samedi 1er octobre 2016 - par razoumikhine

Vers une technologie du contrôle

Evoquer le sujet du contrôle des personnes via l'utilisation des nouvelles technologies est devenu assez courant et peut sembler irréel, futuriste et quelque peu exagéré dans son principe.

C'est finalement la position inverse qui paraîtra bientôt assez peu convaincante.

Insidieusement nous sommes de plus en plus entourés d'outils technologiques, matériels ou immatériels, toujours plus puissants et toujours plus 'intelligent'. A force de les côtoyer, nous ne les voyons quasiment plus ou en tout cas nous ne les ressentons plus comme étant intrusif dans nos vies. Ils sont devenus nos compagnons, comme une extension de nous-même.

Que nous nous en servions ou pas, ils sont autour de nous, ils sont devenus notre environnement courant.

Le plus emblématique étant bien entendu notre téléphone portable. Qui connaît quelqu'un qui désormais n'a pas de téléphone portable ? Ne pas avoir de portable apparaissait, il y a quelques années encore, comme une forme de résistance douce à l'envahissement progressif de ces nouvelles technologies mais serait considéré aujourd'hui comme une sorte d'anomalie.

On peut citer également d'autres appareils qui se sont peu à peu incrustés dans nos vies :

· les systèmes GPS dans nos voitures,

· les caméras de surveillance que nous ne remarquons même plus (combien de fois dans une journée apparaissant nous sur un écran de télé-surveillance ?),

· les appareils photos numériques,

· les box internet, l'internet en lui-même,

· les montres connectées désormais,

· les ordinateurs et leurs logiciels que nous ne percevons même plus comme des matériels technologiques tant nous les utilisons,

· les consoles de jeux vidéo,

· la télévision,

· les chaines hi-fi,

· les casques de réalité virtuelle qui commencent à apparaître...

· et bien sûr les satellites, dont nous finissons par oublier l'existence,

J'en oublie beaucoup et ne cite que les plus courants pour chacun d'entre nous.

Tous ces appareils sont désormais basés sur la technologie numérique et peuvent donc s'interconnecter et échanger des données. C'est d'ailleurs sûrement là la vraie révolution, passée quasiment inaperçue.

 

On peut citer également les nombreuses cartes (bancaire, de réduction, de télé-péage, d'assurance maladie, ..bientôt d'identité) que nous possédons et qui sont de plus en plus basée sur une puce électronique et la technologie RFID (accès des données à distance proche).

Les cartes bancaires alimentent ainsi des bases de données qui enregistrent des éléments personnels nous concernant et permettent de définir une typologie de la personne et par là-même un comportement type.

L'ensemble de ces appareils dans leur ensemble sont ainsi capables de regrouper un certain nombre d'informations personnelles, financières, comportementales, économiques, ...dans de gigantesques bases, dont nous avons du mal à imaginer la taille et les interconnections possibles, ce que l'on appelle désormais le big data.

 

Qui est propriétaire de ces bases de données ? Sur quel fondement juridique des données personnelles peuvent-elles appartenir à quelqu'un ? De quelle manière l'Etat, de par sa fonction régalienne, peut-il avoir accès à des bases commerciales ?

Cette évolution, tout comme la puissance de nos ordinateurs, n'est pas linéaire mais presque exponentielle. Elle va donc très, très vite et nous avons du mal à analyser son développement et sa progression tant ils sont rapides.

Tous ces appareils sont capables d'enregistrer et de conserver des données qui nous concernent.

On constate ainsi que les données laissées ou données sur les sites sociaux ou commerciaux peuvent être conservées et utilisées quasiment sans limitation de durée. Les utilisateurs de ces sites n'ont déjà plus la maîtrise de leurs informations. Même cet article est désormais intégré dans la toile de manière quasi définitive. L'internet qui paraît très volatil apparaît au final comme plus dur que le marbre.

On oublie parfois qu'un système GPS est capable de définir notre zone territorial, car finalement nous fréquentons toujours plus ou moins les mêmes endroits et nous sortons peu de 'notre' territoire (notre maison, notre travail, nos zones de loisir, …). Il serait donc potentiellement possible de définir pour chacun d'entre nous une zone de fréquentation habituelle.

