mercredi 30 octobre 2019 - par Bernard Dugué

Les zèbres-HPI sont inadaptés au milieu social

Parfois, l’étude des animaux nous renseigne sur nos caractères humains. Les singes et les oiseaux développent des aptitudes cognitives étonnantes mais pour ce faire, il faut les placer dans des situations particulières qui ne sont pas celle rencontrées dans le milieu naturel. Transposons ce constat aux humains et nous comprenons que certains individus ont des capacités remarquables mais qui ne se révèlent qu’à certaines occasions et qui pour se développer nécessitent un environnement social ou professionnel non ordinaire. Sous réserve que l’on puisse définir l’ordinaire en matière professionnelle, ou du moins le conventionnel, le fonctionnel.

1) Les singes étonnants et savants ont été étudiés à mainte reprise par les éthologues, surtout dans la seconde moitié du XXe siècle. La femelle chimpanzé Julia apprit à exécuter une série de manipulations faisant appel à l’intelligence lors d’une étude réalisée par Rensch et Döhl. Dans l’une de ces expériences, Julia devait trouver une stratégie pour récupérer une banane dans une boîte en récupérant dans chacune des six boîtes transparentes la clé pour ouvrir la suivante, jusqu’à ce que la dernière boîte sanctionne l’expérience de la récompense attendue. Julia parvint à réaliser d’autres prouesses comme par exemple guider des objets dans un labyrinthe. Bien évidemment, aucune de ces situations n’a été rencontrée par les chimpanzés au cours de l’évolution. Et c’est pareil pour les oiseaux placés dans des conditions leur permettant de décoder une situation et résoudre un problème qui n’existe pas dans la nature.

2) Les corvidés ont montré d’étonnantes capacités cognitives. « Une étude suédoise montre que les grands corbeaux (Corvus corax) savent anticiper des situations en choisissant les outils nécessaires à l’obtention d’une récompense future. Une capacité observée uniquement chez les grands singes et l’homme jusqu’alors (…) Les expériences mises en place dans ces travaux consistent à utiliser un outil (un caillou de la bonne taille), ou à troquer un jeton avec un expérimentateur pour obtenir une récompense. Alors que les grands corbeaux n’utilisent pas naturellement d’outils, pas plus qu’ils ne font des échanges avec l'homme, leur apprentissage n’a nécessité que quelques essais. Après quoi les oiseaux ont pu être soumis au véritable test : choisir le bon outil ou le jeton à troquer parmi d’autres objets attractifs, afin de s’en servir plus tard. La première série d’expérience fut un succès : 9 fois sur 10, les corbeaux ont été capables de choisir l’outil ou le jeton plutôt que de petits jouets, alors que la machine ou l’opérateur humain n’intervenait que 15 minutes plus tard, et dans un lieu différent de celui de l’apprentissage. Mieux, le même taux de succès est atteint lorsque la machine ou l’expérimentateur n'intervient que le lendemain » (M. Tiano, Pour la Science, 25/08/2017). Les corbeaux sont capables de résoudre des problèmes qui n’existent pas dans la nature et qui demandent des capacités cognitives importantes et qui révèlent les aptitudes de ce volatile dans l’association d’idée et l’invention d’une tactique pour aller le plus rapidement au résultat escompté.

3) Le zèbre est un animal étrange, une sorte d’hydride entre le singe savant et le drôle d’oiseau. Placez un HPI dans un milieu professionnel en lui assignant des tâches ordinaires, comme collaborateur, co-construction, acclimaté dans un environnement convivial, parfois en open space et vous n’observerez rien. Laissez un HPI évoluer librement, confiez lui des tâches extraordinaires, il finira par trouver des solutions, décoder des situations, assembler les clés et les serrures pour ouvrir les portes existantes ou carrément inventer des portes ouvrant vers d’autres espaces.

Pour qu’un HPI développe ses talents cachés, il lui faut un environnement favorable, à l’image des expériences imaginées pour dévoiler les étonnantes capacités des singes et des corbeaux. Cela dit, le but d’un milieu professionnel, surtout une entreprise, n’est pas d’être un parc zoologique dédié au développement serein du zèbre. Le monde du travail est un environnement libéral basé sur les échanges et les transactions. Placer un HPI dans de bonnes conditions suppose que l’entreprise y trouve un intérêt. Souvent, il est inutile de recruter un zèbre si l’on n’a pas de problématiques nécessitant ses talents de décodeur, voire de visionnaire. Un professeur de yoga est bien plus utile à l’entreprise qu’un X-Mines connaissant la mécanique quantique et la métaphysique d’Heidegger.

