lundi 1er juin 2009 - par Edmond... pas cochon !

Quel système scolaire veut-on, éducatif ou policier ?

 J’aimerais apporter mon opinion au concert sur la situation du système scolaire. Je ne parlerai pas de statistiques ni de niveau ; de toute façon, les chiffres sont donnés par le ministère et forcément orientés pour appuyer un discours. Bien naïf serait celui qui croirait en la vertu du politique.
 
Je parlerai seulement du virage idéologique qu’a subi le système scolaire, virage dans lequel il se trouve encore puisque c’est maintenant du lycée qu’il s’agit. J’aimerais montrer que ce virage s’est fait sur des bases particulières et que les dérives auxquelles nous assistons en sont les conséquences logiques.
 
Le système scolaire, autrefois, était caractérisé par la place centrale du professeur. Celui-ci avait en effet un double rôle :
Enseigner : transmettre des connaissances et des savoir-faire.
Sanctionner : décider du passage des élèves dans les classes supérieures en fonction de leur travail et de leurs résultats.
 
Le premier rôle a bien sûr été maintenu par les différentes réformes mais en le transformant. Autrefois, dans une relation entre un détenteur du savoir face à un « ignorant », il suffisait au professeur d’établir une progression qui s’appuyait sur les programmes et chaque élève devait suivre le travail à la vitesse où il était exposé. C’était à l’élève de s’adapter. Désormais, chaque professeur a le devoir d’adapter son enseignement et de différencier sa pratique selon les capacités de ses élèves. Il a pour rôle de trouver les accroches, les sujets, les moyens qui vont permettre de motiver les élèves et de les faire progresser. Le cadre des programmes est devenu plus élastique en fonction des réalités locales, mais pas leur contenu. Pour prendre un exemple, on a le droit et le devoir d’aborder le complément d’objet ou le théorème de Thalès par le moyen original que l’on veut ; le tout étant de les faire apprendre aux élèves.
 
Le second rôle a été supprimé. De nos jours, le professeur note encore ses élèves mais il sait que ces notes ne prévalent pas dans la décision de passage ou d’orientation. L’avis du Conseiller d’éducation, du Conseiller d’orientation, qui connaissent bien la situation familiale de chaque élève, et surtout du Principal ou du Proviseur ont, en fin de compte, plus de valeur que le sien. Il s’agit de réguler efficacement le nombre d’élèves par niveau de classe ; on ne peut accepter que deux ou trois pour cent de redoublement. D’ailleurs, les Inspecteurs répètent à leurs subordonnés que le redoublement ne sert à rien, donc... pas de redoublement ! En outre, on a fait comprendre au professeur que les notes doivent souligner non plus les manques ou les erreurs mais surtout les progrès des élèves et que dans une optique d’adaptation des programmes, les notes reflètent la qualité de son travail. Ainsi, si des élèves persistent à avoir de mauvaises notes, c’est que le professeur n’assume pas correctement ses missions.
 
Le système scolaire d’autrefois reposait sur l’optique de former des élites pour la Nation. Le travail scolaire et les bons résultats étaient la voie principale d’ascension sociale. Même s’il y avait quelques distorsions, ce principe était assez respecté. Le système actuel repose sur l’idée égalitaire qu’il faut que chacun possède un socle commun de connaissances, de compétences et d’attitudes qui lui seront nécessaires pour s’adapter dans la société. Car la société exige qu’on aide l’élève mais oblige l’adulte à s’adapter : socialisme jusqu’à vingt ans, libéralisme au-delà ! Ainsi, l’élève, enfant ou adolescent, est aujourd’hui considéré comme un être en devenir, immature en quelque sorte, que l’on doit accompagner dans sa découverte du monde et qui mérite d’être protégé avant de faire le grand saut vers le monde adulte. Deux idées sont donc à la base du système actuel : l’élève est un individu en formation et le professeur est celui qui est en charge de le mener dans ce parcours. On voit ainsi poindre la dérive idéologique qui marque le système scolaire actuel : l’élève est dé-responsabilisé de ses résultats et le professeur est chargé de toute la responsabilité des résultats.
 
Cette formulation n’est pas exagérée et tout le monde l’a bien compris ; parents, élèves et « administration » sont tous dans le même train. La violence envers les professeurs l’illustre bien, qu’elle soit verbale ou physique, qu’elle vienne d’un ministre, d’une candidate aux élections présidentielles, de parents ou d’élèves, c’est toujours la même représentation sous-jacente : le professeur est le responsable de l’échec scolaire. D’ailleurs, le ministère tente d’aller encore plus loin avec les obligations de soutien scolaire qui progressivement sont mises en place. Il s’agit de tendre vers une individualisation de l’enseignement en se basant sur le postulat que tout élève peut et doit réussir à obtenir le fameux socle commun. Et comme les résultats positifs de cette évolution se font encore attendre, on a proposé quelques tours de passe-passe : suppression de la carte scolaire, intégration dans les grandes écoles des jeunes issus des « quartiers », discrimination positive, baccalauréat régionalisé, et peut-être d’autres à venir.
 
