samedi 2 janvier 2016 - par Laurent Herblay

Ne l’appelons plus néolibéralisme !

Depuis le début du blog, j’apporte ma petite pierre à la critique du néolibéralisme, mais, finalement, je me demande de plus en plus si le nom que beaucoup d’entre-nous utilisons pour dénommer ces idées est bien choisi. Par ce vocabulaire, ne combattons-nous pas avec un bras dans le dos  ?

 
Le vocabulaire, clé des débats politiques
 
C’est Eric Hazan, avec son livre LQR, qui m’avait sensibilisé à un aspect fondamental du débat politique : le choix des mots. Celui qui parvient à gagner la bataille du choix des mots pour qualifier les différents tenants d’un débat fait souvent un grand pas vers la victoire idéologique. Ce n’est pas pour rien que les partisans des politiques monétaires européennes parlaient de franc « fort » puis d’euro « fort ». De facto, cela affaiblit la position des critiques qui deviennent implicitement partisans d’une politique de monnaie « faible ». Voilà pourquoi il était important d’utiliser le terme d’euro « cher », qui place le débat d’une manière plus favorable à nos idées, sans pour autant travestir la réalité. Sur ce sujet, c’est ce que je fais depuis assez longtemps, comme peuvent l’attester les liens vers mon premier blog.
 
Cela est aussi vrai pour le débat fiscal : ce n’est pas la même chose de dénoncer un « parasite  » fiscal plutôt qu’un « paradis  » ou la « désertion  » fiscale plutôt que « l’évasion  ». Les premiers donnent immédiatement une connotation négative à ces pratiques, quand les seconds sous-entendent de facto qu’il existe un enfer ou une prison dont on veut s’évader, les légitimant un peu de facto. Idem, le terme inversion fiscale trouble le débat alors que l’on pourrait parler de magouille, voir même de vol. Voilà pourquoi il est important de parler de « camisole » budgétaire pour bien qualifier les effets des traités européens sur nos démocraties. De même, il faut déconstruire les arguments néolibéraux en faveur du traité transatlantique, et globalement, tous les arguments des partisans du néolibéralisme.
 
Le bien mal nommé néolibéralisme ?

Jacques Généreux proposait une explication intéressante du terme dans « La dissociété  », une forme de mutation pathogène du libéralisme sous la double influence d’un darwinisme à courte vue et de l’utilisation des mathématiques, avec une vision extrêmement dogmatique. Mais le terme « libéralisme » est également, et légitimement, porteur de valeurs positives, compliquant de facto la critique des excès commis en son nom. Et le suffixe « neo » indique seulement de la nouveauté. Faire du « nouveau libéralisme » le nom des idées que nous combattons n’est-il pas contre-productif ? Pire, cela ne risque-t-il pas de pousser à une vision trop antilibérale, qui, outre le fait d’être moins rassembleuse, pourrait légitimer des dérives autoritaires, voir anti-démocratique, que l’on trouve au Vénézuela ou en Russie.

 
Il y a 7 ans, j’avais dénoncé « l’anarchie néolibérale  », en essayant de qualifier plus précisément ce que ce néolibéralisme produit, une forme d’anarchie. Mais avec du recul, je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur moyen de qualifier ce que nous dénonçons. En effet, même si la nouvelle économie présente des aspects anarchiques, ce terme ne qualifie pas bien toutes les conséquences que je décrivais (endettement, crises et inégalités). Un temps, je pensais à « extrémisme libéral » pour bien indiquer le caractère excessif des choix qui sont faits, mais cela est un peu trop théorique, pas forcément crédible, et pourrait revenir à nous donner le choix entre deux extrémismes. La « loi de la jungle » ou la « barbarie » (comme je l’ai fait sur Uber) sont mes derniers efforts pour essayer de bien qualifier l’ennemi.
 

Bien sûr, le choix du vocabulaire n’est pas le seul responsable de l’échec des alternatifs depuis 2008. Mais alors que la crise financière a permis une résurgence intellectuelle du keynésianisme, l’impasse actuelle du débat dans tant de pays impose un questionnement des armes sémantiques que nous utilisons.



9 réactions


  • Francis, agnotologue JL 2 janvier 2016 16:41

    Ce n’est pas en débutant son papier par cette citation  : ’’  Celui qui parvient à gagner la bataille du choix des mots pour qualifier les différents tenants d’un débat fait souvent un grand pas vers la victoire idéologique.’’


    qu’un auteur qui snobe ses lecteurs va nous donner envie d’en débattre.


    • Francis, agnotologue JL 3 janvier 2016 11:36

      Vous trouverez de bonnes questions sur c sujet, sinon des réponses mêmes, dans les articles d’Albin Dousset qui, lui, respecte ses lecteurs et joue le jeu qui est la règle sur Agoravox.


  • Clark Kent M de Sourcessure 2 janvier 2016 17:05

    Alors que penseriez-vous de « pillage déréglementé », ou « capitalisme sauvage »,ou « management de la terre brûlée », ou encore « prédation subventionnée » ?


  • franc 3 janvier 2016 10:17

    Oui j’ ai tojours utilisé le mot capitalisme à la place de libéralisme qui es tun terme a priori positif car la liberté est une valeur absolument fondamentale et elle st nécessaire m^me en économie ,la libert é en économie est bonne et m^me nécessaire ;

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    le mot classique capitalisme est employé négativement par Marx et les marxiste qui y dénotent une perversion économique en une mafiosisation d e la finance et de la recherche du profit pour le profit sans égard à d’autres valeurs supérieures ,l’augmentation du capital pour le capital par tous les moyens y compris et surtout mafieux .