Toute sortie hors de cette zone serait considérée comme une anomalie par le système de contrôle.

Globalement cela permettrait de détecter les individus se déplaçant beaucoup et qui de ce fait sont potentiellement dangereux.

 

Car tout comportement inhabituel peut finalement être considéré comme suspect.

 

Il existe également un fort développement des technologies de reconnaissance faciale aidé en cela par le développement des systèmes d'intelligence artificielle.

Ces nouveaux systèmes de reconnaissance sont désormais capables de détecter un comportement agressif envers une autre personne.

On peut imaginer ce que ces systèmes seront capables de déceler dans quelques années avec l'amélioration des optiques de caméra (focus, précision, détection thermique, analyse des mouvements,...) et des systèmes d'intelligence artificielle.

Il devient également possible de repérer quelqu'un via les systèmes de radiofréquence :

· repérage d'ondes émises par un téléphone portable

· ou bien incluse dans une carte d'identité électronique

 

On songe également à l'utilisation des systèmes biométriques dont l'utilisation va sans aucun doute s'intensifier notamment pour l'accès à des sites sécurisés que ce soit des sites internet ou bien des sites tels que des banques voir des magasins ou des administrations.

La lutte contre le terrorisme sera mise en avant pour développer l'utilisation de tels systèmes.

Une société qui a peur est demandeuse de tels systèmes de contrôle qui dans un premier temps apparaissent bénéfique car permettant de sécuriser des lieux.

Mais c'est désormais l'ensemble de la population qui est contrôlé afin de cibler ses éléments à risque.

On doit aussi s'interroger sur la fiabilité de tels systèmes de contrôle car une erreur pourrait avoir des effets dramatiques pour la personne qui la subirait.

Des hackers qui auraient accès à ces données pourraient les utiliser à des fins commerciales ou bien pour des escroqueries, comme cela est déjà le cas pour les vols de numéro de carte bancaire ou de numéro de sécurité sociale.

Par ailleurs, la durée de conservation des documents pose également un problème et peut être vue comme une intrusion dans la vie privée des personnes (déplacement des personnes, rencontres, mails personnels, ...).

La société Google, on ne le sait pas forcément, analyse tous les mails envoyés et reçus via sa messagerie Gmail pour y détecter des mots clés qui seront utilisés pour déterminer les goûts (et les opinions ?) de chaque utilisateur et définir ainsi des profils type. Elle peut le faire car l'utilisateur lui en a donné l'autorisation lorsqu'il a accepté et validé les conditions d'utilisation de la messagerie Gmail, sans s'en rendre forcément compte.

Ces systèmes de surveillance qui sont donc à la base présentés comme devant aider à protéger et à sécuriser les personnes pourront au final avoir des effets hautement néfastes tant du point de vue des libertés des personnes que de la protection de leur vie privée.

 

Il s'agit dans ce cas de trouver le bon équilibre en matière de contrôle afin de ne pas tomber dans des excès qui remettrait en cause notre liberté d'expression et d'action ainsi que notre autonomie face à un Etat tout puissant ou même face à des sociétés commerciales utilisant ces données pour discriminer des personnes. Ainsi des mutuelles santé pourraient utiliser des bases de données pour sélectionner les personnes les moins à risque et rejeter les autres.

Il serait donc intéressant et même nécessaire qu'une commission regroupant des experts, des scientifiques, des philosophes, des membres d'association et des personnes de la société civile soit créée afin de réfléchir ensemble sur les modalités de mise en place et d'utilisation de tels systèmes de contrôle.

De manière plus générale, on constate que cette évolution se fait quasiment d'elle-même, sans évolution définie ni orientation. Les instances politiques se sont désengagées de tout contrôle et de toute réflexion sur ce type d'évolution sociétale. On assiste à un abandon de l'Etat sur ces questions. On le constate pour de nombreux autres sujets et c'est là une bien triste constatation.

