mercredi 1er septembre 2010 - par Eric Donfu

« Les communautés de clients » : Pourquoi et de quoi s’agit-il ?

Demain, nous seront peut-être tous membres d’au moins une communauté de client. Certains seront membres de la communauté Carrefour ou Auchan et redéfiniront les magasins de demain, d’autres de communautés publiques, éducation nationale ou ville de paris, et d’autre de la communauté Danone , Evian, Mac Donald ou Novotel, si ce n’est Citroën ou Renault. Chaque membre de ces communautés se sentira un peu propriétaires de la marque ou du service qui les associe à son développement, en prenant en considération ses avis et ses suggestions. Elles sont postées sur un site internet dédié, personnalisé, et animé, qui leur réserve des informations personnelles, que les autres n’ont pas, et des invitations à des évènements et rencontres. Chaque participant est aussi convoqué une fois par mois à une réunion thématique, grâce à laquelle il bénéficie de points donnant droit à une rétribution. Si ces « communautés de clients » ne pourront pas, à elles seules, renverser la crise de confiance entre les citoyens, les marques et les institutions, leur émergence peut révéler une nouvelle approche du marketing, plus « collaboratif ». Le consommateur peut-il s’y retrouver ?

L’intérêt de créer une « communauté de clients »

Qu’est-ce qu’une communauté ? Un groupe social ayant des caractères et des intérêts communs. Une communauté virtuelle s’établit au moyen d’une plate forme Internet. On en parle de plus en plus, mais cela reste encore assez flou pour les responsables marketing : Les « communautés de clients », de véritables « comités consultatifs clients » virtuels, vont pourtant se développer dans les prochaines années. Véritable panel permanent de clients ou d’usagers reliés par un site web interactif et animé, ces « communautés de clients » font déjà école aux Etats Unis.

Des sources diverses

Né, donc, du marketing collaboratif, la « communauté de client » trouve ses sources dans plusieurs réalités : le social shopping (on fait son shopping en ligne avec l’aide de ses amis), les blogs et autres forums de clients dédiés (sites d’avis sur des produits ou services comme trip advisor). On retrouve son esprit dans tout ce qui est spécifique aux sites marchands avec les avis consommateurs et les forums d’entraide entre clients sur le site du marchand (la solution BazaarVoice est la plus fréquemment utilisée), et puis les réseaux sociaux avec la logique de "fan" pour une marque. Sur FaceBook par exemple, de nombreuses marques ont leurs « fans » et en font un lieu d’expression et d’échanges entre clients, et avec la marque.

Aller plus loin que les réseaux sociaux

 Le succès des réseaux sociaux est un fait incontournable, et ouvre bien la voix aux « communautés de clients ». Mais, que ce soit sur Facebook ou Twitter, les propos des gens sont souvent à la surface des choses. Le marketing de masse (one to many) est désormais de plus en plus rejeté. L’amélioration de la relation clients va désormais plus loin que les enquêtes de satisfaction et de qualité produit. L’idée est désormais de modéliser de véritables « scénarios clients », tirant partie de leur expérience vécue et tenant compte de leurs attentes et de leurs besoins implicites et explicites. Pour cela, mieux vaut avoir sous la main un échantillon représentatif de ses clients, qui fonctionnerait comme une « vigie » et même comme un aiguillon…

 Donner la parole aux clients

 Avec une « communauté de clients » l’idée est en effet d’offrir aux participants et aux participantes choisis l’occasion d’exprimer leurs opinions personnelles et leurs idées. Une des rétributions importante de la communauté est effectivement de voir ses suggestions mises en œuvre par les directions marketing correspondantes. Certaines communautés de clients ont permis d’élaborer de nouveaux emballages pour les produits, d’autre de changer le service apporté, le décor des magasins, le discours des messages, et le tout dans la bonne humeur et la créativité.

