jeudi 8 août - par olivier cabanel

Le grand Alexandre

 

Alexandre Grothendieck, s’il est connu pour être l’un des plus éminent mathématicien, était aussi surtout un militant anti-nucléaire très actif…

S’il faut en croire Charlie Hebdo, ce sont les évènements de mai 68 qui aurait donné au grand mathématicien la fibre écologique… : « au contact des étudiants rebelles, il prend conscience de l’urgence écologique, concept aujourd’hui banalisé, mais qui à l’époque était vu comme une utopie de chevelus idéalistes ». lien

Plus tard, le 10 juillet 1970, lors de la manifestation contre la centrale nucléaire de Bugey, on a pu le voir à nouveau...lien

Sur ce lien, une audio sur l'histoire de ces mobilisations...

J’étais, avec des amis genevois, et ma guitare, l’un des 15 000 militants, présent ce jour là, grâce aux journalistes de Charlie Hebdo, instigateurs, surtout Fournier, Gébé, Reiser, entre autres, de cette journée riche en évènements…lien

Grothendieck avait pris la parole sur la scène, malgré une sono défaillante, alors que Choron, dans un état éthylique avancé, avait fracassé le piano qui trônait sur la scène, en présence de beaucoup de célébrités connues, ou à venir : Fournier, et toute la bande à Charlie, mais aussi Maxime Le Forestier, Yves Cochet, et tant d’autres... lien

c’est peu de temps après que Fournier créa « la gueule ouverte »…

Grothendieck, de son côté, avait lancé, avec quelques autres, la revue « Survivre et Vivre »,

et s’il avait viré à l’anti-nucléaire-alisme, c’était d’abord par anti-militarisme, car il ne voulait pas que la recherche puisse être récupérée par les militaires… cette prise de conscience s’est réalisée lorsqu’il a découvert que l’institut dans lequel il travaillait, l’IHES (Institut des Hautes Études Scientifiques) 5 % de ses subsides provenaient de l’armée…alors que cet institut avait été créé pour lui par l’industriel mathématicien Léon Motchane, qui était fasciné par l’intuition et la puissance du travail de ce jeune homme de 27 ans. vidéo

Motchane disait que sa nouvelle vision de la géométrie, inspirée par son obsession de repenser la notion d’espace avait bouleversé la manière de faire des mathématiques. lien

Nommé au Collège de France, qu’il quittera pour devenir professeur à l’université de Montpellier, il rejoint le CNRS en 1984, jusqu’en 1988, et refusera le prix Crafoord, pour laquelle il s’expliquera dans une lettre publiée au Monde, justifiant que « la seule épreuve décisive pour la fécondité d’idées ou d’une vision nouvelles est celle du temps...la fécondité se reconnaît par la progéniture, et non par les honneurs  ».

Il était aussi révolté du déséquilibre écologique croissant causé par une utilisation indiscriminée de la science et de la technologie par des mécanisme sociaux suicidaires et par des conflits militaires liés à la prolifération des appareils militaires et des industries d’armement, ainsi qu’il l’écrivit dans sa revue.

L’adolescent de 16 ans, en 1944, juste le bac en poche, n’avait pas été identifié comme le génie des maths qu’il allait devenir, et avait reçu la médaille Fields en 1966, quasi équivalent du Nobel.

Il n’ira pas la chercher, en Russie, en mémoire de son père emprisonné la bas, en temps qu’anarchiste, et le directeur de l’IHES ira à sa place. lien

Il la revendra plus tard, car elle était en or, et il avait été surnommé « l’Einstein français  » par de nombreux journalistes, dont Philippe Duroux dans son livre « sur les traces du dernier génie des mathématiques  », Allary éditions 2016.

En 1972, il pose dans « Survivre et vivre  », les bases de sa réflexion : « nous pensons maintenant que la solution ne proviendra pas d’un supplément de connaissances scientifiques, d’un supplément de techniques, mais qu’elle proviendra d’un changement de civilisation ».

Cette pensée prend un étrange sens aujourd’hui... au moment ou le Monde semble prendre une tout autre direction, avec « ses i-phones, son intelligence artificielle, ses voitures électriques... ».

Plus tard, tout en dirigeant sa revue, il tente la vie communautaire, et de nombreux militants viennent pour le rencontrer dans une maison qu’il habite à Massy, en région parisienne…

Un militant limougeois, objecteur de conscience, Jean François Pressicaud, évoque ces rencontres : « on y parlait d’écologie et de non violence et il y avait souvent des mathématiciens de haut niveau comme Pierre Samuel, Denis Guedj, Daniel Sibony (…) on sentait qu’un courant de pensée était en train de naître, tout le monde en avait conscience. »

José Bové, encore jeune homme s’y était même rendu pour récupérer de la nourriture bio.

