samedi 21 août 2010 - par Dominique84

Les mathématiques : un monde ésotérique dont les initiés traversent le temps et l’espace

Tous les quatre ans, lors de la remise de la médaille Fields, nous avons l’occasion de revenir sur le monde des maths, hermétique pour certains, passionnant pour d’autres.
Cette année, deux Français la reçoivent : Ngo Bao Chau (université de Paris-Sud) et Cédric Villani (Institut Poincaré).
Ce Prix que l’on qualifie de Nobel des Mathématiques est décerné à des talents « fous », des concentrés de matière grise qui fouillent dans l’infini, qu’il soit grand ou petit, et font avancer les sciences comme on construit un puzzle : chaque pièce découverte s’imbrique dans les autres, enrichissant le grand dessein universel de la matière.

Lorsqu’on n’est, comme moi, même pas un néophyte, les langages utilisés par ces savants est déroutant. Il est question de lois des uns et des autres, ces confrères de la Planète, d’aujourd’hui ou d’hier, qui ont ajouté leur pièce au puzzle.

Il suffit de lire les articles à leur sujet. Le magazine "La recherche" en parle en ces termes (voir liens en bas de page) :
Cédric Villani au coeur de la physique des plasmas
Spécialiste de physique mathématique, il s’intéresse aux équations de la physique statistique, dont les équations de Boltzmann et de Vlasov qui décrivent le comportement statistique des particules dans un gaz et dans un plasma. L’équation de Boltzmann régit de manière probabiliste la manière dont un ensemble de particules se rapproche de l’équilibre thermodynamique. Bien que la description de cet équilibre soit connue depuis plus d’un siècle, la vitesse à laquelle cet équilibre s’établit restait un problème mathématique ouvert que Villani a résolu. En collaboration avec Laurent Desvillettes, il a obtenu en 2000 le premier résultat sur la convergence vers cet état d’équilibre pour un ensemble de particules initialement loin de l’équilibre.
Récemment, avec son ancien étudiant Clément Mouhot, il a établi rigoureusement l’amortissement Landau non linéaire pour les équations cinétiques de la physique des plasmas, un phénomène d’amortissement conservatif (à entropie constante). « C’est la première fois que l’on établit mathématiquement un phénomène de relaxation à entropie constante dans un système confiné, un phénomène important dans la description cinétique des galaxies par exemple », précise Cédric Villani.

Ngô Bao Châu reçoit la médaille Fields pour sa démonstration du lemme fondamental du programme de Langlands, trente ans après sa formulation. Le mathématicien avait déjà reçu le prix Clay en 2004 avec Gérard Laumon pour la preuve du lemme fondamental pour les groupes unitaires.

Laissons la parole à Ngô Bao Châu lors d’un entretien en mars 2010, il disait entre autre…
Comment définir le lemme fondamental ?
N.B.C. Un « lemme » est un petit théorème de nature technique ; le mot « fondamental » se rapporte au rôle qu’il joue dans un domaine bien délimité des mathématiques. Il existe un certain nombre de lemmes fondamentaux. Il s’agit ici de celui de la théorie d’« endoscopie automorphe » [1] . Ce nom abscons délimite un champ de recherche à l’intérieur d’une très vaste perspective que nous appelons le programme de Langlands. Robert Langlands en a énoncé les prémices dans une lettre à André Weil, datée de 1967. Son objectif était d’établir un lien entre la théorie des nombres, l’analyse et la géométrie algébrique. Il a énoncé deux conjectures, appelées la « correspondance » et la « fonctorialité », qui organisent et structurent autant l’objet central de la théorie moderne des nombres - les représentations du groupe de Galois -, que des objets de nature analytique, inventées par Henri Poincaré - les formes automorphes.

Nul doute que les spécialistes apprécieront…


Certes, aujourd’hui, on ne cherche pas uniquement pour le plaisir, pour le défi ou la vertu. On cherche pour l’industrie, qu’elle soit civile ou militaire (Einstein en sait quelque chose). C’est la rançon du mode de fonctionnement de nos sociétés. La recherche fondamentale doit être rentable, et si possible au terme le plus court. Nous sommes loin de Galois qui, dans un jaillissement génial, lors de sa dernière nuit, à vingt ans, a révolutionné les mathématiques en une lettre laissée à Auguste Chevalier. Deux siècles plus tard (nous fêterons le bicentenaire de sa naissance en 2011), il interpelle encore, il ouvre encore des pistes, comme il l’a fait, tout au long du XIXe et XXe siècle. Il y a "du Galois" dans nos ordinateurs, dans nos téléphones portables, ça c’est la partie émergée de l’iceberg, mais il y en a un peu partout dans les découvertes des chercheurs, points d’appui, d’ancrage, point de démarrage ou simple étape de passage dans le long processus de réflexion.
Ainsi, peut-être que dans dix, vingt ou cent ans, un autre chercheur, américain ou japonais, s’appuiera sur les travaux de Ngô Bao Châu ou de Villani pour ajouter sa pièce et enrichir un peu plus le savoir global.