Une dynamique collective et productive

 D’autre part, une émulation collective se produit, en étant au contact d’autres consommateurs engagés. En se présentant comme une entreprise à l’écoute de ses consommateurs, de leurs idées et de leurs suggestions, la marque inspire ainsi du respect, encourage la fidélité et assure sa notoriété. La communauté de client lui permet aussi d’innover plus rapidement dans le sens voulu par ses clients, de trouver de nouveaux produits et de nouveaux segments de marchés et d’activités, tout en réduisant les coûts d’innovation, de développement de produits, de promotion et de marketing, et notamment de réduire, voire d’annuler le taux de mortalité de ses innovations (on estime que près de la moitié des véritables nouveaux produits lancés en Europe sont en échec dans les 12 mois qui suivent leur lancement).

Comment créer cette « communauté propriétaire » ?

Une communauté de client n’est pas une fin en soi et doit avoir des objectifs. Par exemple : Identifier des solutions à des problèmes ordinaires ou récurrents, identifier des idées d’innovation, réduire les mauvais fonctionnements des produits de l’entreprise, et contrecarrer les effets de buzz ou de rumeur négatifs. Tout d’abord, il lui faut un site web dédié. Pour être efficace, une « communauté de client » ne doit pas excéder 300 ou 400 membres, pour espérer avoir une participation régulière de 200 ou 250 personnes. Avoir 2000 ou 3000 participants ne permettrait pas d’avoir une meilleure création de contenu, serait difficile à animer et entrainerait une déperdition importante de participants effectifs. 

 Un devoir de transparence

 Cette communauté soit être traitée avec sérieux par le client. Elle a notamment droit à la transparence des informations. Nous avons que les clients sont intelligents, lisent entre les lignes, et sont rétifs à tout message préfabriqué. L’effort de confiance et de transparence de la marque est donc la condition pour que cette communauté puisse produire ce que l’on attend d’elle. Enfin, cette communauté doit être facile d’accès, ludique, attrayante. Rien de pire d’une interface ennuyeuse. Pour fidéliser et stimuler les participants, il faut que son animation soit intéressante, et même passionnante. Soigner et développer la qualité de l’expérience client est la condition pour avoir de plus en plus de clients rentables. Désormais, pour la moitié des consommateurs ayant déjà recherché des avis d’internautes , ces commentaires constituent, avec les articles comparatifs des revues spécialisées, un nouveau modèle d’information, alors que les grandes marques traversent une grave crise de légitimité.

 Le recrutement, clé du succès

Sa durée peut être d’une ou de plusieurs années. Sa pertinence et sa réussite dépend du bon profil de ses membres, qui sont tous parfaitement identifiés. Le recrutement des participants à la communauté de clients se fait à partir de la définition des cibles et de la rédaction d’un questionnaire filtre. Les contacts sont établis in situ, sur les lieux de vente, grâce au fichier des clients de l’entreprise, ou à partir de banques de données. Si le recrutement se fait par email, il est validé dans un second temps par téléphone, de façon à ne recruter que les publics éligibles et à toujours établir un lien relationnel avec les participants. Tout nouvel arrivant est testé préalablement, et sa participation est validée en fonction de sa fiabilité. Ces participants bénéficient d’un lien privilégié avec la ou les marques, leur offrant des avantages, des promotions, des invitations et sont aussi rétribués par des petits cadeaux électroménager, parfum, cosmétique, ou photos, cd, livres, dvd, jeux, voire bons d’achats. L’idée est également de permettre aux participants de créer leur propre système de récompense, grâce à un système de points.

Une technique d’animation personnalisée performante.

Les possibilités offertes par le Web 2.0 donnent déjà la possibilité de personnaliser les pages d’accueil. Chaque participant pourra ainsi créer sa propre page, en en spécifiant le contenu , ses modules et ses fonctionnalités là ou il le veut, comme c’est déjà le cas pour iGoogle ou MyYahoo. Ces fonctionnalités devront être adaptées aux smart phones, à l’Iphone et à l’Ipad.

