vendredi 14 mai 2010 - par JFCAMPION

Technicolor (ex-Thomson) et le milliard d’euros de ses inventeurs salariés

Tous les salariés de Thomson se souviennent avec colère de cette année durant laquelle le premier ministre Alain Juppé, pour séduire le possible acheteur qu’est alors le sud-coréen Daewoo, déclare que ce qui est un fleuron national de la technologie ne vaut pas plus d’un franc. Heureusement sans succès.
 
Grâce à une recapitalisation de 11 milliards de francs (1,8 milliard d’euros), effectuée en juin 1997 par Dominique Strauss-Kahn, le ministre de l’Économie, la privatisation et l’entrée en Bourse du groupe Thomson est effectuée en novembre 1999. la valeur est alors estimée à près de 3 milliards d’euros. 
 
Entre 2004 et 2007.Thomson acquiert à grands frais 19 sociétés, régie publicitaire (Screenvision), installation d’écrans dans les magasins (PRN) ou accès à Internet (Inventel), qui n’ont guère à voir avec ses métiers de base, c’est un échec.
Mais on peut craindre que Technicolor n’abandonne progressivement toute production en France « Nous devons restructurer pour mieux vendre » pour ne conserver dans l’Hexagone que les activités rentables de recherche et développement, source intéressante de revenus et de crédit impôt recherche.
 
La seule activité vraiment rentable demeure celle des brevets du groupe. La société Technicolor (ex-Thomson) présente la particularité d’avoir positionnée l’ensemble de ses titres de propriétés intellectuelles (Brevets et marques) dans une filiale appelée Thomson Licensing créée formellement en 1999. Sur le site de Technicolor on trouve le texte suivant :
 
“The Technicolor Intellectual Property and Licensing business unit protects and monetizes the company’s extensive patent portfolio. We rank among the worldwide leaders in patent licensing for audio and video technologies.
Licensing activities generated consolidated net revenues of € 386 million in 2009.
 
The IP&L team employs about 220 people based in 13 locations, principally in France, the U. S., Germany, Switzerland, Japan, South Korea, China and Taiwan.
Rather than licensing individual patents, the Technicolor IP&L unit develops licensing programs. These enable a licensee to obtain a license covering all of our patents related to a particular application (including patents which may be filed subsequent to granting of the license).
 
We currently have approximately 1,100 licensing agreements across 14 licensing programs covering a diverse mix of video products and services.
 
Technicolor’s licensing activities were consolidated in 1999, following the integration of the RCA patent and license management business (transferred from General Electric Co.) into the Thomson/Technicolor Licensing organization. The Technicolor IP&L unit also handles trademark licensing for usage of such brands as RCA in a number of consumer electronics product categories.
 
We manage licensing of the mp3 digital music file format, with over 650 licensees to date. The mp3 format was co-developed by Thomson and the Fraunhofer Institute IIS.
As of December 31, 2009, we held approximately 42,000 patents and applications worldwide, derived from more than 6,000 inventions. We filed 460 priority applications for new inventions in 2009.
Technicolor holds significant patent positions in numerous key areas :
  • Digital decoders
  • Digital TV and HDTV
  • Optical modules for DVD and Blu-ray, disc players
  • MPEG video compression
  • Mp3 audio format
  • Interactive TV systems
  • Display technologies such as LCD, plasma and OLED
Our team of patent attorneys works closely with Research teams to identify patentable ideas, draft patent applications and track third-party usage of our patents.
 
We selectively seek new patent portfolio acquisition opportunities. The IP&L unit also manages and licenses intellectual property arising from cooperative programs with leading research institutes.”
 
Cette société génère un chiffre d’affaire d’environ 400 millions d’euros par an depuis plus de 10 années. Ces titres de propriétés intellectuelles sont le fruit de travaux de recherche réalisés au sein des filiales de la société Technicolor par ses ingénieurs et techniciens principalement localisés pour le moment en France.
 
On ignore les modalités de l’application par Thomson de l’article L611-7 du code de la propriété intellectuelle sur la rémunération supplémentaire des inventeurs salariés. Le taux de redevance dans le domaine de l’électronique grand public et dans l’industrie des télécommunications est en général de 5%. On peut donc estimer que le chiffre d’affaire généré par ces brevets est de l’ordre de 8 milliards d’euros. On peut donc estimer que la rémunération supplémentaire totale due aux différents inventeurs est de l’ordre de 400 millions d’euros depuis 1999** et de presque 1 milliard d’euros si on considère la date de 1990, date de la loi qui rend obligatoire la rémunération supplémentaire pour les inventeurs salariés.
 
Ce cas, spécifique dans son organisation de valorisation des brevets, montrent clairement l’apport en chiffre d’affaire que gênèrent les titres de propriété intellectuelle. Dans des structures d’entreprises plus classiques il est plus difficile d’évaluer aussi précisément le chiffre d’affaire directement généré par les titres de propriété intellectuelle et d’évaluer facilement la rémunération supplémentaire due aux inventeurs salariés. Il est vient naturellement à l’esprit, combien les inventeurs salariés ont perçu ? On doute que la loi ait été justement appliquée mais en toute honnêteté il faudra poser la question à Technicolor.
 
L’ancien Thomson lutte actuellement pour survivre alors ce n’est surement pas le bon moment pour les inventeurs salariés de réclamer leur du mais on espère que la direction se rappellera l’apport majeur à l’entreprise de ces inventeurs et autres salariés avant de licencier du personnel.
** 10% des redevances.
 


2 réactions


  • morice morice 14 mai 2010 11:41

    l’histoire est plombée par un individu : Thierry Breton ; l’homme qui s’était engagé à ne pas partir avant d’avoir résolu la dette de France Telecom, la veille de devenir ministre : il n’avait en RIEN « sauvé » Thomson comme on l’a dit : c’est son prédécesseur qui l’avait renfloué en rachetant une entreprise US de duplication de cassettes vidéos. Le jour où Breton verra un écran Plasma sortir de chez Thomson il affirmera « que ça ne présente aucun intérêt » : c’est ce gars-là qui aura tué Thomson, pas un autre.... 


  • emachedé emachedé 15 mai 2010 09:20

    Même topo chez France Telecom. L’argent part en fumée dans les dividendes : on est loin des 1/3 pour les actionnaires, 1/3 pour les salariés et 1/3 pour les investissements de la société

    Quant à nos gentils politiciens comme Juppé, Breton et DSK, ils ne sont que des vautours sur des carcasses. Et quand en plus, ils passent du privé au public et inversement, c’est insoutenable.
    Pratique franco-française qui est sévèrement reprimandée dans n’importe quelle autre démocratie digne de ce nom !


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