Pour en savoir plus, lire le livre de Bruno Alberro : Évariste Galois, mathématicien, humaniste et révolutionnaire, chez Elan Sud

Ne vous étonnez pas si, un jour, un Japonais vous en apprend sur Galois. La différence d’enseignement général entre la France et le Japon, c’est qu’au Pays où les gens se lèvent plus tôt, lorsque les professeurs enseignent une théorie, ils enseignent aussi la vie du scientifique, comme en France, on étudie la vie d’un musicien, d’un écrivain ou d’un peintre. En France, il faut attendre les études supérieurs pour enfin connaître la vie de ceux qui révolutionnent notre quotidien.
Bruno Alberro racontait que lorsqu’il était à Tokyo, pour la représentation de son livre au théâtre, un Japonais était venu le voir pour une dédicace et lui avait dit :

- Je suis allé en France.

- A cela, rien d’étonnant, lui a répondu Bruno. Paris vous a plû ?

- Non, je ne suis pas allé à Paris, je suis allé à Bourg la Reine voir le buste de Galois… J’ai été déçu, là-bas, personne ne le connaît !
Souhaitons qu’en 2011, la ville qui a vu naître Évariste Galois s’en souvienne et lui rende l’hommage qu’il mérite !


Autres récipiendaires de la médaille Fields :

- Stanislav Smirnov et les modèles de physique statistique

- Elon Lindenstrauss qui enrichit la théorie des nombres
Prix Gauss : Yves Meyer a posé les bases mathématiques des ondelettes

magazine "La recherche"
 


34 réactions


  • Krokodilo Krokodilo 21 août 2010 10:14

    Finalement pas plus ésotérique que la chimie, la physique, la biologie moléculaire ou l’art de l’ingénieur. Les sciences ont tellement progressé en deux siècles qu’on ne peut qu’avoir une vague idée de tout ça.


  • sleeping-zombie 21 août 2010 11:01

    En France, il faut attendre les études supérieurs pour enfin connaître la vie de ceux qui révolutionnent notre quotidien.

    Il faut aussi attendre les études supérieures pour entendre parler de Galois. La boucle est bouclée ^^


  • Tall 21 août 2010 11:33

    Si le but de cet article est de décourager les vocations mathématiques ou scientifiques, c’est bien écrit.


    Mais bon, c’est pour vrai que pour un âne, un boulier-compteur est ésotérique.

    • Dominique84 Dominique84 21 août 2010 14:43

      Ce n’était pas le but, juste une réflexion sur un univers, tout en profitant de saluer le génie mathématique.
      Pour l’âne... c’est vous qui voyez, mais l’intelligence et la grandeur desprit ne se mesure pas forcément en diplômes


    • Tall 21 août 2010 16:07

      Je ne vous crois pas. Vous essayez de décourager le goût aux sciences et aux maths en les présentant comme des univers fermés, ésotériques et dépourvus de reconnaissance sociale, qui plus est.


      Que vous n’ayez pas de diplôme scientifique, ça ne m’étonne pas. Mais vous êtes sur le bon site pour vous venger des ignobles injustices que le monde académique vous a fait subir. Ne vous en privez pas.

    • Dominique84 Dominique84 21 août 2010 17:02

      merci de dévoiler votre hermétisme. Votre « je ne vous crois pas » est simplement révélateur.
      Combien êtes-vous grand, monsieur pour préjuger les gens ainsi ?

      Pour rappel :
      Attention  : ce forum est un espace de débat civique et civilisé qui a pour but d’enrichir cet article


    • Tall 21 août 2010 17:46

      ben, si ce n’est pas le but, l’effet est garanti, en tout cas ...



  • El Nasl El Nasl 21 août 2010 12:32


     Les langues maternelles ( réflexives ie métalangage) ainsi que les mathématiques sont les plus belles inventions de l’esprit humain .


