'aide et ayant la volonté de s'en sortir seule.

La non-réception

Il s'agit d'une forme assez fréquente de non recours. L'aide est demandée, mais pas obtenue. Attention, on parle ici de personnes éligibles c'est-à-dire en droit de l'obtenir.

Là encore, la principale responsabilité de ce type de non recours incombe à la complexité des démarches. Très souvent les bénéficiaires potentiels éprouvent un sentiment de découragement lié à la multiplicité des étapes , des rendez-vous, aux documents manquants ...)

La non-orientation

On parle de non recours par non-orientation lorsqu'une personne n'est pas suffisamment accompagnée pour obtenir une aide. Dans ce type de non recours l'ODENORE s’intéresse au comportement de l'entourage (famille, amis, collègues, personnels soignants ...)

Les jeunes en situation d’échec scolaire ou de décrochage sont souvent concernés par le non recours par non orientation.

Les simulateurs d'aides : un outil à double tranchant

Désormais, il est possible de simuler vos droits en ligne en renseignant vos données personnelles. Un grand nombre d'organismes le propose à leurs utilisateurs comme la CAF ou Améli, par le biais de votre espace personnel.

Aide-sociale.fr met gratuitement à votre disposition un simulateur d'aides qui vous informe et vous oriente parmi les nombreux dispositifs. Renseignez vos informations personnelles, de façon anonyme et strictement confidentielle. Le simulateur dresse une liste d'aides qui vous correspond et vous dirige vers les guides pour effectuer les démarches.

Attention toutefois. Les simulateurs sont très utiles pour lutter contre le phénomène de non recours car ils permettent d'identifier des aides méconnues et de se rendre compte que l'on est éligible à tel ou tel dispositif. Pour autant, ils renforcent également l'exclusion générée par la révolution du numérique et l’ère de la dématérialisation.

On le sait, le phénomène de non-recours est fréquemment la conséquence d'un décrochage, d'une usure face à la complexité. Désormais, la mauvaise maîtrise des outils informatiques et numériques devenus nécessaires à la réalisation des démarches gêne l’accès aux droits de personnes fragiles.

 



16 réactions


  • eau-du-robinet eau-du-robinet 25 mai 2019 12:46

    Bonjour,

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    Merci pour cet article.

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    D’un cote on trouve le non recours aux aides due notamment à une complexité administrative et de l’autre coté on trouve des fraudeurs qui se font un plaisir d’encaisser l’argent des ayants droits ...

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    Selon le magistrat spécialisé Charles Prats, quelque 1,8 million de numéros de Sécurité sociale seraient basés sur des documents frauduleux, alimentant une escroquerie qui pourrait s’élever à plusieurs milliards d’euros chaque année. L’administration assure au Figaro que le risque est maîtrisé.

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    Un « scandale d’État », rien de moins, selon le magistrat Charles Prats. Un non-problème, pour l’administration de la Sécurité sociale. Qui a raison ? Le premier, ancien membre de la Délégation nationale de lutte contre la fraude, service rattaché à Bercy, affirme dans plusieurs médias (Europe1, RMC) que des comptes de sécurité sociale frauduleux permettent à des individus de prétendre aux aides sociales des différentes branches (maladie, vieillesse, famille) à une échelle massive. Une estimation de 14 milliards d’euros est avancée, presque le triple du déficit de la Sécurité sociale en 2017.

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    « Sésame, paye-moi »

    Comment une telle faille serait-elle possible, selon le magistrat et la sénatrice ? Pour un bénéficiaire né à l’étranger, la sécurité sociale attribue un numéro manuellement, sur la base de documents d’identité du pays de naissance. Or depuis une circulaire prise sous le gouvernement Jospin, les photocopies sont autorisées pour attester des documents d’identité. Un processus de contrôle allégé qui aurait permis de nombreuses inscriptions frauduleuses, donnant ainsi accès à une part importante de l’univers des prestations sociales françaises. Des comptes sécu surnommés « Sésame, paye-moi » par Nathalie Goulet.

