jeudi 6 août 2009 - par Didier Cozin

Le grand soir de la formation professionnelle

Le grand soir de la formation professionnelle n’a donc pas eu lieu en cet été 2009, malgré les déclarations répétées du chef de l’Etat depuis 2007 : « ….réformer un système de formation professionnelle  à bout de souffle, dans son organisation comme dans son financement » les corporatismes et les lobbies administratifs, économiques et syndicaux auront été plus forts, la formation professionnelle est retouchée mais à la marge alors que la première réforme n’avait produit aucun effet durant cinq ans et que la crise économique fait désormais rage dans notre pays.

En matière d’apprentissage il est toutefois bon de rappeler quelques faits :

· De 2007 à fin 2009 près de 1,5 million de personnes auront perdu leur emploi (et parfois aussi leur employabilité, liée très souvent à une seule entreprise),

· Nous dépensons près de 27 milliards d’euros tous les ans en formation professionnelle mais 60 % des travailleurs ne se forment jamais (la France occupe le 19e rang parmi les 27 Etats membres de l’Union européenne en matière de taux d’accès à la formation),

· L’éducation nationale accapare le premier poste de dépenses de l’Etat pour des résultats médiocres selon tous les classements et indicateurs internationaux,

· Près de 2 millions de salariés sont illettrés,

· 50 % des français ne maîtrisent ni l’Internet ni l’informatique,

· 80 % des salariés ne parlent pas de langue étrangère (oublions le niveau " faux débutant " qui est notre norme hexagonale),

· Face à la crise la seule réponse généralisées des organisations (privées comme publiques) est de limiter ou de réduire les budgets formation,

· Les salariés victimes de plans sociaux ne croient pas non plus à la formation et préfèrent souvent des indemnités financières conséquentes à un accompagnement de qualité pour un nouvel avenir professionnel,

· Les syndicats vivent en partie des fonds de la formation professionnelle via le paritarisme et ont dès lors une attitude ambiguë face au droit à la formation

· A l’horizon 2010 notre pays sera très loin des objectifs européens en matière d’emploi et d’employabilité (70 % des citoyens au travail entre 15 et 65 ans)

Le diagnostic est évident en cette fin 2009 : La France n’est pas prête à entrer dans l’économie des savoirs et de la connaissance. Une minorité de salariés disposent des moyens et des outils conceptuels pour développer leurs compétences dans une exigeante économie mais la masse des travailleurs est abandonnée sans ressources face à une économie mobile, mondialisée et sans cesse renouvelée.

Nous sommes désormais rivés à des modèles anciens et périmés de développements fordiens. Nos organisations (entreprises comme administrations) ne sont pas apprenantes, elles privilégient la procédure, la norme, le respect des hiérarchies basées sur le diplôme alors qu’Internet bouscule cette vieille société en mettant l’information à la portée de tous.

Les organisations françaises ne savent pas faire collaborer leurs salariés, elles n’ont pas intégré les méthodes et les outils de déploiement de l’intelligence dans une économie des savoirs, une écologie de l’apprenance.

Notre pays est malheureusement coutumier de ces retards, de ces interminables périodes de surplace suivies des secousses brusques, révolutionnaires et souvent violentes. Nous ne savons guère nous adapter en permanence, notre système est basé sur la défiance, le blocage, les droits acquis, les statuts et les privilèges (dérisoires remparts dans la société de l’information).

Au XVIII ème, peu avant la révolution, notre pays présentait déjà ce type d’anachronismes face à une Angleterre qui mettait en œuvre depuis des décennies des techniques agricoles modernes et rentables (« enclosure » et accroissement des productions). Plus tard la révolution industrielle et les transports en train témoignèrent encore de nos retards.

Nous avons souvent plusieurs guerres de retard, bataillant avec la cavalerie alors que nos adversaires (désormais partenaires économiques) étaient passés depuis belle lurette à l’armée blindée. Nostalgiques des trente glorieuses et de ses enjeux productivistes nous présentons en de nombreux domaines la caricature d’une société féodale où le diplôme a remplacé le titre nobiliaire mais sans que la démocratie soit authentique et le peuple désireux de se prendre en main.