 



14 réactions


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 1er octobre 2016 15:16

    Enregistrer une quantité incommensurable de données est une chose, avoir la capacité de les analyser et les exploiter en est une autre. Je connais quelqu’un aqui a fait desdixaines de milliers de photos et ne retrouve pas celles de son dernier anniversaire.


    • Pierre-Yves Martin 1er octobre 2016 20:37

      @Jeussey de Sourcesûre
      Ce qui définit les ordinateurs c’est d’abord leur capabilité de stocker, d’indexer les informations et d’y accéder.
      Ce qui permet d’exploiter le big data, ce sont des logiciels très rodés et très efficaces. J’ai connu personnellement une des prémisses au début des années 1990 ; mais c’est parfaitement courant maintenant.
      Quant à l’exploitation de contenus non formatés (textes libre), ce n’est plus un problème depuis longtemps. C’est bien moins difficile que de rassembler des dizaines, voire centaines, de photos où apparaît une même personne, ce que des sites font sur Internet pour le grand public.
      Tout l’art est dans l’exploitation de très grands volumes de données. Dans le temps, j’ai été un peu du métier. Or, si je sais que ces outils sont très puissants, je n’ai pourtant qu’une vague idée de ce qu’ils font vraiment.
      En tout cas, rien à voir avec votre ami qui a mal indexé ses photos.


  • zygzornifle zygzornifle 1er octobre 2016 16:24

    Faut être migrant pour être a l’abris de cette débauche technologique .....


  • Pierre-Yves Martin 1er octobre 2016 19:44

    La loi U.S., qui est maintenant celle du monde entier, stipule que celui qui détient légalement une information sur ses systèmes, fut-ce seulement à l’occasion d’un transfert instantané, en devient propriétaire.
    En ce qui concerne Google, par exemple, ils ne se contentent pas de stocker les courriels gmail mais tout ce qui d’une façon ou d’une autre transite par leurs systèmes (et donc aussi par Paypal, Youtube et bien d’autres). En ce qui concerne les courriels, en particulier, ils utilisent toutes les adresses qui figurent sur ceux-ci et donc chaque courriel leur donne des informations sur 2 à n intervenants. Et je suppose que cela va encore beaucoup plus loin. N’oublions jamais que c’est de l’exploitation de ces données qu’ils vivent et que cela fait d’eux une des entreprises les plus riches du monde.


  • sls0 sls0 2 octobre 2016 04:36

    Mon prénom c’est Philippe.
    Pour mon GSM quand la compagnie appelle elle m’appelle Ignacio.
    Pour le wifi qui sert aussi pour le quartier, on m’appelle Joanna.
    Pour mon 4G qui me sert dans la cambrousse je m’appelle Kevin.
    Je n’ai pas fait cela volontairement mais les locaux ça les dérange moins que moi de faire la queue, s’ils peuvent papoter, une heure ne leur fait pas peur. J’ai rien à mon nom du coup.

    Je ne suis pas causeur, mon forfait GSM c’est 400’ (un pays de causeurs), c’est tout le quartier qui bouffe le forfait.
    40 ans à être d’astreinte ça vous écoeure un peu du téléphone, le mien est souvent en position avion et encore plus souvent éteint. Je l’allume quand j’ai besoin d’un outil du smartphone et je le laisse communicant quand j’ai des données à transmettre.
    Il ne doit pas être bien fameux mon profil chez google.
    J’ai un compte chez eux comme tout le monde, on peut bloquer pas mal quand même.
    J’ai aussi un compte ailleurs, payant et plus discret.
    J’ai un compte par profil d’utilisation ce qui me permet un trie plus rapide du courrier.
    JavaScript bloque l’intrusif sur internet et en google je n’emploie que google scholar.

    Je ne cherche pas à me cacher mais je ne suis pas exhibitionniste.

    Les impôts français connaissent mon adresse c’est suffisant pour être en règle vie à vie de la France et ici je suis un n° de compte en banque.
    Je vais assez souvent à Puerto Rico pour faire des courses, je rentre souvent dans la zone US de ce fait, la dernière fois que je suis allé aux USA c’était encore plus rapide qu’en Europe, je suis devenu transparent à force d’être dans leur système.