Il se souvient que la distribution des denrées bio se faisait dans son garage…

Aujourd’hui, Bové veut voir les zadistes comme les « enfants de Grothendieck », et il ajoutait : « Grothendieck faisait toujours le lien entre la pensée et la vie de tous les jours (…) il venait comme n’importe qui, au besoin faire le coup de poing contre les gendarmes mobiles, mais sans jamais se mettre en avant ». lien

Plus tard, ayant appris qu’au Centre d’Étude Nucléaire de Saclay se trouvaient des fûts de déchets radioactifs fissurés, il s’y fait inviter par la CFDT pour une conférence sur la recherche scientifique.

Fournier le raconte dans un numéro de Charlie Hebdo : « la direction veut bien qu’on philosophe, mais dans la sérénité. Surtout que Grothendieck n’amène pas ses Hippies »... alors, il se fera accompagner par Sibony et Guedj.

La physicienne Bella Belbéoch, raconte cette conférence dans le livre de la chercheuse Sezin Topcu : «  la France nucléaire  » (le Seuil) : « est-ce que vous savez, vous qui êtes là en train de faire de la recherche que vous avez devant vos yeux des fûts qui sont fissurés avec de la radioactivité ? Et çà ne vous intéresse pas ! (…) votre dépotoir, comme tous les dépotoirs de produits radioactifs n’offrent aucune garantie de sécurité ».

Saclay, un peu plus tard, déménagera les fûts fissurés...lien

Beaucoup plus tard, début 1990, le génie rebelle quittera tout ça, se réfugiant dans un village pyrénéen, non loin de Lasserre, en Ariège, fermant la porte à ses propres enfants, ainsi qu’aux mathématiciens, venus de l’autre bout du monde pour le rencontrer…lien

il y rédigera aussi des textes ésotériques sur la fin du monde, vouant une admiration pour toutes les plantes, engueulant ses voisins qui coupent les mauvaises herbes… et continuera à faire des maths.

À sa mort, à 86 ans, le 12 novembre 2014, on découvrira des milliers de pages dont le mathématicien, Michel Demazure estime qu’« il faudra 50 ans pour les transformer en mathématiques accessibles ». lien

Comme dit mon vieil ami presque africain : « l’humain fait la guerre à la Terre, s’il gagne, il perd  ».... merci Mr Reeves.

Merci aux internautes pour leur aide précieuse

Le dessin illustrant l’article vient de Charlie

Olivier Cabanel

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24 réactions


  • suispersonne 8 août 16:08

    Il faut se souvenir que l’équipe de Hara Kiri / Hara Kiri Hebdo / Charlie Hebdo n’avait pas encore subi la notabilisation fétide du piteux sarkozyste Val.

    Et que Fournier avait pris conscience des urgences pour la santé de cette planète bien avant que les cons sommateurs commencent à en parler.

    Les plus jeunes ne peuvent pas se souvenir de la violence avec laquelle le CPA (comité professionnel de l’amiante) et les thuriféraires de l’amiante, dont de très nombreux médecins du travail totalement inféodés au patronat, ont lutté contre l’émergence de la VÉRITÉ : l’amiante tue, on le sait déjà avant la guerre de 14-18.

    A l’époque, tous les industriels qui utilisaient l’amiante (chantiers navals, textiles, mines, bâtiment, …), très bien informés, étaient rassurés par la lenteur du déclenchement des symptômes du mésothéliome : entre 20 et 40 ans après la première exposition.

    L’espérance de vie réduite des travailleurs exposés réglait souvent le problème avant même l’apparition des symptômes. Tout roulait.

    Qui se souvient de la normande Condé sur Noireau, dans « la vallée de la mort », où se poursuivent encore les décès dus à ce merveilleux matériau ?

    En 1970, les ouvriers voulaient tabasser, par peur de perdre leur si précieux emploi, le journaliste de Hara Kiri hebdo venu enquêter sur le sujet …

    Eh oui, après Dumont, les premiers écologistes de France, c’étaient Fournier, Cavanna et leurs amis de Hara Kiri.


  • leypanou 8 août 16:38

    Léon Motchane a-t-il des liens avec Didier Motchane une ex-huile du PS ?

    Denis Guedj a-t-il des liens avec Jérôme Guedj actuel député de l’Essonne ?


    • olivier cabanel olivier cabanel 8 août 18:22

      @leypanou
      pour le premier, il semble que oui !


    • olivier cabanel olivier cabanel 9 août 07:25

      @leypanou
      la question de la parenté est intéressante...vous semblez l’utiliser pour discréditer Léon et Denis...oseriez vous faire de même avec le père et la mère d’un certain dictateur allemand ? je m’interroge...


    • leypanou 9 août 10:43

      @olivier cabanel
      pas du tout : Didier Motchane j’en ai entendu parler il y a très longtemps quand le PS était plus ou moins aux commandes (je ne sais même pas ce qu’il y faisait d’ailleurs), quant à Guedj, celui actuel, il est abonné aux médias quand à l’ancien, je ne le connais pas.
      Vous vous êtes trompé.


