mardi 13 janvier 2009 - par François Guillot

10 mythes du web 2.0

Ah, le web 2.0… Il va vite, très vite, trop vite. Et ce qu’on en dit aussi : dans le web 2.0, les blogs sont “influents” ; le journalisme est “citoyen”, le marketing est “viral”…

Depuis environ 4 ans, de nombreux mythes ont jalonné les discours sur les médias sociaux. On est revenus de certains, mais d’autres ont la dent dure. Petite revue de 10 mythes du web 2.0, dans le désordre.

[Edit : le mot "mythe" est fort. Certains mythes ne sont peut-être que des "idées reçues" : l’exercice d’en sélectionner 10 oblige à grossir le trait. Ce billet n’a pas pour objectif de tomber dans la caricature inverse et de dire que la réalité se situe dans l’inverse des mythes tels que je les formule. Chacun des 10 points que je présente ici renvoie à une réalité, mais une réalité souvent exagérée. L’idée est donc d’introduire de la nuance, de réajuster, de "remettre les choses à leur place".]

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1. « Wikipédia est aussi fiable que Britannica. »

C’est le mythe sur lequel Wikipédia a bâti toute son image et sa crédibilité. La source paraît infaillible : c’est une étude de la très sérieuse revue Nature qui le dit : en comparant Wikipédia et Britannica, on trouve moins d’erreurs dans le premier que dans le deuxième.

Pourtant c’est archifaux. Relisez ce billet d’Emmanuel qui explique pourquoi.

2. « Le Drudge Report est plus fort que le New York Times. »

L’idée est séduisante : le Drudge Report, cette page de liens qui incarne à merveille ce qu’on appelle le linkjournalism ou Journalisme de Liens, aurait réalisé davantage d’audience que le New York Times pendant la nuit des élections américaines (arrivé 6ème des audiences Internet selon Hitwise). Sans budget, sans équipe…

C’est Yohann, un commentateur chez Narvic (le #9), qui m’a mis la puce à l’oreille : « Les seuls classements où Drudge arrive en tête, ce sont les classements basés sur les pages vues, où il n’a pas de mal à arriver premier vu qu’il est le seul à s’auto-rafraîchir toutes les trois minutes ».

Le Drudge Report, ça marche — et de façon même assez étonnante —, mais pas dans les proportions que l’on a décrites. On peut aussi comparer une estimation du trafic NY Times / DR ici.

3. « Sur Internet, c’est facile de faire du participatif. »

Les internautes commentent sur les blogs, postent des photos sur FlickR, des vidéos sur YouTube, construisent Wikipédia… Le web 2.0 donne la possibilité à tous de participer à la production du contenu, c’est donc facile de faire du participatif.

Un raisonnement souvent tenu par les annonceurs, parfois mal conseillés. Résultat : combien de blogs de marques sans aucun commentaire, de sites soi-disant participatifs, de concours désertiques ?

On ne répètera jamais assez que la participation active est le fait d’une minorité. On ne génère pas de la participation en claquant des doigts (ni de l’audience d’ailleurs). A relire : ce tableau de McKinsey qui montre la proportion d’internautes actifs dans les grandes plates-formes web2 (Wikipédia, YouTube, FlickR, Felicious…) ainsi que l’étude de Rue89 sur la participation de son lectorat.

On y voit très clairement que “the many benefit from the few” : sur FlickR, 2% des utilisateurs génèrent 95% du contenu ; sur YouTube, 6% génèrent 95% ; etc.

4. « Avec Internet, chacun peut devenir journaliste. C’est le journalisme citoyen. »

L’expérience Agoravox le montre : le journalisme citoyen produit avant tout de l’opinion — et beaucoup moins d’information brute.

Normal : chacun n’a pas sous le coude une pile de scoops à révéler ; produire de l’information, cela suppose du temps, des méthodes, des moyens. Le journalisme est un métier.

Je ne saurai pas mieux faire que de vous renvoyer à cette remarquable note d’Aurélien Viers sur la question du journalisme citoyen. Depuis 4 ans, on se trompe de vocabulaire : ce qu’Internet permet, ce qui a le vent en poupe, ce sont les témoignages participatifs.

