mercredi 10 octobre 2018 - par Elixir

Le ghosting 2.0 : en famille, entre amis, avec des inconnus

Le ghosting (« faire le mort », en français), que nous venons d’introduire pour les ruptures amoureuses, dans notre première partie, et que les ados connaissent bien quand ils fuguent du foyer familial par exemple sans donner de nouvelles mais qui est en réalité connu depuis fort longtemps du monde de l’entreprise, et qui consiste, en l’occurrence, à ne pas prendre la peine de répondre aux CVs ou de ne pas updater les candidats (donner une réponse) après un entretien aux postes qui sont proposés, semble aujourd’hui se généraliser à tous les pans de la société : familles, amis, (ex) partenaires, inconnus, relations administratives, professionnelles ou commerciales…

 

Quand on n’est pas ou plus intéressé, ou gêné, il semble ainsi qu’il ne soit plus nécessaire de prendre la peine de répondre...

 

Ainsi la mode de la « relance  » est-elle rentrée naturellement dans les mœurs, et aujourd’hui si personne ne se met pas à genoux devant un ghoster, inutile d’espérer sa grâce d’une réponse qui nous délivrerait…

 

On imagine alors les millions de téléphones qui ne répondent jamais, d’emails et de messages téléphoniques perdus quelque part dans des corbeilles ou des boites aux lettres fantômes, les milliards de SMS qui ont été squizzés définitivement sans raisons… Et combien de notifications, de posts et de tweets égarés dans le vide intersidéral ?

 

Un article récent du sérieux theatlantic.com, titrait ainsi « comment il est devenu normal d’ignorer les textos et les emails » confirmant ce qui peut-être considéré dorénavant comme un véritable phénomène de société.

 

Bien sûr l’auteur de l’article nous rappelle que le fait d’ignorer dans la « vraie vie » a toujours existé sous différentes formes, comme le fait de bouder, par exemple, ou de « faire la gueule », qui sont des modes de communication très naturels et spontanés que chacun a déjà pu expérimenter, ne serait-ce qu’à la cour d’école ou avec ses frères et sœurs…

 

L’on peut d’ailleurs penser qu’en certains cas une prise de distance saine soit tout à fait opportune, ne serait-ce que temporairement, pour faire « passer un message », laisser filer l’orage, surtout s’il n’y a pas de résolution de conflit envisageable immédiatement.

 

Mais la pratique semble aujourd’hui prendre des proportions outrepassant largement le cadre d’une simple chamaillerie, d’une mise à distance respectueuse, d’une relation toxique ou d’un harcèlement, pour lesquels on peut comprendre, après avoir tenté en vain toutes les explications, que couper les ponts soit en ce cas la meilleure solution…

 

Alors certes, la gestion et l’impact d’une absence de réponse à un email anodin ne sont pas les mêmes qu’avec une non-réponse à une déclaration d’amour ou une décision qui engage votre vie, mais la somme de petits stress et d’agacements -voire de colères- répétés par l’attente de réponses sur des enjeux quotidiens, parfois somme toute importants, peut finir aussi par avoir un impact substantiel sur nos relations, notre lien social et notre bien-être général.

 

En ce sens l’immédiateté communicationnelle que permet notre hyperconnectivité est à mettre en contraste avec des temps d’attente parfois démesurés pour de simples SMS ou emails qui appellent pourtant à des réponses courtes et rapidesUn article de Slate.fr nous apprenait ainsi que 70 % des gens s’attendaient à ce qu’on réponde à leurs emails professionnels sous 4 heures alors que le temps moyen de réponse est en réalité de 23 h, faisant des users que nous sommes des frustrés chroniques pour ne pas dire des losers, ce qui semble un comble à l’heure de la 4G…

 

Marieclaire.fr souligne de plus, en évoquant le phénomène de la surveillance mutuelle en ligne, à quel point il peut être stressant de savoir que le destinataire de notre message l’a bien reçu grâce à la visibilité de sa présence en ligne, tout en n’y répondant pas pour autant...

Nous vous conseillons de voir cette vidéo virale de GuiHome :CES GENS QUI NE RÉPONDENT PAS ! (Coup de gueule), qui résume sans ambages la situation chez les jeunes.

Alors pourquoi la cordialité, pour ne pas dire le respect, qui sont à la base du vivre-ensemble et du contrat social nécessaire à la confiance mutuelle tendent-ils ainsi à décliner ?

 

 

Les raisons sociales, les réseaux sociaux

 

Quelques arguments techniques sont parfois avancés pour des réponses qui tardent trop et ne parviennent finalement jamais, comme un problème de gestion de son agenda et des outils qui pourraient y aider, nourri par des modes de vie hyperactifs, mais aussi l’impossibilité d’appréhender pour un cerveau humain normal l’afflux continuel de communications de toutes sortes pour lequel il n’a pas été pas conçu, et la difficulté parfois de pouvoir en hiérarchiser ou gérer l’importance, ce qui est d’autant plus vrai, dans le registre affectif, lorsque l’on doit jongler à distance avec de multiples partenaires ou amis potentiels abordés, par exemple, sur des sites de rencontres ou autres réseaux de « sociabilisation » comme Instagram ou facebook ...