  • Eric F Eric F 8 août 17:28

    ’’l’urgence écologique, concept aujourd’hui banalisé, mais qui à l’époque était vu comme une utopie de chevelus idéalistes’’

    Il était idéaliste, il ne lui a manqué que d’être chevelu

    ’’vouant une admiration pour toutes les plantes’’

    Sauf les grosses légumes.


  • Seth 8 août 20:05

    Ca me fait penser à un ami mathématicien qui me disait que c’était dans les maths qu’il y avait le plus de secoués du bulbe d’une façon ou d’une autre.


    • olivier cabanel olivier cabanel 8 août 21:09

      @Seth
      « secoués du bulbe » ?...dites, Seth, ne croyez vous pas que nous en manquons singulièrement de « secoués du bulbe » ?....alors que des milliers de français s’émotionnent d’un but marqué, ou raté...


  • Ffgismo 8 août 21:29

    L’énergie nucléaire est une étape essentielle indispensable pour tout système complexe, le cortex cérébral en est un, probablement parmi des milliards d’autres dans cet univers. La peur irrationnelle d’une production parfaitement maîtrisée est totalement compréhensible de la part d’un individu qui ne supporte que des certitudes. L’ énergie nucléaire c’est surtout la vie. L’intégralité des erreurs ou accidents sont du seul fait des personnes.

    l’énergie nucléaire ne représente aucun risque contrairement aux comportements des personnes, et c’est la toute la question, s’appuyer sur des esprits performants ce qui ne dit strictement rien de leur intelligence ne règle pas le sujet. 


    • suispersonne 8 août 22:57

      @Ffgismo
      Bravo pour avoir osé tant d’âneries avec seulement 2 paragraphes.
      L’énergie nucléaire existe, et fait partie de l’univers comme les tsunamis, les tornades, et le vent.
      Vos à peu près sont pitoyables.


    • olivier cabanel olivier cabanel 9 août 07:22

      @Ffgismo
      vous développez une forme d’aveuglement qui devrait être analysé par des experts, songez-y !


    • Eric F Eric F 9 août 09:50

      @Ffgismo
      L’énergie de cohésion des particules au sein des atomes existe bien dans le cerveau, mais le jour où il y aura des réactions en chaine de fission nucléaire dans la matière grise, ça va péter le feu ! :->


  • Cela n’empêche rien du moment que si ladite chose est entre nos mains et nous la maîtrisons alors il fallait se battre jusqu’au sang pour ne pas quelle soit mise dans des mains étrangères , hors de notre contrôle .

    Mais il est vrai que le gauchisme de salon ne conduit que vers un autre salon où d’autres affairistes en profitent en toute sérénité ... !

    Car rien n’est plus révélateur quand on mesure la hauteur des sacrifices ...

    Le monde journalistique est largement constitué de moins que rien ou de plus en plus de gens inutiles .


  • La Bête du Gévaudan 9 août 13:20

    comme quoi on peut être un génie en mathématiques et un idiot fini en politique et économie. Ce n’est pas le premier. Combien de « beaux esprits » ont soutenu (et continuent de soutenir) les doctrines collectivistes et constructivistes les plus ineptes et tyranniques ?

    Le problème vient du déclin intellectuel et spirituel. Ces gens placent leur spiritualité ici-bas, sorte de néo-paganisme, et sont conduits à vouer un culte à « la société » ou « la nature ». On sait où ça mène : communisme et nazisme. La spiritualité cherche la perfection, et l’ici-bas offre l’imperfection (corruptibilité, finitude, incomplétude, péché originel, etc.). En cherchant établir la perfection sur Terre, on est obligé de violenter l’ordre naturel de la vie et de l’humanité (qui est « imparfait » du moins selon nos critères humains) et de créer à cette fin une tyrannie policière.

    Ces gens confondent Dieu et leur « idée de Dieu ». Ils croient que Dieu est une création des hommes (et non l’inverse !) et qu’il suffit donc d’établir Dieu sur terre par un décret des hommes. C’est d’une naïveté confondante ! Mais nombre d’intellectuels y succombent.

    Pourtant, il devrait appliquer à Dieu et à la société la même rigueur qu’il semble avoir appliqué aux mathématiques : l’homme n’invente pas le monde mais le découvre. C’est cela que le libéralisme classique.


    • olivier cabanel olivier cabanel 9 août 20:51

      @La Bête du Gévaudan
      c’est vrai que sur le thème « du déclin intellectuel et spirituel » ,vous semblez avoir certaines compétences... smiley


    • La Bête du Gévaudan 12 août 19:43

      @olivier cabanel

      vous en pensez ce qu’il vous plaira...

      je constate simplement que si c’est pour adhérer à ces idéologies constructivistes qui ont débouché sur des sectes, des attentats, des crimes, des tyrannies et des génocides, il y a quand même un « retour du réel » à prendre compte...

      certes, les gens de gauche sont très doués pour ôter la paille dans l’oeil du libéral, mais un peu moins la poutre qui est dans le leur. Voilà tout.


  • Montdragon Montdragon 10 août 23:33

    je ne vois pas le rapport positif entre dénucléarisation et progrès écologique, bien au contraire !


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