Mais tout espoir n’est peut être pas perdu 

32 % des salariés ont des projets à court terme de reconversion professionnelle (la crise est aussi une opportunité)

Des centaines de milliers de français créent leur activité et ont envie de se retrousser les manches plutôt que de pleurer après le travail perdu ils ont envie de le créer

80 % de ces mêmes salariés souhaitent se former, y compris hors temps de travail

Les entreprises qui déploient le DIF bénéficient d’un engouement rapide pour ce dispositif

Chaque salarié disposera dès 2010 d’un vrai capital formation de 120 heures

Les vieilles idées politiques et sociales qui avaient cours au XX ème siècle semblent périmées et inopérantes à beaucoup de nos concitoyens

Le pays réel bouge, il bouge loin des forces politiques traditionnelles et du parlement qui ne savent plus jouer leur rôle de guide et d’accompagnement des évolutions, il bouge grâce à Internet, à la démocratie participative via les forums, les blogs, les réseaux sociaux. L’administration elle-même devra aussi se réformer, abandonner ses procédures figées, ses statuts dépassés, ses protections illusoires pour jouer le rôle d’accompagnement d’une société civile devenue enfin adulte.

 L’enjeu principal pour notre pays est bien celui-ci : Etre capable de se prendre en charge dans un XXI ème siècle qui ne sera pas la décalque du XIX ème, de reconstruire des emplois, des richesses, de développer nos compétences et nos intelligences au sein du village planétaire dans cette économie mondialisée des réseaux, de la connaissance et de l’information. 



2 réactions


  • tvargentine.com lerma 6 août 2009 13:00

    UN très bon article mais il semble avoir été saboté par les adorateurs du TSS pour sa publication ,car il mérite que les lecteurs le lisent pour comprendre pourquoi en France,chaque année,25 millards d’euros sont dépensés sans aucun résultat pour les travailleurs et demandeurs d’emplois (ne parlons pas de rmistes !)

    http://www.tvargentine.com/


  • cambacérès cambacérès 16 août 2009 02:25

    Soyons lucides...
    Si nécessaire soit-il, il n’y aura pas de grand soir de la formation professionnelle tant qu’ il faudra acheter aux syndicats une paix sociale ... qui risque d’être chère cet automne.

    Les 25 milliards d’euros en cause sont collectés auprès des entreprises, pour l’essentiel via des taxes assises sur la masse sariale : ce n’est pas tout à fait de l’argent public, mais c’est donc , à tout le moins, de l’argent collecti : .il reste scandaleux que l’emploi de cette manne continue d’échapper à toute évaluation régulière ou permanente.
    On fait grand bruit de la prochaine transparence comptable des syndicats : à quand celle des organismes collecteurs ?

    Le plus grave, dans cette loi, c’est qu’elle se contente de « transposer » une fois de plus, les dispositions d’un accord national inteprofessionnel : en clair, des partenaires sociaux sans représentativité réelle ,font la loi . Ce raccourci n’apparait décidémment pas abusif
    Faut-il pérenniser, par cette méthode, ce qui devient un coup d’état social permanent ?

    Constatons que faute d’une représentatitvité réelle et consistante, les partenaires sociaux s’assurent ainsi une légitimité qu’is n’auraient pas...sla peur sociale d’une majorité dont ils ne cessent pourtant de critiquer, la politique sociale par ailleurs.
    Attendons de voir ce que dira le Sénat à la rentrée, lui qui dressait, il y a peu, un état des lieux significatif, pour ne pas dire préoccupant.

    Ce qui est en passe d’être concédé aux « camarades » sur la formation sera-t-il au moins le gage d’une certaine modération lors de la prochaine et nécessaire réforme des retraites ?
    Retraites dont la gestion paritaire elle aussi , mériterait certainement, comme pour la formation, un audit approfondi, préalable à toute hausse des prélèvements comme à tout allongement des durées de cotisation....

    Le plus grave, dans cette loi, c’est qu’elle se contente de « transposer » une fois de plus, les dispositions d’un accord national inteprofessionnel : en clair, les partenaires sociaux font la loi - sans représentativité ni légitimié réelles, il faut bien le dire.

    Faut-il pérenniser, par cette méthode, ce qui devient un coup d’état social permanent ?

    Constatons que faute d’une représentatitvité consistante, les partenaires sociaux s’assurent par ce biais une légitimité qu’is n’auraient pas...sans une majorité dont ils ne cessent pourtant de critiquer, la politique sociale par ailleurs.
    Attendons de voir ce que dira le Sénat à la rentrée, lui qui dressait, il y a peu, un état des lieux significatif, pour ne pas dire préoccupant..


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