 

Aussi, si le manque de temps, ou l’oubli, sont souvent avancés en tant qu’excuses, parfois de manière tout à fait sincère lorsqu’un emploi du temps est très chargé, qu ‘il s’agit de préparer une réponse élaborée ou d’une indisponibilité avérée, ces arguments récurrents sont néanmoins utilisés par beaucoup pour masquer des raisons un peu moins présentables. C’est le cas sur le plan personnel : comme le fait de manquer d’intérêt ou d’envie, par exemple, la peur d’exprimer une gène, de vexer ou de devoir s’expliquer et se justifier, voire entrer dans des argumentations dérangeantes, faire face à ses promesses de Gascon, ou le simple fait de ne pas savoir quoi ou comment répondre - handicap communicationnel oblige…

 

Parfois il s’agira simplement de gagner du temps, manifestant cette fois-ci un comportement beaucoup plus manipulateur…

Ainsi, les raisons étant parfois perçues comme inavouables, le silence-radio devient alors le seul moyen d’éviter d’avoir à mentir

L’argument de l’homme(ou la femme) pressé(e), trop occupé(e) et important(e) pour répondre aux gens, pourrait aussi, quant à lui, révéler un caractère dominateur et hautain, probablement lié au pathologies évoquées dans le précédent article... « je suis quelqu’un de super occupé, je suis important, moi... »

 

Cependant, une raison majeure revient régulièrement, plus ciblée et bien expliquée par wikipédia.com, pointant l’usage des réseaux sociaux qui mineraient l’authenticité de nos relations et de nos capacités communicationnelles et qui sont à mettre en relation avec notre société narcissique invitant toujours plus à l’égoïsme.

Selon les sociologues cités, ce mouvement s’associerait à un déclin généralisé et inquiétant de l’empathie et de la bienveillance, renforcé par l’anonymat et la distance, facilitant les comportements de fuite et d’évitement, qui entrant ainsi dans les mœurs, paraîtraient alors beaucoup plus acceptables, et générer -pense-t-on- des conséquences beaucoup moins fâcheuses..

 

« Si tout le monde le fait, alors, c’est normal, je peux le faire moi aussi, en plus c’est tellement facile... »

 

Par ailleurs, l’hypersocialisation et les outils en ligne développés pour communiquer toujours plus vite avec toujours plus de personnes, nous inciteraient à privilégier la quantité plutôt que la qualité, laissant les valeurs de respect et d’humanité, qui demandent souvent temps et attention, littéralement sur le carreau.

 

Les nouvelles habitudes instiguées par les sites de rencontres sont à ce titre édifiantes :

 

« Si une personne vous plaît, swipez la vers la droite sur son profil.Sinon swipez la vers la gauche. »

 

« A l’ère des Tinder, OKCupid, JSwipe and Hinge, la mise en relation s’opère en faisant glisser à droite ou à gauche un profil, les prétendants potentiels pouvant littéralement se faire éliminés. Les facilités de rencontres en ligne ont permis au ghosting de prendre de nouvelles formes.[…] « Même après un ou deux « date* » ils représentent juste un profil pour vous, pas une personne. Je ne ressens pas l’empathie normale que je ressentirais pour quelqu’un que j’aurais rencontré naturellement » témoigne une utilisatrice . »(source, Huffington Post) *rendez-vous

 

Vanina de Touchet, selon les propos rapportés par Terra Fémina, résume : "On se retrouve rapidement avec plusieurs, voire beaucoup d'échanges de front. Même si certains sont plutôt doués pour gérer un grand nombre de relations en même temps, il y a un moment où il est nécessaire de faire le tri et il n'y a besoin que d'un clic pour cela. Le plus simple et le plus rapide pour zapper la personne du paysage numérique : ne plus donner signe de vie".

 

« Anna Sale, 34 ans, hôte et éditrice du WNYC podcast “Death, Sex & Money,” croit que les réseaux sociaux permettent d’éviter les conversations difficiles. :« Tandis que les gens sont de moins en moins enclins au fait de se parler en face à face sur les sujets qui fâchent, cela devient plus facile de passer à autre chose, de laisser le temps s’écouler et d’oublier d’annoncer à la personne que vous êtes en train de rompre avec elle. » » (source New York Times)

 

« D’une certaine manière je pense que c’est une des raison qui rend les rencontres en ligne si attrayantes. Comme vous n’avez pas d’amis en commun ou que personne ne vous a introduit par d’autres canaux, ce n’est pas la fin du monde si vous disparaissez simplement de la surface du globe . »(psychologytoday.com)

 

Selon une enquête IFOP de 2018, 33 % des français continueraient à chercher un(e) autre partenaire sur des sites de rencontre alors qu’ils sont déjà en couple.

La pratique qui consiste à flirter avec une ou d’autres personnes pour s’assurer un matelas de secours si la relation primaire venait à défaillir s’appelle le cushioning.

 

Les perfectionnistes de l’amour, qui attendent le meilleur plan avant de le dater, tout en maintenant les autres sous le coude, ont aussi leur nouveau mot  : le serendipidating

 

Aux Etats-Unis, en 2013, un tiers des mariés se rencontraient sur Internet.

Presqu’un mariage sur deux sera un jour rompu dont 40 % en raison de l’infidélité d’une personne.

 

 

Nous verrons dans notre 3ème et dernière partie comment nous pouvons faire face au ghosting à travers l'atomisation émotionnelle et technologique de la société.

 



2 réactions


  • rogal 11 octobre 2018 07:19
    Faire du jogging
    Faire du dating
    Faire un benchmarking
    Faire du ghosting
    ...
    C’est surement faire du progressing


  • mekihuhul 11 octobre 2018 13:48
    Vous essayez de faire une critique par l’absurde des causes en carton, en nous montrant qu’on peut inventer et mousser n’importe quel détail complétement secondaire de la vie, tellement les gents sont cons ? Payer des institution entière a se branler pour en faire des débat, des loi et des institution, sur le nombre de cl, de minutes, sur l’expression faciale et vestimentaire convenable a chaque circonstance ?




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