Au final, méfions-nous des étiquettes. Les HPI ne sont pas légion dans le monde du travail. On les confond souvent avec des gens talentueux, hyper compétents dans un ou plusieurs domaines. Le HPI authentique s’ennuie rapidement dans des tâches répétitives ou même plus intéressantes. Il est gagné par un sentiment que connaissaient les pères de l’Eglise, l’acédie classique, humeur maussade traduisant l’ennui à occuper la fonction monacale et l’envie d’être ailleurs. Un HPI connaîtra l’acédie moderne au travail, le sentiment d’être à la mauvaise place ou d’être contraint de solder ses potentialités pour simplement gagner son pain. Pour développer ses talents, il n’a pas d’autres choix que d’exercer son intelligence pendant le temps de loisirs. Jouer aux échecs, au bridge, écrire, s’instruire, les idées ne manquent pas. Ne pas négliger la lecture qui enrichit et constitue la principale source d’énergie pour le HPI sans oublier la musique, qu’elle soit classique, jazzy ou progressive. Le zèbre est tellement inventif qu’il façonne lui-même les défis à relever. Il n’est pas certain qu’il faille encourager les zèbres à s’adapter à la société. C’est plutôt l’inverse, le zèbre faisant figure « métaphysique » d’homme plus évolué dans son psychisme, la société devrait s’inspirer des zèbres dont la puissance de transformation est élevée.



12 réactions


  • Séraphin Lampion Séraphin Lampion 30 octobre 2019 11:02

    Attention ! Les HPI sont difficiles à distinguer des déficients mentaux., et certaines sectes, sous le couvert de dépistage gratuit d’enfants précoces, profitent de la crédulité de parents inquiets pour leur proposer des stages faisant passer des enfants hyperactifs, autistes, dyslexiques, mentalement déficients ou angoissés pour des surdoués « incompris  ». Ils les prétendent « capables de communiquer avec l’au-delà » ou «  descendants de dieux ou d’extra-terrestres ». C’est évidemment dangereux pour les enfants et pour les parents !


    • Francis, agnotologue JL 30 octobre 2019 11:47

      @Séraphin Lampion
       
      commentaire indispensable sous un article qui ne l’était pas. Merci pour tous.


    • Fifi35 Fifi35 31 octobre 2019 10:20

      @Séraphin Lampion
      Bonne remarque !
      D’autant plus que les HPI (acronyme flatteur de la novlangue), lorsqu’ils consultent des professionnels de la santé mentale, peuvent également être diagnostiqués « borderline » (encore de la novlangue !), une pathologie récente introduite dans le DSM en 1994. Que de livres et d’articles écrits à ce sujet qui font gonfler les portefeuilles de nos psychiatres et psychologues, ainsi que les mollets de nos HPI ! Car ces derniers se découvrent uniques, brillants, injustement incompris, avec des super pouvoirs, malmenés par la société de sapiens de base qui ne les placent pas à leur juste niveau, celui de la dominance.
      Plus besoin de s’adapter puisque ce sont les autres qui sont en dessous de tout. 

      HPI, une personnalité adolescente de victimisation qui commence tout petit et perdure le long de la vie, qui donne le droit d’être en continuelle rébellion avec le monde environnant, qui s’autorise des sautes d’humeurs, qui s’estime au dessus de tous les autres compagnons de route par la fulgurance de ses analyses, qui laisse parfois libre cours à ses activités destructrices et suicidaires, un autre domaine de prédilection plus rarement évoqué. 
      Je me rends compte que je n’ai rien compris et que je ne suis pas HPI.
      Sniff... Je suis bon pour l’Hôpital Psychiatrique. Immédiatement !
       


  • Albert123 30 octobre 2019 17:58

    « la société devrait s’inspirer des zèbres dont la puissance de transformation est élevée. »


    utopique mais surtout peu probable


    QI moyen d’un lambda 100 (50 % de la population)

    QI moyen d’un dirigeant (leader) 115 (16,66 % de la population)

    QI min d’un HQI 130 (2,65 % de la population)

    QI min d’un THQI 145 (0,18 % de la population)

    QI min d’un TTHQI 160 (0,006 % de la population)

    seuil où la communication devient impossible entre 2 individus 50 point de QI.

    en fait la société ne peut s’inspirer que de ce qu’elle comprend.