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    Mais combien seraient-ils exactement ? Dans le bilan 2011 de la Délégation nationale à la lutte contre la fraude, des policiers avaient travaillé sur un échantillon de 2056 dossiers sociaux, et identifié 10,4% de faux (selon Charles Prats, 80% des faux documents copiaient des papiers algériens, marocains, congolais et maliens).Par extrapolation, sur les 17,6 millions de comptes de Français nés à l’étranger, le nombre de dossiers frauduleux atteindrait donc 1,8 million. Ce vendredi, Charles Prats indique au Figaro avoir fourni au Sénat et à Nathalie Goulet les preuves que le chiffre a été présenté en cabinet ministériel, à l’époque de l’étude.

    source et suite : http://www.lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/2018/12/21/29001-20181221ARTFIG00170-l-etat-laisse-t-il-passer-des-milliards-d-euros-de-fraude-a-la-secu.php


    • nun01 27 mai 2019 13:26

      @eau-du-robinet
      Toute la pseudo complexité n’a qu’un but, faire en sorte que le demandeur se sente dépendant. Lorsque vous commencez à travailler, l’inscription à la sécurité sociale n’est pas un casse tête, ça se fait tout seul.
      On nous prend de l’argent et nous rend une dépendance et non un droit, c’est pour cela qu’il faut supplier, je ne souviens pas avoir supplier pour avoir un numéro de sécu.


  • ZenZoe ZenZoe 25 mai 2019 16:12

    On n’insiste pas assez sur le côté intrusif et complexe des demandes. Il faut remplir un dossier très complet qui décortique chaque aspect de votre vie, et justifier de chaque point avec moult formulaires et justificatifs.

    On comprend bien qu’il s’agit d’éviter la fraude, mais on peut aussi se demander si toute cette paperasse est indispensable, paperasse qui, par ailleurs, n’évite même pas la fraude.

    Faire plus simple et plus respectueux de l’intimité des gens est tout à fait possible. Ainsi le chèque énergie (une exception notable !) est envoyé automatiquement et directement aux bénéficiaires. La déclaration d’impôt suffit. Alors pourquoi ne pas généraliser ce système à toutes les aides ?

    Concernant la CMU, la stigmatisation est bien réelle aussi. Ne pourrait-on imaginer un autre moyen d’offrir la gratuité des soins sans étiqueter les bénéficiaires avec une « carte de la honte » ?


    • izarn izarn 25 mai 2019 17:01

      @ZenZoe
      Je crois que c’est pas marqué sur la carte « enculé qui profite du fric du contribuable »
      Et puis même, j’insiste pour que ce soit inscrit, histoire de faire chier le monde !
       smiley Voir la tronche du pharmacien ! Un régal !
      Je profite de tes impôts connard !
       smiley
      Vas -y crache ! Hahahahahahhha !
       smiley
      Jusqu’à ma mort !
       smiley
      Mourir pauvre et heureux !
      Génial !
      C’était ce que disait Jésus Christ !
       smiley
      Hé les riches, votre fricouille vous ne l’emporterez pas dans la tombe, pourquoi faire chier le monde avec ça ?
      La puissance, la guerre, les Soros, les Trump, toute cette merdasse humaine ?
      Pourquoi vouloir s’interesser à leur morale d’étron puant ?
      Passons à l’étage supérieur, c’est que voulait Jésus...
      Mort sur la croix, par les connards qui sont les mêmes de nos jours.


    • UnLorrain 26 mai 2019 15:46

      @ZenZoe

      J’ai reçu ce courrier, chèque énergie. Ne sachant,ne comprenant rien a rien,j’l’ai foutu dans l’fourneau puisque ça parlait de chauffage...En fait,il me semble que ce chèque cadeau...pouvait aider a payer un moyen de chauffage inexistant a ma demeure. Il est fort probable que ce petit paquet de pognon fut soutirer dans une poche sous forme de taxes par exemple,fut teter par un grand nombre de bouchinutiles,et remis dans l’autre poche de la personne qui regarde faire...suffoquė.