5. « Les blogs influents. »

Des 10 mythes, c’est sans doute le plus durable, car le moins faux. On en a parlé, reparlé, on a discuté, disserté, analysé… Il existe plusieurs formes d’influence des blogs, de la capacité de nuisance à la capacité de rectification, les search, les scoops, les communautés ou l’influence auprès de leaders d’opinion comme des journalistes…

Mais écrire un blog, ça ne veut pas dire avoir un public ; ni être audible ; ni être écouté. Bref, prendre la parole, ce n’est pas prendre le pouvoir. Et on a certainement tendance à exagérer l’influence réelle de beaucoup de blogs qui fonctionnent dans l’entre-soi.

6. « L’UGC prend le pas sur les contenus professionnels. »

Les mythes liés à l’UGC sont nombreux : leur qualité, leur emprise sur le web…

Mais dans l’immense masse de contenus générés par les utilisateurs, une faible proportion sont de bonne qualité. Et voici 3 exemples pour illustrer le fait que l’UGC ne prend pas nécessairement le pas sur les contenus professionnels :

- Au niveau de la vidéo, Youtube et DailyMotion ont construit leur audience sur la republication de contenus professionnels (avec ou sans les droits) plutôt que de contenus amateur. Wat a de son côté renoncé à faire de l’UGC son coeur de business.

- Au niveau médias, l’expérience Rue89 est éclairante : le site a ouvert une brèche entre le journalisme et l’UGC, en proposant le concept de l’info à 3 voix : journalistes, experts, citoyens. Autrement dit, du journalisme et de l’UGC encadré et validé par des journalistes.

Avec l’exigence journalistique qui est la sienne, le constat de Rue89 a rapidement été que peu de contenus amateurs était publiables : les contenus de journalistes ont toujours été dominants dans le site, causant un conflit avec Mikiane, l’un des fondateurs. Ce soir, je prends la home de rue89 : 12 des 16 articles du « fleuve » sont signés de journalistes ou assimilés.

- Au niveau des marques, on dit souvent que les contenus UGC sont plus visibles que les contenus officiels. C’est parfois vrai, parfois faux : quand on tape les noms des grandes marques dans les moteurs de recherche, les contenus officiels restent les plus accessibles.

7. « Le marketing viral, ça cartonne. »

Ah, le mythe de la publicité gratuite… C’est un mythe qui s’est assez largement dégonflé maintenant, mais on a connu une période où le marketing viral était le graal de la communication en ligne pour les annonceurs. On fait une vidéo rigolote ou sympa, et ça buzze.

Résultat : une profusion de campagnes de faible qualité qui n’ont jamais décollé de là où on les avait mises. Le cimetière du web est plein de campagnes virales. D’après Jupiter research, 15% des campagnes virales atteindraient leurs objectifs. D’après Georges Mohammed-Cherif (Buzzman), qui a signé quelques unes des campagnes les plus virales de ces dernières années, il y a une dizaine de campagnes vraiment virales par an.

Et ce n’est pas parce que l’on devient viral que c’est gagné : encore faut-il que cela serve réellement les intérêts de la marque.

8. « L’audience des médias traditionnels se dégrade. »

Pour la presse écrite, c’est très clair : baisse constante de la diffusion de la presse depuis 2000.

Mais pour la radio et la télévision, c’est moins évident. Le temps passé devant la télévision a même progressé d’une minute au dernier pointage : 3h28 par personne en octobre 2008. Aux Etats-Unis, la TV est à son plus haut historique.

9. « La confiance dans les médias traditionnels se dégrade. »

Pas en France en tout cas. Malgré les discours ambiants, malgré les affaires, la question de l’indépendance, les relations entre actionnaires et groupes médias, entre le pouvoir et les patrons de rédaction…

Non pas que la confiance dans les médias traditionnel soit élevée. Mais depuis 2000, les études ne montrent pas qu’elle a fondamentalement évolué : un peu moins bien par ci, un peu mieux par là…

Un aperçu de l’évolution de la confiance dans les médias telle que la mesure TNS Sofres pour la Croix et Logica, depuis plus de 20 ans, ne montre pas d’évolution majeure dans les années 2000 : les taux de confiance dans la presse écrite, la radio et la télévision sont supérieurs ou égaux à leurs niveaux de 2000. Et en 2009, toutes les catégories de médias voient leur côte de confiance remonter. C’est dans les années 90 que la confiance dans les médias s’est affaissée. cela mérite une petite image :

confiance-medias-2009

10. « Obama a construit sa victoire sur le réseau de petits donateurs. »

On l’a vu un peu partout : Obama aurait amassé plus d’argent via ses petits donateurs que via les gros donateurs. Un véritable effet longue traîne avec un bénéfice important : une moindre dépendance aux lobbies, grâce à des dizaines de milliers de petits donateurs ayant mis la main à la poche dans la mesure de leurs moyens (petit donateur = moins de 200 $).