    Dans le mot capital il ya la notion d’argent et le capitalisme au sens négatif c’est l’ adoration du Capital ou de l’’Argent comme la valeur suprême , l’argent comme fin et non comme moyen, c’est l’adoration de Mammon

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    Contrairement à c e que l’on pourrait penser l’ économie de Marx ou du vrai marxisme respecte la libert é dans l’économie , à condition bien entendu de ne pas confondre liberté avec licence et d’admettre que la liberté individuelle n’est pas tout mais qu’il existe aussi une liberté collective ,la libert é du peuple et au delà la liberté de l’humanité dans son ensemble qu’on pourrait appeler respectivement liberté populienne et liberté humanitienne

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    En effet la maxime fondamentale du marxisme est :-----------------« à chacun selon ses besoins ,à chacun selon sa vocation ,et les besoins sont en eux-m^me les raisons dernières de leur satisfaction »

    Cette maxime contient le respect de la loi de l’offre et de la demande ,effectivement car les besoins expriment la demande et l’exigence de la satisfacion du besoin réclame la réalisation de l’offre

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    Donc la liberté m^me en économie est importante ,et c’est pourquoi le mot libéralisme est mal choisi pour dénoncier une perversion de l’économie ,il vaut mieux employer le mot classique de capitalisme qui est une perversion du capital ou d ela finance dans l’économie


    • Clark Kent M de Sourcessure 3 janvier 2016 17:19

      @franc

      Vous mélangez Marx et Saint-Simon !

      Dans un célèbre passage de sa Critique du programme de Gotha, Marx écrit : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ! », et rien d’autre.

      Par contre, le slogan des saint-simoniens était : « à chacun selon sa vocation ; à chacun selon ses oeuvres ».

      Mélanger les deux peut vous amuser, mais ce n’est pas très sérieux.

      C’est comme si vous écriviez : « Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends lui aussi tes fesses », puisque vous estimez qu’on peut écrire n’importe quoi en mettant des guillemets.


    • franc 4 janvier 2016 09:06

      @M de Sourcessure

      c’est à peu près la m^me idée et c’est dans le m^me esprit ,capacité est synonyme ici de vocation ,et j’ai employé le mot vocation qui est plus signifiant ,et d’autre part il ne faut pas oblitérer l’expression de Marx ,« et les besoins sont en eux-m^mes les raison dernières de leur satisfaction » qui fonde concrètement la liberté marxiste 


  • JANCAP JANCAP 3 janvier 2016 20:19

    Les termes capitalisme et libéralisme sont des évidences qui correspondent aux nécessités de fonctionnement de l’économie et de la société.

    Pas d’économie possible sans capital, sans capitalisme, qu’il soit public ou privé.
    Quant au libéralisme, il est porteur de l’idée de liberté de faire et de concevoir, ce qui correspond bien à la nature humaine et ses aspirations. Dans une société démocratique de liberté, ce libéralisme est encadré par des lois permettant le vivre ensemble.

    Il en va tout autrement avec le néolibéralisme qui est une création théorique de l’Ecole d’économie de Chicago (Milton Fiedman), mis en pratique par Reagan et Thatcher, avant d’être généralisée par tous les gouvernements conservateurs, suivi d’une conversion complète de tous les Partis Socialistes. Pour les néolibéraux, le marché et l’économie se régulent par eux-même, sans règles pour les réguler ou les encadrer, ce qui générait la fameuse « concurrence libre et non faussée ». Les règles se limitant au pouvoir régalien des états ...pour permettre un fonctionnement idéal du néolibéralisme. Bien entendu, sa devise pourrait être Docilité Inégalité Charité...

    Mais le néolibéralisme des années 1970-1980 (débuts dans le Chili de Pinochet) a progressivement poussé ses avantages jusqu’à devenir un NÉOLIBÉRALISME MAFIEUX qui sévit actuellement dans le plupart des pays de la planète. Déréglementation totale des conventions commerciales et concurrentielles, paradis fiscaux, ententes illicites devenant pratique quotidienne, fraudes et tout genre, dumping social et fiscal poussé à l’extrême par la « mondialisation heureuse » (néocolonialisme et néo-esclavagisme) et financiarisation totale de l’économie pour organiser dette et dépendance, ont amené les états qui ont organisé et approuvé cette descente aux enfers, à gérer l’austérité, détruire la protection sociale et abandonner les services publics pour leur population.

    Cette évolution du libéralisme et du néolibéralisme me conduit à nommer le système économique et sociétal actuel NÉOLIBÉRALISME MAFIEUX, au sens littéral du terme, car son organisation, son fonctionnement et ses pratiques sont du même type que celles des mafias les plus traditionnelles.

  • Le Dranob 4 janvier 2016 08:34

    « « La logique du révolté est... de s’efforcer au langage clair pour ne pas épaissir le mensonge universel. » A. Camus

    Hypothèse qui venait compléter sa maxime , reprise (et parfois déformée)de toutes parts : »Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. "
     Il est vrai que le confusionnisme ambiant systématisé contribue à épaissir le brouillard dans lequel les manipulateurs de tous poils nous manœuvrent au point de ne plus distinguer en quelle vérité croire.
     En ce début 2016 je vous souhaite de trouver la bonne formulation qui contribuerait à diminuer les malheurs du monde ou , au moins , à mieux ajuster la réflexion critique.

  • robin 4 janvier 2016 13:48

    Je pense comme bon nombre que le terme « NEOFASCISME » conviendrait mieux que NEOLIBERALISME


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