jeudi 7 février 2013 - par Stéphane GUINOT

Rythmes scolaires : la grande déception

Il y a fort à parier qu'une grande partie des enseignants du premier degré sera en grève le 12 février prochain. « Immobilisme » pour certains, « corporatisme étriqué » pour les autres, la communication actuelle d'un gouvernement qui se dit « de gauche » fait son chemin dans les médias et, par la même occasion, dans l'opinion publique. Il est urgent de revenir sur les raisons de la colère des enseignants.

Tout d'abord, je précise que j'ai moi-même été l'auteur en 2008 d'un article, repris par Marianne (http://www.marianne.net/Quatre-jours-qui-font-mal-a-l-ecole_a182148.html), très défavorable à la semaine de quatre jours. Et cette hostilité, je la conserve. Beaucoup d'enseignants ont pu constater, depuis la généralisation de la semaine de quatre jours, une augmentation de la fatigue des élèves, une diminution de l'attention ainsi que beaucoup plus de stress aussi bien pour les élèves que pour les enseignants. Car rappelons-le, si les élèves ont perdu l'équivalent de 25 semaines de classe sur toute leur scolarité, les programmes, eux, en parallèle, se sont alourdis. Ce qui n'est pas sans conséquence sur les rythmes d'apprentissage et sur la fatigue des enseignants et des élèves.

La réforme proposée ne devrait-elle pas alors être accueillie positivement par les enseignants ? Eh bien non, car dans la réalité, ce qui est présenté comme une réforme ambitieuse par le gouvernement ne va strictement rien changer à la fatigue des élèves ! Peut-être même la situation va-t-elle s'aggraver... En effet, le passage en 2008 à la semaine de quatre jours a densifié la semaine scolaire. C'est à dire que les élèves doivent, à l'heure actuelle, apprendre autant en 24 heures que ce qu'ils apprenaient avant en 26 heures. Et la réforme proposée ne va absolument rien changer puisque le temps d'apprentissage pour tous va rester de 24 heures. La densité de la semaine scolaire, facteur de fatigue, restera donc la même.

Pire encore ! Malgré tous ses vices, la semaine de quatre jours conservait au moins une coupure le mercredi qui permettait aux élèves et aux enseignants de se reposer ou de préparer la classe. Avec la réforme, c'est terminé ! Plus de temps de repos au milieu de la semaine. Dans quel état allons-nous retrouver nos enfants et nos enseignants ?

Oui mais, me répondra-t-on, les journées d'école seront plus courtes. Faux. Pour beaucoup d'enfants, l'amplitude horaire passée dans l'enceinte de l'école ne changera pas. Ils passeront juste plus de temps dans des services périscolaires inadaptés. Et les enseignants ne gagneront rien non plus. Car ce qui se met en place dans de nombreuses communes, c'est une pause déjeuner de 2 heures 45 minutes ! Quand on sait dans quel état d'excitation les enseignants retrouvent leurs élèves après 1 heure 30 de pause, il y a des questions à se poser...

Au final, élèves et enseignants passeront donc autant de temps chaque jour dans les murs de l'école et devront en plus venir le mercredi matin, ce qui, au final, fera une semaine plus chargée pour tout le monde.

Et les parents dans tout ça ? Il risquent d'y perdre aussi. Car si les enfants passent un peu moins de temps en classe chaque jour, ils devront en revanche, pour beaucoup d'entre-eux, passer plus de temps dans les services périscolaires qui ne sont pas gratuits. Pendant que certains enfants seront en « activités pédagogiques complémentaires » gratuites, d'autres seront en garderie payante... ou au pied des immeubles, à errer, pour ceux des familles les plus modestes.

Serait-ce donc cela, l'égalité à la française ?

Stéphane Guinot

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8 réactions


  • bakerstreet bakerstreet 7 février 2013 12:39

    Étrange tout de même de ne pas concevoir que la retour de sa semaine de cinq jours ( Mon dieu quelle aberration !) avec des journées plus courtes, ne ramènerait que des avantages vrais, pas démagogiques, autant aux enfants qu’aux enseignants. 