  • Dominique84 Dominique84 21 août 2010 14:43

    parmi les plus belles


  • mcjb 21 août 2010 15:23

    la verite mathematique (partie) est dans la bible eventuellemnt 
    car

     aaron frere de moise
     84/27 = 111
    111-59=52+1=53 ou 84/14=6+54=60
    1372/7=196/7=28 soit 27+1

    Sources :
    pm1372 par 14*14=196 +84*14=1176=1372

  • M.Junior M.Junior 21 août 2010 15:30

    Grâce à la mathématique, l’économie va pouvoir connaitre son 4 eme stade de l’évolution.

    Après l’économie réelle
    Après l’économie financière
    Après l’économie dérivée

    Voici venu le temps de l’économie quantique

    Heureusement comme dit en Mathematique Land, les math ca sert à rien mais ca explique tout


  • galien 21 août 2010 15:50

    Ce que je trouve génial chez les matheux, c’est qu’il ressemble un peu à des moines, complètement à l’ouest.
    L’auteur à raison, ils sont complétement hors du temps, hors de la vulgarité et de l’indigence de notre monde marchand.
    On ne peut que les envier de s’être retirés du monde ainsi, les mathématiques au final nous rapprochent de dieu.


    • Wykaaa 22 août 2010 10:11

      Pourquoi beaucoup, tels que vous, font toujours un rapprochement entre les mathématiques et Dieu et/ou se retirer du monde et Dieu. Il n’y a rien de religieux ni dans l’un, ni dans l’autre. Les mathématiques sont une invention du génie humain et l’on peut se retirer du monde sans forcément se rapprocher de Dieu. Perso, je comprends beaucoup de mathématique, je suis capable de lire Grothendieck dans le texte sans problème, par exemple, mais tout le vocabulaire lié aux religions m’est totalement étranger et incompréhensible. Je ne comprends d’ailleurs même pas pourquoi le concept de religion existe et à quoi ça sert. C’est dire !


    • galien 23 août 2010 18:30

      Je considère la religion bien entendu comme une création humaine, la matérialisation d’un besoin de transcendance, les maths nous aiderons à tracer les contours de ce besoin.


    • Dominique84 Dominique84 21 août 2010 17:10

      alors, vlane, montrez-nous, enseignez-nous de votre savoir ninfini.

      Quel est cet univers d’agora qui se déchaine comme des chiens enragés dès qu’un article ne correspond pas à leur fantasme ?

      Vous vous dîtes poète, quelle est donc la muse qui vous inspire autant de haine ?
      Si je peux me permettre, changez-en.
      Votre commentaire est aussi évasif que vous traitez mon article de baclé.
      Un peu d’amènité aiderait ce monde à mieux vivre ensemble.
      Mon article n’avait et n’a toujours aucune prétention, ne lui en donnez pas, si ce n’est celle de révéler des esprits grincheux


  • koch 21 août 2010 19:37

    Article intéressant sur un sujet intéressant.

    Vous ne devriez pas attendre quatre ans pour écrire.
    Tout le monde croit connaitre les maths pour en avoir fait à l’école,
    mais le domaine est immense
    et cela permettrait d’élever le niveau.

    Même dans la presse qui a pignon sur rue, que ce soit les grands quotidiens nationaux ou les chaines de TV, tous vont au plus facile, à la peopolisation.


  • Wykaaa 21 août 2010 22:58

    Bon, c’est très bien votre intention d’écrire un article sur les mathématiques à l’occasion de la remise de la médaille Fields mais le message est-il intelligible au commun des mortels en copiant/collant des passages de La Recherche ou des fragments d’interview de Ngô Bao Châu ?
    Les mathématiques (je préfère dire la mathématique car c’est un tout) ne servent à rien, du moins au moment de l’invention de nouveaux concepts mais, en général, beaucoup de concepts mathématiques sont très utiles dans la vie quotidienne. Par exemple, les algorithmes de cryptage sont basés sur certaines propriétés des nombres premiers.
    Un exemple d’inutilité, celui des nombres complexes inventés au XVIème siècle et qui n’ont trouvé leurs premières applications en physique qu’à partir du XIXème siècle avec l’électromagnétisme.
    Un autre exemple, les espaces fibrés. En 1970, mon prof de math (en faculté) se demandait bien à quoi ça pourrait servir et aujourd’hui, la théorie des cordes ou la mécanique quantique, les utilisent à outrance.


