mercredi 21 avril 2010 - par
Brèves de trottoirs : au coin de la rue l’aventure !
Ce que vous n’avez jamais osé faire, Brèves de trottoirs le fait.
Ces personnages - hommes ou femmes pas forcément bizarres, insolites ou hors normes - que vous auriez aimé aborder dans la rue figurent sur cette plate forme web documentaire lancée en novembre 2009 par deux jeunes journalistes, Olivier Lambert et Thomas Salva.
Ces deux-là viennent d’inventer le macro-trottoir.
Olivier Lambert, âgé de 24 ans, nivernais d’origine, travaille sur RFI. Thomas Salva, son aîné de deux ans, vient de Cherbourg, il est photographe free-lance et a travaillé dans la défunte agence l’Oeil public. C’est à Paris qu’ils se sont rencontrés.
Sur la page d’accueil de leur site - un vieux plan de métro - sont épinglées quatre punaises de couleurs différentes et deux drapeaux qui représentent le trajet du bus 27 (Porte d’Ivry - Gare Saint-Lazare). Lorsqu’on clique sur chacun de ces éléments on découvre cinq portraits : Elie, 74 ans, plus connu sous son surnom de Papy dance, Patrick, trader devenu Sdf, Violette la fleuriste, Daniel le conducteur de bus (de la ligne 27).
Dans cet ensemble hétéroclite ne pas oublier Stephen Harrison, une « star » bien connue des mélomanes parisiens puisque depuis de nombreuses années ce britannique au look impeccable trimballe sa contrebasse de bar en bar, de formation en formation (Sons of the desert, Jasmine Band, l’Attirail, Freebidou ou encore Harrison et Beau, son actuel duo avec la chanteuse Claireso).
Avec ces individus que les parisiens peuvent croiser chaque jour dans la rue, Brèves de trottoirs exploite avec sensibilité une vieille règle du journalisme, la proximité. Après cinq mois de fonctionnement, Olivier Lambert et Thomas Salva constatent de plus en plus que leur site est un bon vecteur de lien social : « On a reçu des dizaines de messages à propos de Papy dance, du genre "je le prenais pour un fou, mais après votre film je le vois avec un regard nouveau" ».
Ce regard nouveau, c’est justement ce qu’ils revendiquent : « On part du principe qu’on va poser la question de plus par rapport aux gens qui côtoient ces personnes chaque jour. Quand on voit Papy dance on se dit qu’il est un peu fou et on passe son chemin. Nous on s’est demandés pourquoi il fait ça. On veut connaître son histoire. Finalement il y a un côté universel. Il souffre, il essaye de faire surface. »
Les deux webjournalistes ont gambergé sans compter leur temps (et leur argent) pour fabriquer eux-mêmes et avec goût ce site mis à jour environ chaque mois et qui reçoit entre 200 et 400 visiteurs uniques par jour (Daniel a été vu 10 000 fois environ).
« Petit à petit, expliquent-ils sur leur page infos, il y aura de plus en plus de punaises, et donc de plus en plus de portraits. » Leur idée est de remplir la carte : « On vise une vingtaine de reportages. Un par arrondissement ». Pour l’heure seules les stations Place d’Italie, Gobelins, Monge et Couronne sont épinglées.
Les idées nouvelles sont les bienvenues. Il suffit de les contacter via leur page FaceBook. Mais au départ, le projet était bien plus ambitieux : « nous voulions développer une plate forme parallèle, explique Olivier, quelque chose de contributif et de participatif où les gens, au lieu d’aller sur Dailymotion ou Youtube, puissent mettre en ligne photos, textes et vidéos à propos de personnages qui animent leur quotidien. »
Mais pour ça il faut avoir les reins solides. Olivier et Thomas rêvent de s’associer à un producteur. En attendant, ils font tout eux-mêmes, en plus de leur boulot (il faut bien manger !).
« Avec Thomas on s’est rencontrés fin juillet, raconte Olivier. On ne se connaissaient pas. On avait envie d’explorer la forme documentaire sur le net. Thomas, après son expérience à l’Oeil public, voulait expérimenter d’autres voies en photo. A la base je voulais faire des documentaires pour la télévision. En sortant de l’école j’ai eu l’idée d’utiliser le web comme un espace de création et de diffusion libre, sans contrainte. Internet est le dernier espace de liberté. Pour passer à la télévision, il faut être formaté. »
Naguère, la description de figures parisiennes était un genre principalement réservé aux écrivains. Louis-Sébastien Mercier, Balzac, Fargue ou Robert Giraud, pour ne prendre que ces quatre-là, l’ont expérimenté avec bonheur.
Olivier Lambert et Thomas Salva n’utilisent pas la plume et le papier, mais la caméra, l’appareil photo et le micro. Cela change-t-il quelque chose, au fond ? Il se passe toujours quelque chose à Paris. Et pas forcément là où on le croit. L’aventure est au coin de la rue !
Certains auteurs préfèrent étudier des généralités, des types (clochards, garçons de café, etc.) eux choisissent de s’arrêter sur les cas particuliers, sur des « personnages pas si ordinaires que ça », toujours parisiens.
Pourquoi Paris ? Parce que, répond Olivier, « Paris regorge de gueules, d’histoires. C’est notre terrain idéal de reportages et une ressource inépuisable de personnages. Nous l’avons arpenté de jour comme de nuit. »
Pourtant ce n’est pas l’amour de cette ville qui est à l’origine de ce projet : « On est partis de nos envies respectives. A l’écrit j’adore faire des portraits. Thomas aussi, en photo. On est attirés par les gens. On aime aller à leur rencontre. Au début on étaient maladroits dans notre approche.
Aujourd’hui on est beaucoup plus aguerris parce qu’on sent que les gens apprécient. Ils aiment partager leurs passions, leurs envies. Il faut gagner leur confiance. »
Chaque portrait nécessite au moins trois demi-journées passées avec leur sujet (dont deux de tournage). Ensuite il faut monter, sélectionner des sons, des anecdotes qui figureront sur le site et nourrissent des approches complémentaires.
Pour l’heure, leurs documentaire ne rentrent dans aucune case, sauf dans celle du web où les investisseurs ne sont pas légions. En attendant ils rêvent à la déclinaison de leur site et imaginent des Brèves de trottoirs à New York, Rio ou ailleurs…
Crédit photo : arbre à lettres