    • nun01 27 mai 2019 13:33

      @ZenZoe
      Quelle fraude, la fraude des centaines milliardes d’évasion ou la fraude à la misère


    • nun01 27 mai 2019 14:07

      @ZenZoe
      J’ai essayé le simulateur, j’ai laissé tomber.
      Si c’était aussi emmerdant d’avoir un numéro de sécurité sociale, je pense que je ne l’aurai eu. Tout ça c’est juste des relations dominants dominés et non des droits


    • nun01 27 mai 2019 14:15

      @UnLorrain
      bouchinutiles est le vocabulaire des gens qui jalousent leurs voisins RMistes et qui n’ont pas les couilles de s’en prendre aux milliardaires qui nous pompent les fruits de notre travail. Vous êtes un lâche, vous êtes un cerveauinutile


  • foufouille foufouille 25 mai 2019 16:47

    " RSA, 36% de non-recours : Le Revenu de Solidarité Active qui assure à chacun un moyen de subsidence. ACS, entre 57% et 70% de non recours : L’Aide Complémentaire à la Santé permet de souscrire à une mutuelle à moindre frais. Elle est attribuée aux personnes à ressources modestes. CMU-C, entre 21 et 34% de non-recours : La Couverture Maladie Universelle Complémentaire fait office de mutuelle gratuite et garantit l’accès aux soins aux plus démunis d’entre nous." une bonne partie vient des bureaucrates puants. une année, je me suis retrouvé au RSA sans CMU car en attente de renouvellement AAH. une personne que je connais est juste en arrêt maladie cr la CAF refuse de lui verser son AAH car elle pourrait avoir une pension de la CPAM. ETC, ETC. toutes les aides ont des conditions et des obligations différentes avec du flicage ou il faut couiner. ce n’est donc pas très rentable.


  • zygzornifle zygzornifle 25 mai 2019 18:02

    En voila de l’argent pour financer la migration ....


  • zygzornifle zygzornifle 26 mai 2019 08:39

    Un député un ministre ou un sénateur n’aurait jamais laissé un centime lui échapper ....


  • Ruut Ruut 27 mai 2019 07:10

    Pourquoi les aides, si un citoyen y a droit, ne sont-elles pas automatiques ?
    Pour les taxes et factures, elles sont bien automatiques, les aides devraient l’être tout autant.
    Comme ça plus de fraudes puisque plus de demandes.


  • kabouli 27 mai 2019 13:10

    Et quand on découvre ce a quoi l’on a droit l’administration vous avertit que depuis quelques temps vous n’avez plus le droit à l’integralité de ces indemnités mais à une décote de 50%


  • Patrick Samba Patrick Samba 28 mai 2019 12:12

    Bonjour,

    votre article est excellent, mais on sent que vous pourriez rapidement vous transformer en Fergus-bis, or on ne veut pas de concurrence sur ce site. Un Fergus est largement suffisant !

    La raison de mon inquiétude ? Cette phrase :

    "le non recours par non-proposition. Cette forme est caractérisée dès lors qu’une aide n’est pas énoncée par un conseiller, agent ou travailleur social d’un organisme prestataire. 

    Il ne s’agit pas ici de blâmer les professionnels du secteur, bien au contraire..."

    Bien voyons, comme si vous ne saviez pas que dans ces organismes travaillent des fachos (je n’ai pas trouvé la forme inclusive), des électeurs du R-Haine, des gros pervers qui jouissent à humilier les pauvres et les démunis (j’ai pas mis la forme inclusive parce que les femmes ne peuvent être ces gens, bien entendu).

    Et j’aurais bien aimé lire les mots dignité (quand on veut ne pas être trop assisté), et orgueil qui est souvent mauvais conseiller.

    Sinon le reste est très bien.


    • Patrick Samba Patrick Samba 28 mai 2019 13:14

      @Cadoudal
      quand la haine est aveugle ou sourde...
      Ah, on croit pouvoir se lâcher parce que sa Marine est arrivée en tête avec 12% des électeurs potentiels ?
      Mais bougre de con, qui est ce gros con qui hurle sur ta vidéo ? Un gros con ! Peut-être sans doute - électeur de la Marine !


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