Le problème, c’est que c’est faux, révèle le Campaign Finance Institute, un organisme indépendant. Les petits donateurs n’auraient représenté que 26% des finances d’Obama… soit approximativement la même proportion que les petits donateurs de Bush en 2004. Avec 210 millions de $ en provenance de gros donateurs et 120 millions de $ en provenance de petits donateurs, on est dans des proportions classiques.

La confusion vient du fait que beaucoup de donateurs ont fait plusieurs petits dons. Si je donne 6 fois 50 $, je fais 6 fois un petit don, mais à l’arrivée, je ne suis plus un « petit » donateur, ayant dépassé les 200$.

[Comment ça, le mythe n°10 n’est pas un mythe 2.0 ? avec les mots-clé « Obama » et « Longue Traîne », ça a sa place ici non ?]

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Voilà pour les 10 mythes qui me viennent à l’esprit. Il y a en a sans doute beaucoup d’autres (par exemple, j’ai évité le mythe de la “conversation” qui a déjà été évoqué sur ce blog dans un billet plus ancien ; on aurait aussi pu écrire “sur Facebook, tout le monde voit votre vie privée”). J’attends avec impatience que vous complétiez la liste ou que vous vous offensiez de ce que vous venez de lire…



22 réactions


  • Alain Michel Robert Alain Michel Robert 13 janvier 2009 23:03

    Bon jour François,

    Merci pour votre article sur lequel je suis resté plus d’une heure... à cause de tous les liens à aller voir.
    C’est très instructif.

    En 4, vous dites : "L’expérience Agoravox le montre : le journalisme citoyen produit avant tout de l’opinion — et beaucoup moins d’information brute." C’est vrai... et c’est justement pour ça que je passe autant de temps sur Agoravox !
    Face à la pensée unique débitée à longueur de page et d’image jusqu’à la nausée, Agoravox est pour moi un havre de polémiques et d’opinions diverses et variées. La qualité des commentaires (une fois qu’on a appris à repérer les trolls et autres) y est très appréciée... aussi.

    Je n’en peux plus du ton journalistique !
    Même Rue 89 me gonfle parfois avec cette manière que les journalistes ont de parler tous de la même façon, formatés à la même école, nivelés débitant la même vision, les mêmes jeux de mots, les mêmes tournures de phrase... on dirait des curés qui répètent le même discours avec le même ton de voix, les mêmes expressions, les mêmes appuiements sur certains mots... à chaques messes.
    A Agoravox je respire de l’air neuf... et ça me fait du bien à mes neurones.

    Alors, bien sûr ça ne m’empèche pas d’aller chercher des infos sur d’autres sîtes (Yahoo, Rue 89, La Télé Libre, De source sûre, Backchich... etc...) mais je reviens toujours à AVox pour, justement, avoir de "l’opinion" autre...


    Sur un des liens que vous nous donnez (Aurélien Viers), il y a un très bon commentaire à son article concernant le terme "Journaliste citoyen" et la définition de l’amateur. Je ne résiste pas à en faire un copié/collé ci-dessous :


    "

    Je tiens à me porter à la défense de « l’amateur ». Je ne suis pas d’accord avec l’idée que tous les journalistes citoyens se reconnaissent comme des professionnels.

    « Amateur » vient du latin « amator » qui signifie « celui qui aime », de amare (Aimer). Un amateur est donc une « personne qui aime, cultive, recherche (certaines choses, certaines activités) ». (Le grand Robert de la langue française).

    Personnellement, je me considère comme un amateur. Je n’ai pas de diplôme en journalisme qui pourrait me conférer le titre de professionnel. Mais cela ne m’a pas empêché d’écrire des articles, des reportages, des dossiers, des chroniques et même des éditoriaux pour plusieurs médias reconnus depuis mon adolescence.

    À mon avis, le journaliste citoyen demeure un amateur. Et je n’y vois rien de péjoratif, au contraire. L’amateur agit ici à titre de citoyen concerné. Il vient en quelque sorte contrebalancer le silence de tous les autres.

    Le journaliste citoyen est aussi utile que l’est l’amateur de vin. Et je n’ai pas entendu ni l’un ni l’autre prétendre être des professionnels.