    D’ailleurs votre article, par les différentes choses qu’il implique, pourrait tout aussi bien être lu, dans la rubrique éducation, santé, citoyenneté, politique, et enfin absurdité, s’il y en avait une....
    A l’heure où l’on n’arrête pas de se comparer aux autres pays, il est étrange de s’apercevoir qu’on ne regarde que de l’œil qui arrange.
    Personne pour nous suivre, en effet, sur ce chemin étrange, qui borde le précipice.
     Partout ailleurs, trente journées de plus, pour moins de temps passé par jour.
    Mais le cocher nous dit-on, sait ce qu’il fait.
    D’ailleurs, n’est il pas bardé de diplômes ?

    A force d’admettre absurdité sur absurdité, nous voilà confronté maintenant à de nouveaux problèmes : La budgétisation du temps libre qu’il faudrait déléguer aux communes.

    Non seulement cette machine étonnante qu’est l’éducation, ne résout plus les problèmes, mais il en crée de nouveau. Voilà inventé quelque chose de nouveau, propre à créer des niches et des niches de professionnels étonnants, portant chapeau d’animateur et de clown, pour animer nos chères petites têtes blondes.

    Voilà, on a obtenu, à force de démaillage et de tirer encore et encore sur le fil, la fin de l’école républicaine. Il est bien loin, le temps de l’instit de village qui faisait secrétaire de mairie. Un homme nous dit, qu’on envie, maintenant, pour cette considération qu’il avait.

    Au pays d’Ubu roi, mieux vaut se taire, si l’on ne veut pas se faire couper la tête.

     Mais bravo à votre article, qui met les pieds dans le plat.

    Mais vrai, il est difficile, quand on n’est pas aveugle, de ne pas les mettre ailleurs.


    • Mr-Asperger 7 février 2013 13:19

      Vous êtes dans le vraie monsieur:ne pas résoudre les problèmes cocnrets,en rajouter d’autres=autruche qui ne veut rien voir....

      Cette fausse école élitiste n’est plus que l’ombre d’elle même:des castes du plus au moins nati financièrement,intelectuellement.

      Un exemple concret:après septs ans d’enseignement de l’anglais,vous avez des élèves incapables de faire une phrase correcte.

      J’y repense en ces années ou il fallait apprendre par coeur les leçons,les tournures et puis on oublit ensuite quand les contrôles finissent...

      Et quand je dis à ma teacher que c’est à cause du décorchage,pour elle ce n’est pas possible,nous sommes en master...

      Et si ma pauvre dame c’est possible de décrocher même avec un bon niveau.Quand on doit apprendre dans de mauvaises conditions,on finit par ne plus aimer apprendre,tellement on veut fuir cette ambiance d’abaitissement généralisée....

      En tout cas,je me suis débrouillé en écosse après le BAC....

      Je le sais maintenant:jamais je serais billingue à coup de traductions...


  •  C BARRATIER C BARRATIER 7 février 2013 15:59

    Oui déception, parents, enseignants, et autres hôteliers se fichent des besoins des enfants, ils se font plaisir, bonjour les dégâts, plus on attendra plus la note sera salée
    Voir en table des news :

    « Ecole, Vous avez dit intérêt des enfants, parents, enseignants menteurs »

     

    http://chessy2008.free.fr/news/news.php?id=224


  • bakerstreet bakerstreet 7 février 2013 18:21

    A priori, votre article ne suscite pas beaucoup de réactions dans la salle des profs d’agoravox.
    La prochaine fois, faites donc comme tant d’autres.
    un autre article sur le salaire des profs, ou leur reconnaissance, leur colère...
    « Que n’ai je fait pour mérité tant d’infamie !.... »
    Vous serez assuré d’un bon succès, quel que soit la qualité de votre article.
    Mais il est des silences, parfois, qui en disent plus longs que des ’romans.


    • Jean-Marc B 10 février 2013 10:17

      Je suis déçu du manque de réactivité des enseignants. (J’en étais un...je m’exprime ci-dessous).
      Beaucoup sont désabusés .... ils avaient fait confiance au PS ....
      Et puis le profil des instits a changé : ils ont été élevés dans la société de consommation, ils ne sont plus des organisateurs de centres aérés par exemple.... ils consomment. Ils ont fait des études longues payées par leurs parents.... Ils ne viennent pas de milieux ouvriers comme c’était souvent le cas pour les instits qui intégraient les Ecoles Normales départementales (avant 1970)
      à l’issue de la classe de 3ème après un concours très sélectif....