Mais ils ne peuvent pas inverser la situation car elle s’est installée en une vingtaine d’années et elle ne peut pas disparaître d’un coup. De nos jours, la plupart des élèves attendent que les savoirs leur tombent dessus comme la manne et bien peu sont ceux qui produisent des efforts de mémorisation des leçons, d’entraînement par des exercices ou de mise en relation entre les différentes disciplines qui leur sont proposées. Parce que c’est le contrat fondamental du système scolaire qui a volé en éclats : le professeur enseigne et l’élève étudie. Et naturellement, en cas d’échec, c’est le professeur qui est accusé, soit d’injustice envers l’élève, soit d’incompétence.
 
Comment alors, aboutir à une situation sereine ? Simplement en replaçant sur l’élève sa part de responsabilité ; dans un contrat, chacun s’engage. Le véritable problème que les idéologues et pédagogues ont voulu sabrer, c’est celui de la sanction des résultats. Pour cela, ils ont transformé tout le système. C’est donc à cela qu’il faut réfléchir. Pourquoi un élève doit-il travailler, à quoi lui serviront toutes ces connaissances, comment gérer l’orientation des élèves ? Voilà les questions auxquelles la société doit répondre. Il ne s’agit pas de prendre les élèves pour des anges, ils ne sont pas en dehors de la société. Tout psychologue le sait ! Leur donner l’illusion d’un cocon jusqu’à vingt ans et rien ensuite revient à les priver de perspectives et à les faire basculer dans des passages à l’acte irréfléchis. Est-ce cela que l’on préfère ? En tout cas, ne pas s’attaquer au fond du problème revient comme toujours à le laisser s’envenimer. En attendant, suprême injustice, seuls ceux qui ont compris les règles du jeu pourront s’en sortir efficacement.
 
 
 


3 réactions


  • Edmond... pas cochon ! 1er juin 2009 15:38

     

    Dans ce domaine, la gauche et la droite ont le même discours : ils feignent tous de promouvoir l’égalité et laissent se dégrader le système. En insistant sur le rôle éducatif des enseignants, ils déplacent la question et la rendent impossible à traiter. D’ailleurs, dès qu’il y a un problème, les enseignants doivent faire quelque chose : lire la lettre de Guy Môquet, maintenir le souvenir de la Shoah, préparer le code de la route, montrer les dangers du tabac, fouiller les cartables... d’ici peu, il y aura une autre recommandation.

    Instruire et éduquer, ce n’est pas la même chose et vu la formation que l’on donne maintenant aux nouveaux enseignants, la dérive dont je parle va s’accélérer parce que l’éducation de la jeunesse ne peut pas être assurée entièrement par les professeurs, surtout dans une société en crise où l’individualisme est la religion dominante.

     


  • Sinbuck Sinbuck 2 juin 2009 05:46

    En effet, le problème de l’éducation est grave !
    L’enseignement de manière « ludique » est une erreur, l’effort est douloureux, en sport et pour mémoriser une leçon. Le prof ne compte plus dans le système, les programmes résultent d’agents administratifs « hors du système scolaire ». Un diplôme ne permet plus de gagner de l’argent et de travailler. Il suffit de vendre des fringues indiennes sur le marché pour gagner bien plus d’argent qu’un prof !
    L’enseignant est dévalorisé, souvent limité à l’étiquette de fonctionnaire, son travail est critiqué. Seul le prof face à ses élèves connaît la « tension nerveuse » qui en résulte. Il faut faire preuve de psychologie, d’autorité et de connaissance. L’élève est encensé, placé au centre du système, les parents d’élèves abandonnent l’éducation de leurs enfants, et la société culturelle française (TV, musik...) ne fait que rendre disponible le cerveau des individus pour leur vendre un produit.

    Le problème de l’école résulte avant tout de la société, de sa nature commerciale, économique et non progressiste en matière d’acquisition cognitive. Le savoir en tant que tel est inutile dans notre monde contemporain tant qu’il ne permet pas de vendre quelque chose. 


  • Dolores 7 juin 2009 20:22

    On demande tout au prof, non seulement de transmettre un savoir mais aussi de se substituer aux parents qui n’ont pas fait leur boulot de parents. Ce qui fâche à la fois les parents et les enfants,et qui met les profs devant des responsabilités qui ne sont pas les leurs.
    C’est un problème d’éducation, mais pas d’Education Nationale.

    Il semblerait que les parents d’aujourd’hui ne sachent plus ce que veut dire éduquer et ils ont recours à toutes sortes de gourous psy pour leur dire comment agir.
    Les sentiments des parents envers leur enfant sont devenus au fil du temps pathologiques.
    Ils ont peur de « perdre l’amour » de l’enfant s’ils lui disent non, que l’enfant soit « traumatisé » s’ils n’accèdent pas à ses désirs, qu’il ne grandisse pas convenablement et développe toutes sortes de complexes s’il est frustré.
    Raisons pour lesquelles apprendre le respect des autres et la politesse ne ferait que gêner son épanouissement personnel et ses envies !

    Pourquoi donc irait-il, le cher bambin, se casser la tête à l’école où on lui demande de faire des efforts et respecter de règles communes à tous les élèves ?


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