    Dans notre société, les professionnels et leurs corporations occupent presque toute la place. Dès qu’un amateur se pointe, ils le dévalorisent. Plier sous la pression en acceptant de changer le titre de l’amateur, de journaliste citoyen à témoin participatif, c’est jouer le jeu de ceux et celles qui contrôlent l’information et qui cherchent à sauver leurs emplois par tous les moyens face à l’internet où l’amateur pratique son loisir.

    Il y a dans le terme « journaliste citoyen » un exercice de démocratisation des sources d’information, résultante directe de l’accès à Internet. Le journaliste citoyen n’est pas un témoin participatif, il est un acteur. C’est le journaliste professionnel qui devrait être un témoin, c’est-à-dire impartial, sans partie pris. Malheureusement, le journaliste professionnel participe un peu trop aux événements à mon goût. Il s’est éloigné de la catharsis intellectuelle nécessaire à son impartialité.

    Le journaliste professionnel nous offre une fausse représentation du monde parce qu’il affuble les vérités de faits de différentes opinions dont le choix l’éloigne d’emblée de l’objectivité.

    Le journaliste citoyen ne prétend pas à cette objectivité déontologique professionnelle. Il prend tout simplement la parole. Et s’il témoigne, c’est uniquement pour illustrer son propos.

    Enfin, qui a dit que tout le monde ou n’importe qui pouvait désormais être journaliste citoyen ? C’est une conclusion erronée tirée de l’invitation populaire des médias citoyens. Ces derniers invitent bel et bien tout un chacun à soumettre des textes. Comme je peux inviter tout le monde à écrire un livre, à devenir amateur de jardinage, amateur de gastronomie, etc. L’invitation générale est lancée pour souci de démocratie et c’est bien ainsi car elle encourage les uns et les autres à avoir confiance en eux si le journalisme les intéresse. Or, d’une part, tout le monde ne s’intéresse pas au journalisme et, d’autre part, ceux et celles qui s’y intéressent ne prétendre pas d’emblée être des professionnels. Ce sont les médias professionnels qui ont fait le rapprochement entre « journalisme citoyen » et « professionnel » venant une fois de plus fausser la perception de la population.

    Au plaisir,

    Serge-André Guay, président éditeur
    Fondation littéraire Fleur de Lys


    "

     



    • ronchonaire 14 janvier 2009 12:59

      Votre commentaire est faux : AgoraVox sert simplement à remplacer une pensée unique par une autre. Il n’y a qu’à analyser en détail les taux d’opinions positives et négatives des articles et des commentaires pour s’en convaincre : environ 80% de la faune d’AgoraVox partage les mêmes opinions sur quasiment tous les sujets ; même sur les forums du Monde ou du Figaro, vous n’obtenez pas une telle uniformité des opinions ; c’est dire !

      Cela permet d’ailleurs de dresser assez facilement le portrait de l’agoravoxien dominant : politiquement à gauche du PS, persuadé que les attentats du 11 septembre étaient une conspiration du gouvernement américain, anti-américain, anti-israëlien, pro-Chavez, pro-Castro, anti-européen, anti-capitaliste, opposé au libéralisme économique, etc.

      Dans ces conditions, les rares "polémiques" qui peuvent parfois apparaître sont le fait de quelques participants (qui se comptent en dizaines, sur les milliers de rédacteurs et commentateurs revendiqués par le site) qui sortent du moule que je viens de définir et qui en prennent régulièrement plein la gueule parce qu’ils ont le malheur de penser que Castro n’est pas un bienfaiteur de l’humanité et que l’Europe, quoi qu’on en dise, reste un espace infiniment plus démocratique que le Vénézuela. Pour le reste, l’immense majorité des commentaires ne sert aux commentateurs qu’à féliciter l’auteur de penser comme eux à le remercier de les conforter dans leurs convictions ; strictement inutiles, donc, et d’une consanguinité intellectuelle assez désespérante.


    • l'homme pressé l’homme pressé 14 janvier 2009 13:40

      Complètement d’accord avec Ronchonaire
      Sur Agoravox, bon nombre de rédacteurs et commentateurs se réclament du journalisme citoyen, alors que ce n’est que de l’ "opinion citoyenne".
      Le journalisme c’est bien autre chose que les sempiternels clichés des JT-de-20-heures et des journalistes-vedettes. Journalisme, c’est avant tout une déontologie et des méthodes de travail : s’informer, vérifier, recouper, corréler, ...