  • vilistia 22 août 2010 10:08

    Dominique

    Merci pour votre texte mais vous auriez dû préciser que la France se fiche de plus de la Recherche fondamentale :

    Extrait du Monde :

    Les mathématiques restent donc une exception glorieuse. Elles ont jusqu’ici bénéficié du système des grandes écoles, les classes préparatoires drainant vers les Ecoles normales supérieures et Polytechnique les meilleurs cerveaux. En outre, il sagit d’une discipline peu coûteuse, contrairement à la physique ou à la biologie, où une masse critique - financière, technique, voire industrielle - est indipensable pour bien figurer dans la compétition mondiale. La concurrence internationale, notamment salariale, est âpre. Elle conduit souvent les mathématiciens français à aller exercer leurs talents à l’étranger. Il faut y prendre garde.

    Cette reconnaissance, enfin, est une réponse cinglante aux doutes fréquemment exprimés, jusqu’au sommet de l’Etat, sur l’utilité de la recherche fondamentale, dont les prolongements et les applications ne sont ni immédiats ni même automatiques. Il est à souhaiter que cette leçon soit retenue.

    Le reste est là :

    Les mathématiciens français au pinacle - LeMonde.fr    

    De plus, à quoi bon pour les matheux qui font de la recherche fondamentale souvent par le biais d’organismes d’État de rester en France pour se faire traiter de fonctionnaires inutiles. ( très mal payés en plus ).

    Autant aller à l’étranger ! Meilleure considération et excellents émoluments !

    Les français deviennent de plus en plus cons !




  • docdory docdory 22 août 2010 13:23

    @ Dominique 84
    Curieusement , quand deux français obtiennent la Médaille Fields, on a droit à un entrefilet dans les journaux télévisés, avec un journaliste qui n’essaie même pas d’informer les téléspectateurs des recherches ayant occasionné attribution de ces médailles, alors que lors des récents championnats d’Europe d’athlétisme ou de natation, nous avons eu droit à tous les détails des compétitions, pendant presque la moitié du journal télévisé.
    On assiste donc , dans la France de 2010, à la revanche du muscle sur l’intelligence !
    Pourtant, qu’est-ce qui est préférable pour la France, d’avoir des grands mathématiciens ou des sportifs médaillés ?


    • Wykaaa 22 août 2010 13:31

      C’est facile de répondre à ta question.Comme on est dans un monde où l’argent domine, le sport étant bien plus médiatique et accessible au commun des mortels que les mathématiques, il n’y a aucune chance, dans un avenir immédiat, que les mathématiciens soient préférés aux sportifs, même s’ils ne sont pas médaillés, d’ailleurs.


  • vilistia 22 août 2010 14:02

    Wykaaa

    Surtout quand on refuse 1 million d’euros comme Perelman.

    Grigori Perelman - Wikipédia


  • Céphale Céphale 22 août 2010 18:37

    Article agréable à lire pour celui qui aime les maths, sans pour autant se croire un esprit supérieur.

    Beaucoup de Français détestent les maths. Est-ce parce que les maths les ont mis en situation d’échec scolaire ?

    Tout à l’heure à la télévision, je regardais sur France-3 « Questions pour un champion ». Quatre candidats sur le plateau. Question : « combien de degrés mesure chaque angle d’un triangle équilatéral ? » Premier candidat : 45 degrés. Deuxième candidat : 90 degrés. Les deux autres candidats ont enfin donné la bonne réponse.

    Affligeant !!! Et je me souviens d’un ministre de l’Education Nationale, invité de Canal+, qui ne savait pas faire une règle de trois !!!


  • toubab 23 août 2010 02:06

    il est utile de signaler que 2 autre prix de même valeur ont été décernés l’un à un Russe ,l’autre à un Israélien !!!


  • heliogabale boug14 23 août 2010 14:29

    Honnêtement, pour entendre parler d’Évariste Galois, il faut faire des mathématiques dans le supérieur...les plus cultivés parmi les lycéens savent qu’il a démontré qu’on ne pouvait mettre en évidence une formule pour trouver les inconnues d’une équation dont le degré est supérieur ou égal à cinq. Voilà tout.


  • alexandrag 27 octobre 2014 14:30

     C’est bien grâce à ces fous de mathématiques que la science avance. Le monde de l’ésotérisme m’intrigue, je n’ai jamais compris concrètement cette discipline. J’ai eu occasion de lire un livre de la librairie du bonheur sur ce thème, mais cela reste encore flou. J’apparente ce monde à la voyance en fait.


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