    L’année prochaine je change de pays de résidence pour une histoire de cout de carte de résident sans déménager.

    Pour google j’existe certainement, ils savent que je suis terrien, pour consulter des sites réservés aux résidents locaux, je doit changer d’adresse IP, allez donc savoir où je suis, je ne sais même pas moi-même. La dernière fois j’ai voulu regarder un replay sur la 5, je dois être en France, avant j’étais aux USA, toujours cette histoire d’être bloqué pour les replay.

    On cherche à espionner ou les gens sont trop exhibitionnistes ?


  • Francis, agnotologue JL 2 octobre 2016 10:23

    Le plus grand danger me semble être l’erreur judiciaire. Je m’explique :

     
    Un jour, sur la route des vacances, un gendarme m’a arrêté. Je n’avais rien fait de contrevenant, et je lui ai demandé la raison de cette interpellation. Il a répondu, en faisant le tour de la voiture : « on trouve toujours quelque chose ». A la fin de son inspection, il m’a demandé mes papiers. Là, un sourire est apparu su son visage : nous avions le même département de naissance ! Il nous a laissé partir en nous souhaitant bonne route.
     
    Avec toutes ces données en sa possession, le pouvoir n’aura qu’à se servir, les coupables ne manqueront pas : « on trouve toujours quelque chose ».

    • Francis, agnotologue JL 2 octobre 2016 12:00

       De fait, il s’agit d’une variante opérationnelle dès aujourd’hui, de « Minority report » : on ne vous arrêtera pas avant que vous ne commettiez un crime supposé, mais les preuves des crimes qui vous seront imputés sont déjà inscrite à charge contre vous.
       

       Génial !

    • Francis, agnotologue JL 2 octobre 2016 12:28

       De fait, il s’agit d’une variante opérationnelle dès aujourd’hui, de « Minority report » : on ne vous arrêtera pas avant que vous ne commettiez un crime supposé, mais les preuves des crimes qui vous seront imputés sont déjà inscrites à charge contre vous.
       

       Génial !

  • gogoRat gogoRat 2 octobre 2016 11:20

    "trouver le bon équilibre en matière de contrôle afin de ne pas tomber dans des excès qui remettrait en cause notre liberté d’expression et d’action ainsi que notre autonomie face à un Etat tout puissant ou même face à des sociétés commerciales utilisant ces données pour discriminer des personnes« 
     
     
     Sans compter que la pire des inquiétudes à avoir est d’une tout autre nature : philosophique et existentielle.
     
     Pour faire court, rappelons cette remarque de l’article Wikipédia traitant du »transhumanisme" :

     

    Les transhumanistes pensent que les biotechnologies, nanotechnologies, et d’autres technologies rendront possible une nouvelle forme d’Humanité qui, paradoxalement, sera composée d’autre chose que des humains.

     

    La transplantation des identités humaines dans des superordinateurs (ou, symétriquement, l’intégration de facultés artificielles surdéveloppées dans des corps humains) impacterait à la fois les domaines culturels, créatifs et décisionnels.


     On sait par ailleurs que, factuellement, au moins une société comme Google investit des sommes, compétences, et moyens considérables en recherche et développement concernant un objectif de prolongation de la vie humaine.
     Si l’on ajoute à cette remarque que des illuminés de haut vol visent à une transmutation de la vie (de toutes les vies) humaine sous une forme numérique (pour l’immortaliser dans l’espace-temps au-delà du crash prévu entre notre voie lactée et Andromède) ...


  • zygzornifle zygzornifle 2 octobre 2016 16:25

    il n’y aura bien entendu que les politiques qui échapperont a toute cette surveillance ......


    • Francis, agnotologue JL 2 octobre 2016 16:29

      @zygzornifle
       

      ’’il n’y aura bien entendu que les politiques qui échapperont a toute cette surveillance ......’’
       
       Bah ! Tout dépend de leurs capacités de nuisance et des personnes à qui elle pourraient nuire. Regardez Strauss-Kahn !

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