Depuis le développement des techniques web (NetFocus notamment) la gestion d’un groupe distant via internet est plus facile. Cette technique permet une dynamique d’échange collectif en réunissant des populations qui peuvent être dispersées géographiquement, s’adapte aux horaires des publics concernés, gère une dynamique de groupe sans phénomène de leadership. Elle permet une grande liberté d’expression en autorisant aussi l’anonymat public des participants. Elle permet de tester des vidéos, images, logos et sons à distance, qui peuvent être des pistes créatives ou des créations des concurrents. Ces échanges ne coutent rien (pas de frais de location de salle ou de traiteur), réduisent les délais d’enquête, permettent des relances en temps réel, et sont accessibles à partir d’une connexion, de n’importe ou, et offre la possibilité de vérifier à tout instant le profil d’un participant. 

Une communauté qui vit par elle-même et répond à des rendez vous thématiques

La communauté vit par elle-même, indépendamment de l’action de ou des animateurs et des clients. Chaque participant est invité à se connecter à sa guise, et d’y inscrire ce qui lui passe par la tête. Il peut consulter des informations, regarder des vidéos, et répondre à des sondages en ligne. Des rendez-vous sont aussi fixés, par mails, et avec des relances. Ces rendez vous ont un ordre du jour et un nombre et un profil de participants déterminé à l’avance. Ils concernent le plus souvent de 8 à 16 participants, et sont animés par un spécialiste. 10 minutes avant l’heure convenue, les participants se connectent, et patientent dans une salle virtuelle, en attendant que tous les invités se manifestent. Une fois que tout le monde est connecté, l’animateur les invite dans la chat room. Une animation démarre alors. Elle s’effectue en « déroulant » un guide et en injectant des relances spécifiques au moment opportun, comme dans un focus group classique. 

Une interface facile

La visualisation est claire : Toute la conversation s’affiche au fur et à mesure. A gauche, on visualise le nom de l’émetteur, et à droite, son commentaire. Les participants répondent simultanément et successivement aux questions posées et peuvent réagir aux commentaires des un et des autres. A la fin de la discussion, les participants sont invités à se déconnecter. En parallèle, un bloc confidentiel, situé en bas à droite de l’écran, et invisible pour les participants, affiche les échanges entre le client et l’animateur, permettant ainsi d’injecter des remarques, des questions et les relances souhaitées.

Les clients d’une entreprise représentent son premier patrimoine.

Bien au-delà de l’argent qu’ils dépensent, ils constituent l’oxygène, la vitalité et le potentiel de croissance de l’entreprise. En plus des études marketing, il est aujourd’hui possible de les associer à la gestion et à la définition des produits et services qui leurs sont destinés. 

Il faut pour cela constituer une base de clients régulière en ligne, fonctionnant comme un panel dynamique. En questionnant et en faisant réagir ses clients sur les produits ou les services qu’ils achètent, sur leur utilisation, sur leurs besoins non satisfaits, l’image des marques et en laissant s’exprimer leurs propres idées, le chemin de croissance des marchés apparait naturellement.

Dans une exigence autant sociologique que marketing

Avec la postmodernité, les identités s’inscrivent dans un projet de vie long et une quête d’authenticité. Notre identité change au gré des évènements de la vie personnelle, et celle affectée par les autres change aussi, au gré de l’histoire collective. Le processus biographique s’accompagne de crises et d’appartenances successives, perturbée par les aléas de l’existence et ponctuée de « marqueurs de vie ».