      J’aime bien venir sur Agoravox lire "ce qui se dit" sur les sujets d’actu. Ca m’évite de passer du temps aux comptoirs des bistrots pour entendre les mêmes choses. De temps en temps, malgré tout, je réagis aux bêtises les plus ahurissantes mais dans l’ensemble je reste spectateur...
      D’ailleurs, semaine après semaine, je constate que la proportion de ces billets d’humeur croît tandis que diminue en parallèle la part des véritables articles qui méritent le nom de travail journalistique (si, si, il en reste quelques-uns)

      Agoravox, reste un espace utile et intéressant, mais la seule chose sur laquelle on s’y informe - avec la réserve mentionnée ci-dessus - c’est l’état de l’opinion publique.


    • miwari miwari 14 janvier 2009 15:43

      @ronchonaire

      "Il n’y a qu’à analyser en détail les taux d’opinions positives et négatives des articles ..."

      • Rien ne vous empêche d’inviter vos amis à s’inscrire.

      @ l’homme pressé
       
      "Journalisme, c’est avant tout une déontologie et des méthodes de travail : s’informer, vérifier, recouper, corréler, ... "
       
      Ouille vous faites du mal à beaucoup de "journalistes attitrés " avec diplôme et tout le tralala il faut vite les prévenir parce qu’eux ils pensaient que c’était facultatif ce que vous mettez là !

      Sérieusement, vous en connaissait vous un journal de droite comme de gauche ou "informer, vérifier, recouper, corréler" sont pratiqués à part le "canard" peut être !


    • l'homme pressé l’homme pressé 14 janvier 2009 16:15

      @miwari
      Je comprends qu’il soit tentant de tomber à bras raccourcis sur le dos des ’journalistes attitrés’, mais évitons la facilité, si vous voulez bien.
      Pour avoir été pigiste quelque temps, je sais qu’un véritable travail de journaliste demande du temps et du travail. Le prix qu’on vous paye votre article est fonction (pour l’essentiel) du nombre de signes, pas du temps que vous y avez passé.
      Alors le calcul est simple : pour gagner de quoi vivre, un pigiste a intérêt à rendre chaque mois 10 articles plutôt que 5, donc à y passer 2 fois moins de temps.

      Et encore à ce prix-là faut-il que son article et la publication qui l’héberge soient lus ! Si ce que vous écrivez n’intéresse pas grand-monde, vous serez vite obligé de rentrer dans le rang et de faire un papier sur la grossesse de Rachida Dati, la neige en janvier ou l’investiture d’Obama ; je cite volontairement des sujets qui sont des non-événements...
      Vous savez sans doute que la ’grande’ presse est très majoritairement rédigée par des pigistes ?

      Le journalliste-citoyen, lui, est censé faire du travail d’amateur ; c’est-à-dire que n’ayant pas besoin de ça pour vivre, il peut prendre le temps de vérifier, recouper, etc... plutôt que de recopier les dépêches d’actu.

      Observez ce qui se publie sur AV. A votre avis, est-ce que ça répond à une telle définition du journalisme-citoyen ?

      Cordialement


  • japarthur 13 janvier 2009 23:45

    Très intéressant, concis. Bravo.


  • 14 janvier 2009 09:47

    L’article est parfois intéressant mais à trop vouloir chercher les profits de distinction, vous finissez par tordre le baton dans l’aute sens à plusieurs reprises.

    L’enquête des étudiants de Sciences Po sur Wikipedia par exemple, sera perçue comme une fumisterie manipulatrice pour quiconque a quelques notions concernant les méthodes de recherche en sciences sociales.

    Même si l’on peut admettre qu’Agoravox produit des témoignages plus que du journalisme (terme qui englobe une diversité quand même peu commode à appréhender...), il faut se garder de dire que l’un est supérieur à l’autre. Vous ne le faîtes pas vraiment, mais quand vous dîtes "attention ce n’est pas du journalisme, ce ne sont QUE des témoignages", on sent que vous êtes tentés par le glissement...


    • François Guillot François Guillot 14 janvier 2009 12:20

      Enorme votre commentaire puisque vous me prêtez des propos - entre guillemets - QUI NE SONT PAS CEUX DE L’ARTICLE. Il faut oser.


    • Traroth Traroth 14 janvier 2009 14:17

      D’accord concernant le livre des étudiants de Sciences-Po, largement inspiré par leur professeur, Pierre Assouline, opposant déclaré de Wikipédia, qui l’a d’ailleurs préfacé. Assouline va même jusqu’à citer dans sa préface le blog "Observatoire de Wikipédia" d’Alithia, un torchon s’opposant à Wikipédia sur à peu près tout et le plus souvent bêtement. Pas vraiment un gage de sérieux ou d’objectivité de la part d’Assouline ou de ses étudiants.


