Prendre un pingouin par la main et lui montrer le chemin
Retour à la nature, Eden laïc sur terre, plaisirs simples et décroissance, quel beau programme édifiant ! L’écologie est-elle une nécessité vitale à la survie de la planète ou un effet de mode futile et outrancier ? Difficile de répondre à la question et de qualifier cet engouement actuel à la culture verte. L’écologie tient avant tout du phénomène religieux, de la peur irraisonnée de l’Apocalypse avec une volonté d’expansion universelle, au-delà des frontières tant terrestres que spirituelles. L’urgence écologique s’impose au-delà des idéologies politiques et des anciens clivages. Il s’agit d’un impérialisme idéologique dirigé par le désir messianique de sauver le monde et d’un altruisme forcé et forcené. L’homme est une vermine malfaisante qui s’attaque à l’innocente nature et à ses représentants emblématiques qui sont les bébés phoques, les dauphins et les pandas. Même l’obscur et confidentiel scarabée pique-prune est plus digne de respect et de considération que l’être humain, surtout s’il est occidental, tel est le credo écolo ! Par ses abus industriels, le représentant de l’ère de la chimie, du pétrole et du nucléaire va faire disparaître sous la glace fondue, les derniers hommes naturels et respectables que sont les Inuits, qualifiés contre toute logique géographique de population du Sud. Car le sud écologique est fait de misère et ne peut envisager le progrès, la croissance économique et l’industrialisation sans jamais entrevoir l’enrichissement des nations pauvres. En devenant émergeant, un pays initialement pauvre se transforme en un état voyou, une nation de salauds incapables de voir l’intérêt de trier ses ordures alors que sur la montagne fumante de la décharge de Manille, de pauvres hères ont compris depuis longtemps ce qu’était le tri sélectif, puisqu’ils en vivent depuis des décennies en récupérant dans les détritus tout ce qui peut être réutilisé, recyclé ou revendu souvent au risque de leur santé. Le pauvre doit croupir dans sa misère et se construire des fours solaires avec des tôles de récupération, non pas tellement pour faire des économies sur l’achat de son bois de chauffage, mais pour éviter la déforestation qui est nuisible aux orangs outans.
L’écologie peut-elle être source de plaisir ? La réponse est hélas uniquement oui pour des croyants qui ont besoin d’un autre Dieu que celui des religions classiques, mais n’en affichent pas moins la foi du charbonnier. Cela dit, le terme est mal choisi, car le charbon pollue et un véritable écologiste ne peut s’en satisfaire. Au plus haut niveau de croyance, le combat pour la nature et pour sauver la planète devient une ascèse rigoureuse et exigeante. Il s’agit d’une jouissance extatique, proche de celles des grands mystiques. Chaque action doit être mesurée et son impact analysé pour ses effets néfastes. On est tout près de l’acte de contrition des fidèles à l’église et de la mortification des saints et des bienheureux. Le réchauffement climatique est l’Apocalypse prédite par Jean et les membres de la secte veulent croire qu’ils feront partie des 144.000 élus sauvés du désastre. Il existe une forme de millénarisme dans la foi écologique, une peur que le ciel vous tombe sur la tête et des mécanismes d’exorcisme pour s’en prévenir comme le bilan carbone.
Une vision toute pascalienne de l’écologie consisterait à rester enfermé chez soi sans chauffage autre que provenant de la biomasse, en mangeant chichement sa propre production de légumes bios et sans le moindre divertissement provenant du secteur marchand. Avec l’écologie, plus besoin de Dieu pour se mortifier et battre sa coulpe puisque la Nature est Dieu.