  • Dolores 7 février 2013 18:37

    Depuis des années je me suis rendu compte que les « réformes » n’étaient jamais qu’une question de mode et une façon d’attacher, pour la gloire, le nom d’un quelconque politique à ladite réforme.
    Leur « nouveauté » ne dépasse pas la surface des problèmes et surtout ne les résolvent en rien.
    C’est du vent qu’on brasse pour faire croire qu’on fait quelque chose, quand on ne produit pas l’effet contraire à celui prétendument voulu, en nuisant encore plus à l’école.

    Arrêtons de prendre les enfants comme prétexte : la journée des enfants n’en sera pas raccourcie pour autant. Beaucoup se lèveront tôt pour aller à la garderie en attendant l’ouverture de l’école, ils y retourneront après la classe où ils attendrons l’heure de la leçon de piano, le cours de danse ou de judo. Certains même resterons devant la TV après diner. Sûr qu’après de pareilles journées, ils soient fatigués. Mais à qui la faute quand en plus de la classe ils ont de multiples activités ?
    On parle des rythmes de l’enfant mais on s’acharne à vouloir les faire vivre comme des adultes. Ne cherchons plus d’où vient la fatigue !


  • Jean-Marc B 7 février 2013 23:33

     Le ministre de l’éducation nationale est en train de modifier les rythmes scolaires en essayant de tenir compte des rythmes de l’enfant.... soit disant.....

    Je vois très clairement la tentation de diminuer la durée de la journée passée à l’école en écartant des disciplines telles que les arts .... Cette initiation artistique pourrait être confiée à des associations après 15h30....

     Ainsi le prof des écoles (je préfère encore dire l’instit... et j’en étais un) serait dispensé, par exemple, de donner une éducation musicale à ses élèves ....

    Jusqu’à présent l’instit représente une image du citoyen qui est ouvert sur le monde et sur la condition humaine en ayant un regard multiple : le regard scientifique, par son intérêt pour les sciences dures (sciences naturelles, mathématiques....) et pour les sciences humaines (l’histoire, la géographie, la linguistique....), le regard artistique (la musique, la littérature...)... (J’oublie le regard sportif...)  Bref c’est une image de l’humaniste que l’on propose à l’enfant.

    Aujourd’hui cette approche pluridisciplinaire est peut-être remise en question. Cela m’inquiète...

    Entendons-nous bien. Je parle  d’éducation , d’éducation musicale par exemple, et non pas de formation musicale. Je parle d’une culture musicale de base qui est à relayer par des organismes de formation musicale si c’est le désir de l’élève et de ses parents. Je parle d’une pratique du geste musical, courageux gratuit et poétique. Il n’y a rien de plus beau qu’un instit qui chante avec ses élèves, même et surtout quand les difficultés sont là... Que l’instit chante tant bien que mal avec ses élèves mais qu’il chante !..... Des artistes ont eu dans certaines circonstances des comportements remarquables : Molière, Mozart et bien d’autres... Ils appartiennent à notre patrimoine et on peut évoquer leurs oeuvres et leur histoire. Ils peuvent être des repères qui aident à choisir une attitude, une conduite de vie. Chez eux, tout nous parle des misères et de la grandeur de la condition humaine .... Permettons à l’instit d’appuyer encore son enseignement sur des ressources telles que celles-là.


  • Denzo75018 8 février 2013 09:45

    « Bien des enfants » !

    Foutaises : plutôt bien des professeurs qui ont sauté sur l’occasion pour revendiquer insidieusement et hypocritement sans jamais vouloir l’afficher, une hausse de salaires !!!

    Pourtant quand on est passé des 41/2J à 4J personne n’est descendu dans la rue pour exiger une baisse de 1/9 de leur salaire !!

    Elle est belle la justice, les efforts .....(Toujours pareil : Pour les autres !!!


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