    Et quand on a compris que la plupart des leaders ne sont en fait pas foutus de comprendre un TTHQI on comprend aussi que la société ne s’inspire en fait principalement que d’individu avec un QI de 115 compréhensible par des individus avec un QI supérieur ou égal à 65


    • Albert123 30 octobre 2019 17:59

      @Albert123

      QI moyen d’un détenteur de prix Nobel 125


    • Séraphin Lampion Séraphin Lampion 30 octobre 2019 18:02

      @Albert123

      Georges Frêche l’avait compris, lui : « Des gens intelligents, il y en a 5 à 6 %, il y en a 3 % avec moi et 3 % contre, je change rien du tout. Donc je fais campagne auprès des cons et là je ramasse des voix en masse. »


    • exocet exocet 30 octobre 2019 18:23

      @Séraphin Lampion
      Oui, mais georges Frèche avait son humour et son franc parler, en plus d’une grande sensibilité, une grande humanité à la Chirac...
      Des dirigeants comme eux deux il n’y en a pas beaucoup, surtout de nos jours


    • Séraphin Lampion Séraphin Lampion 30 octobre 2019 19:06

      @exocet
      yanapudutou


  • alinea alinea 31 octobre 2019 11:18

    Excellent ! notre relation avec les animaux, la nature, l’inadaptation du rapide dans le lent, l’agacement réciproque que cela suscite ; les animaux ne sont pas malheureux d’être décrétés intelligents par l’homme, dans des tâches que l’humain invente, alors que son intelligence, excellente pour lui, sa vie, ses œuvres, est immense. Tandis que le HP est malheureux... qui rêve de fréquenter des comparses.


  • floyd floyd 31 octobre 2019 11:39

    Maintenant tous les enfants qui ont des problèmes sont obligatoirement des surdoués incompris. J’ai connu des parents qui n’ont aucune envie d’assumer leur rôle et qui ne posent aucune limite aux enfants. Cela donne des enfants capricieux et gâtés qui ont des problèmes sérieux à l’école, mais au lieu de faire leur mea culpa, les parents vont se plaindre aux enseignants pour dénoncer que le génie de leur enfant n’est pas reconnu. Je me souviens d’une mère dont l’enfant ne savait pas lire et qui me disait que c’était parce que son enfant, qui est surdoué, s’ennuyait en classe et ne voulait pas lire en classe quand le professeur lui demandait, car c’était tellement ennuyant pour lui. J’ai rendu également visite à un couple avec un gamin qui n’arrêtait pas de faire des crises de nerf pour obtenir tout ce qu’il voulait à la maison. Les parents me disaient qu’il n’allait pas bien à l’école, car il était surdoué !


  • HClAtom HClAtom 31 octobre 2019 19:50

    Merci pour cet excellent article.

    Je vois bien de quoi vous voulez parler, et je vous suggère donc d’aller encore un peu plus loin : je crois que tous les humains ont un haut potentiel intellectuel, à l’instar relatif des animaux dont vous décrivez les prouesses. 

    Ces animaux qui ont réussi les tests ont été choisi aléatoirement, et en aucun cas pour des potentialité intellectuelles exceptionnelles mesurées au préalable. La majorité de leurs congénères, placés dans les mêmes conditions, auraient obtenu les mêmes résultats.

    J’en déduis que tous les humains placés dans les conditions d’Eintein, Newton ou Boltzman (des histoires pourtant très différentes), serait aussi brillant qu’eux.

    Voici je l’espère qui ouvrira le débat sur le concept (inepte) de génie dans l’espèce humaine.


    • Bernard Dugué Bernard Dugué 1er novembre 2019 09:38

      @HClAtom C’est pas ce qui ressort de l’article
      Il est dit qu’un Newton placé dans les conditions ordinaires ne saura pas qu’il peut découvrir les équations de la gravité. Et que de plus, il y a autant de capacités intellectuelles que d’individu chez l’homme, contrairement aux animaux possédant les mêmes dispositions
      Bon WE


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