Heureusement, la crise économique et financière, le service de la dette, le déséquilibre de la balance commerciale font qu’il devient de moins en moins évident de créer des taxes écologiques, d’abandonner le nucléaire, de ce passer de nouveau puits de pétrole, d’OGM et peut-être bientôt de gaz de schistes. La récession, la décroissance, allez l’expliquer à quelqu’un dont le pouvoir d’achat est entamé par les hausses d’impôts. Allez dire à un fumeur que c’est pour son bien que le prix des cigarettes augmente. Un paquet par jour, c’est désormais 15% du revenu d’un smicard. Pour un écologiste, il en va du même type de raisonnement sectaire et le concept durable ne s’applique pas à la fellation, loin de là ! Cet adjectif passe-partout associé au développement, à l’énergie, à toute action pensée et voulue par l’homme ne s’étend pas hélas au domaine de la sexualité. Et comme l’écrit si bien Iegor Gran, dans son essai ironique et plein de bon sens en dépit de sa manie de truffer son texte de notes de bas de page, L’écologie en bas de chez moi, « une amitié durable, c’est une amitié où l’on ne met pas en danger l’avenir de la planète ».
L’écologie, tout comme le fondamentalisme islamiste, utilise la couleur verte comme drapeau. A cela, rien d’étonnant, car les militants de la cause verte se comportent avec la même intransigeance et la même absence d’humour et de dérision que les djihadistes des zones tribales d’Afghanistan et du Pakistan. Le Khalifat universel écolo est le but à atteindre, avec l’extension au monde entier du Protocole de Kyoto comme étape intermédiaire indispensable à son avènement. Tout comme en 1933 en Allemagne, l’écologie arrivera peut-être un jour au pouvoir par les urnes et ce sera sous les vivats et les applaudissements des électeurs. Après il sera temps de déchanter et de se lamenter, mais il sera probablement trop tard, les libertés individuelles auront été anéanties une à une, sacrifiées sur un autel drapé d’émeraude, au bénéfice d’un Reich vert pour mille ans.
La nouvelle théocratie verte n’a rien à envier à celle des ayatollahs. Certes, on ne lapide pas encore ceux qui ne respectent pas le tri sélectif, on ne coupe pas la main de ceux qui utilisent toujours les ampoules à incandescence pour s’éclairer ou qui prennent un bain au lieu de pisser sous la douche, mais les manies vertes s’installent insidieusement en dogme. L’écologie moderne veut utiliser les outils de la démocratie, du marketing, des médias et de la loi pour obliger les gens à faire un geste pour la planète, nouveau signe de croix agnostique pour ses adeptes. Ceux qui refusent d’obéir aux oukases doivent en payer le prix d’abord fiscalement ensuite en s’acquittant d’amendes. L’idéal serait de mettre au ban de la société ceux qui n’en respectent pas les mots d’ordres déclarés salutaires pour la planète. L’écologie s’est infiltrée dans tous les partis politiques encore plus que la secte Moon et la Scientologie, elle a gangrené toute forme de réflexion et de débat politique. Et il arrivera un temps, où en plus des pénalités légales, le paysan qui arrosera au mois d’août du maïs OGM, sera en cas de récidive frappé d’indignité nationale et interdit de vote. Pour un écolo, laisser la lumière allumée en sortant de chez soi est aussi condamnable que de brûler un Coran pour un musulman ou nier la Shoah pour un juif. Assister à une corrida ou tirer une palombe est pire que de pisser dans un bénitier. Ces comportements inciviques sont à classer dans la même catégorie abjecte que les blagues homophobes ou antisémites, l’apanage de nervis bas de front qui méprisent la nature et font courir le monde à sa perte.
A entendre ses défenseurs, le crime contre la nature est bien plus grave que celui de lèse-majesté. Pour les tenants de la sauvegarde de la planète, traîner une vieille par son sac à main derrière une Vespa volée n’est que billevesée comparée à l’urgence de faire son bilan carbone. Car le préjudice contre la personne âgée ne concerne malheureusement pour elle que celle-ci, alors que des milliers de gens n’éteignant pas lumière en sortant de chez eux ou achetant des haricots verts venus par avion du Kenya ou du Burkina Faso accélèrent dangereusement le réchauffement climatique et mettent en danger la survie des ours polaires. Dans cette optique, on conçoit que la vie d’un plantigrade vaille largement celle d’un chômeur de longue durée ou d’une personne âgée. La vieille qui fait ses courses et qui retire de l’argent à un distributeur n’est pas une espèce en voie de disparition, loin de là avec l’augmentation de l’espérance de vie, donc à quoi bon s’en inquiéter et s’en formaliser !