Les mystères de la confusion des peines : le cas Tapie
Bernard Tapie a beaucoup de chance. Il a déjà été condamné plusieurs fois, pour différentes raisons (corruption dans l’affaire du match truqué VA/OM, fraude fiscale, et encore fraude fiscale, plus abus de bien social dans l’affaire du Phocéa).
Dans l’affaire VA/OM, il a été condamné à deux ans de prison
dont huit mois fermes par la Cour d’appel de Douai, en 1995. Dans l’affaire de
fraude fiscale, c’est la Cour d’appel de Paris qui l’a condamné, en 1997, à dix-huit
mois de prison, dont six fermes. Enfin, dans le récent jugement, le Tribunal correctionnel l’a condamné pour fraude fiscale, dans les années 1992/93, à trois
ans d’emprisonnement, dont huit mois fermes.
Au total, si je compte bien, ça fait six ans et demi de prison,
dont vingt-deux mois fermes. Et pourtant, il ne fera que huit mois de prison pour
l’ensemble de ces peines, d’ailleurs déjà effectués. Par quel miracle ?
Le système de la confusion des peines.
De quoi s’agit-il ? Lorsque vous êtes poursuivis pour des
infractions différentes dans des procédures séparées, vous êtes condamnés à
des peines qui peuvent s’exécuter "cumulativement", c’est-à-dire qui
s’additionnent. Suivant ce principe, Bernard Tapie aurait donc du être condamné
à vingt-deux mois au total. Mais le tribunal peut décider d’appliquer la "confusion
des peines", totale ou partielle, c’est-à-dire que les peines seront
considérées comme exécutées simultanément.
C’est ce qui s’est passé dans le cas de Bernard Tapie. La
Cour d’appel de Paris, qui a prononcé la deuxième condamnation, a accordé à
Bernard Tapie le bénéfice de la confusion des peines pour ses deux premières
peines. Le Tribunal correctionnel de Paris, qui a prononcé la troisième
condamnation, a également accordé le bénéfice d’une nouvelle confusion des
peines. Au total donc, 22 (mois de prison) = 8 ! On comprend que Bernard Tapie
n’ait pas l’intention de faire appel de cette dernière condamnation...
Tout ceci est parfaitement légal. La même mansuétude
s’applique-t-elle à d’autres personnes qui ne possèdent pas un nom aussi connu
? Je ne sais, mais il me gênerait beaucoup qu’il puisse y avoir deux poids deux
mesures. « Selon que vous serez puissant ou misérable/ Les jugements de
cour vous rendront blancs ou noirs », dit, je crois, une fable de La
Fontaine. Espérons que non.
Autre leçon : si vous voulez voler l’État, pourquoi ne pas le faire plusieurs fois ? Avec la confusion des peines, c’est une affaire !