Répondre à la nouvelle exigence de valorisation de soi

Alors que l’action prime désormais sur la réflexion et l’introspection, l’intérêt d’avoir sous la main un panel actif de ses clients permet donc aussi de mesurer l’écart qui peut se produire entre l’évolution de leurs environnements et de leurs modes de vie et le produit ou le service que la marque lui propose. Les tendances qui mettent en avant l’univers immatériel et la réalisation de soi autonome renforcent la quête de sens. En congruence avec l’achat malin et la recherche d’économie, la coproduction a le vent en poupe, comme le démontre par exemple le retour du « faire soi-même » en cuisine, ou le boom des jardineries. Il s’en suit aussi une crise de confiance à l’égard des grandes marques et des distributeurs. La multiplicité des facteurs et des acteurs entrainent une interdépendance et un enrichissement des tendances de consommation entre elles.

Dans ce contexte, « Les communautés de clients » correspondent-elles à une nouvelle exigence de valorisation de soi, à un retour vers du plaisir accessible, et une recherche de sens, dans une période de remise an question de l’hyperconsommation ? Car tout ce qui permet aux individus de se montrer intelligents face au système marchand apparait bien comme un enjeu croissant pour le consommateur.

Eric Donfu



7 réactions


  • M.Junior M.Junior 1er septembre 2010 11:37

    Je crois davantage en la création et au développement de communautés d’entreprise que celles du client.

    Australie - TNS Sofres révèle en 2009 que 59% des français sont indifférents aux grandes marques, une augmentation de 2 points par rapport à 2007 et 74% d’entre eux estiment ennuyeuse la publicité (+4 pts). 43% n’ont même plus envie de consommer alors qu’ils en ont les moyens.

    Au delà de la nécessité pour l’entreprise d’intégrer le client dans l’élaboration de nouvelles solutions et de nouveaux service cela n’est fait que dans la perspective d’augmenter le CA dans la course du toujours plus. Ce concept bien connu au Japon nommé le Ba et il ne permet pas pour autant à l’économie et à la société japonaise de contrer son déclin.
     
    Les ressources sont limitées, une prise de conscience récente
    Les personnes veulent se nourrir d’autres choses depuis la crise. Les sites d’informations connaissent un développement sans précédent.

    En conséquence, le nombre d’entreprise tend lui aussi à atteindre son plafond de verre et les meilleures pratiques d"’aujourd’hui et de demain ne pourront rien y changer.

    Nous entrons dans un nouveau monde aux dogmes différents


  • Login Login 2 septembre 2010 10:01

     A minima, j’aurais dit « communautés d’acheteurs »
     un pas plus loin, Vendor relationship Management,
     2 pas, Social Commerce, 3 Social Business ...
     pour faire court :)

  • armand 2 septembre 2010 19:12

    Bonsoir Eric, interessant comme article mais cela ne participe t’il pas au communautarisme ? la vie dans de petites cellules humainement préhensibles ? la vallée ? la grotte ?


  • Eric Donfu Eric Donfu 2 septembre 2010 20:40

    Bonsoir Armand,

    Comme d’habitude, j’essaye de ne pas porter de jugement sur les faits que je présente ou que j’analyse. Le terme ’« communauté », certe ambigu, a été ainsi développé par les américains.
    Alors, communuatés d’entreprises, communautés d’acheteurs, comme l’évoquent les deux premiers messages ? 
    En fait, en France, cette « mode » ou cette « méthode » n’en est qu’à ses premiers balbutiements, ce qui n’est pas toujous un pléonasme, dans la mesure ou l’action de balbutier est d’exprimer les choses plus ou moins distinctement... Et je pense, (d’après Google) que ce papier sera peut-être un des premiers exposés un peu complet sur ce sujet qui s’adresse surtout aux responsables marketing des marques, mais nous concerne toutes et tous. 
    Merci encore de votre fidélité, bien à vous,
    ED

  • Login Login 4 septembre 2010 08:47

     Digital marketing, marketing 2.0, ......
     Une entreprise française sur le segment http://www.feedback20.com/fr/ ......
     abordé sur un autre angle http://www.feedback20.com/fr/
     etc..
     
     
     
     
     

     

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