Statut du tiers exclu...
Un avant projet de loi facilitant la vie des familles recomposées et des familles homoparentales est présenté et aussitot ajourné. Un pas en avant, trois pas en arrière.
Lever de boucliers, concerts de protestations à droite de la droite. L’une fait sembler d’ignorer la différence entre autorité parentale et adoption et s’insurge contre « une façon détournée de reconnaître l’homoparentalité l’adoption par les couples homosexuels », l’autre imagine les familles homoparentales constituées « d’un père et d’une mère du même sexe », un troisième qui n’a pas hésité à fonder une entente parlementaire se permet de dénigrer en les qualifiant de lobby les associations de défense des familles homoparentales. Au final, le gouvernement cède et le projet de loi est ajourné. Pourtant on a envie de dire tout ça pour ça
On ne peut que constater la méconnaissance revendiquée des réalités vécues par les enfants au sein de ces familles et le mépris affiché à leur égard par les opposants au projet de loi. Le comble étant peut-être atteint avec le propos d’un quatrième qui, comparant le nombre de familles recomposées à celui des familles homoparentales concluait « reconnaître les familles homoparentales, c’est insignifiant ».
Rappelons tout de même que certains des parlementaires les plus opposés à l’homoparentalité sont favorables à l’insémination post-mortem. Je n’ai rien contre mais il faut tout de même remarquer que là, tout au plus une poignée de citoyens est concernée sans compter le paradoxe qui consiste à préférer donner légalement un père mort que deux pères vivants.
Les familles homoparentales existent. Tous les jours des enfants naissent du recours à une insémination artificielle pratiquée hors de nos frontières, puisque c’est interdit chez nous, et sont élevés par un couple de femmes. Des enfants sont adoptés par une seule personne alors qu’ils auraient pu l’être par un couple. Des enfants, nés du recours à une gestation pour autrui, reviennent en France avec un seul papa alors qu’ils pourraient en avoir deux. Tous ces enfants, et aussi tous ceux élevés au quotidien par des parents de fait, mais des parents sans droit, sont en déficit de protection. La loi n’a pas pour eux la même bienveillance que pour ceux qui naissent au sein de foyers hétéroparentaux. Certains enfants ont le droit d’avoir deux parents tandis que d’autres devront se contenter d’un seul. Un seul qui, s’il décède, transformera son enfant en orphelin alors qu’il y a un autre parent. Un seul dont l’enfant héritera. Un seul qui, parce qu’il est le seul et unique parent aux yeux de la loi, pourra priver l’enfant des liens qu’il aura tissé.
Une loi existe pourtant. La loi du 4 mars 2002 dit qu’en cas de divorce ou de séparation de ses parents, un enfant ne devra pas être privé de l’un d’entre eux. Mais les enfants des familles homoparentales ne bénéficient pas de cette protection.
Cette même loi permet le partage de l’autorité parentale avec un tiers. Il faut obtenir la décision d’un juge qui apprécie si les circonstances exigent ce partage. On n’est évidemment pas à l’abri de décisions prises non dans l’intérêt de l’enfant in concreto mais au nom de convictions intimes plus idéologiques. Certains couples de même sexe ont obtenu de partager l’autorité parentale. Mais dernièrement, malgré un arrêt de la cour de cassation en février 2006, confirmant que la loi pouvait s’appliquer dans le cas de parents de même sexe, le parquet fait appel de toutes les décisions positives. C’est dire à quel point la procédure est lourde. Le projet de loi cherchait seulement à alléger cette procédure.
Il allait certes améliorer le quotidien de toutes les familles où des parents de fait, qu’ils soient des beaux-parents ou qu’ils aient été présents dès avant la conception, prennent soin de leurs enfants comme les parents légaux. Mais cette amélioration est minuscule car le projet de loi ne mentionne ni la possibilité d’établir la filiation, ni l’adoption. Or, la seule protection durable du lien entre enfant et parent est l’établissement de la filiation. En effet, le partage de l’autorité parentale peut-il perdurer au-delà de la séparation du couple ? L’autorité parentale peut-elle s’exercer après le décès du parent délégataire ? et surtout, quels liens légaux subsistent-ils au-delà de la majorité de l’enfant ? Un parent de fait qui aura partagé l’autorité parentale est toujours un étranger du point de vue de la transmission de ses biens. Certains représentants d’associations familiales déplorent que le projet de loi attribue des droits sans leur imposer des devoirs. Seul l’établissement de la filiation permettrait aux parents de fait de s’engager irrévocablement et entrainerait les droits et les devoirs inhérents au fait d’être un parent.
Le projet de loi qui fait débat était donc loin d’être une révolution. Partager l’autorité parentale avec un parent de fait, c’est possible depuis plusieurs années. L’existence des familles homoparentales, 30 000 pour l’INED, 100 000 à 300 000 pour l’APGL, n’est pas non plus une révélation.
Alors qu’est ce qui met en colère les Christine Boutin, Marine Le Pen et autres Nesmes et Muselier … c’est qu’on puisse citer le mot de « famille homoparentale »… vade retro satanas, la diversité des familles ferait-elle si peur ?