    • François Guillot François Guillot 14 janvier 2009 14:31

      Pour autant, ce n’est pas pour ça que Wikipédia est aussi fiable que Britannica. Car le mythe sur lequel Wikipédia a construit une bonne partie de son image, c’est bien celui-là, à la suite de l’étude de Nature...


    • Traroth Traroth 14 janvier 2009 14:47

      Effectivement, Wikipédia n’est pas aussi fiable que Britannica. Mais je ne pense pas que cette opinion largement répandue ait grand chose à voir avec Nature (ce qui est certain, en tout cas, c’est que les dirigeants de Wikipédia n’ont rien fait pour ça. Au contraire, ils se sont toujours méfiés de cette étude), mais plutôt avec une forme de paresse intellectuelle : les gens cherchent le plus souvent des données factuelles simple (genre : quelle est la capitale du Zimbabwé ?), trouvent des informations satisfaisantes sur Wikipédia et finissent par prendre ce qui y est écrit pour argent comptant. Cela dit, désolé de parler (encore) comme un wikipédien, mais il ne faudrait prendre aucune information pour argent comptant, pas plus celles trouvées sur Britannica que celles trouvées sur Wikipédia.


    • Traroth Traroth 14 janvier 2009 15:35

      L’aspect fluctuant est déjà un problème en soi. Un article de Wikipédia peut régresser, au moins temporairement, de manière catastrophique. Pour être une référence, il faut un certain nombre de conditions, et une certaine stabilité en est une. Comme indiquer à quelqu’un une citation en.... référence si on n’est même pas sûr que le passage en question sera encore là quand la personne ira voir ? Evidemment, on peut toujours mettre un permalink, sauf que personne ne le fait.


  • Piotrek Piotrek 14 janvier 2009 10:37

    De plus, l’infrastructure theorique du web 2.0 a du mal a se realiser :

    Les services offerts par le web 2.0 permettent relativement facilement de creer des compositions, on prend des donnees d’un site pour les afficher sur une carte grace a Google Maps par exemple.
    Cependant les services concurrent font apparement tout leur possible pour s’ouvrir un minumum et pour ne pas etre compatibles entre eux, et c’est comprehensible : il pourraient perdre presque instantanement leur audiance.

    Bref, le business classique reduit fortement cette interoperabilite par laquelle le Web 2.0 se definit


    • Traroth Traroth 14 janvier 2009 14:54

      Je ne suis pas trop d’accord avec ça. La plupart des sites importants proposent des API bien documentées et faciles à utiliser. C’est le cas notamment de l’ensemble des services proposés par Google, Yahoo et Microsoft Live, ainsi que Wikimedia et beaucoup d’autres. Les sites agrégeant des données hétérogènes (ou meshups) sont donc relativement faciles à créer. Ce qu’il manque encore, c’est la killer-app, l’application qui va rendre le concept incontournable. Il y a des dizaines de sites permettant de coller des images de Flickr, des vidéos de Youtube ou des articles de Wikipédia sur une carte Google Maps. En les voyant, on est d’abord épaté par la performance technique permettant d’obtenir ce résultat, mais finalement, quel intérêt concret ?


  • HASSELMANN 14 janvier 2009 11:58

    Excellent , instructif et d’une parfaite lucidité.Nous sommes au coeur du débat pour ceux qui, comme nous(www.libracteurs.fr), rêvons d’un fonctionnement démocratique régénéré, en commençant par la fin du cumul des mandats et l’émergence de gens qui pour un temps, consacrent une partie de leurs vies, a une conviction vraie.
    C’est là qu’il ne faut pas se tromper, la démocratie représentative reste la bonne méthode, mais c’est les instruments humains( nouveaux élus) et les instruments (WEB) qu’il faut changer, recalibrer et utiliser avec pertinence.
    S’agissant d’INTERNET l’anonymat reste un handicap majeur, et camoufle toute une série de manipulateurs et illuminés.
    Cela dit ceux qui comme moi signent depuis l’origine de leur nom, et sont sur GOOGLE depuis des lustres constatent souvent que ce type de franchise , attire plus d’emm....qu’autre chose !!


    • bulu 14 janvier 2009 12:22

      C’est justement l’anonymat (par pseudo) qui est l’atout majeur sur INTERNET. Il permet de s’afranchir du rouleau compresseur de la pensée unique sans en subir des conséquences sociales immédiates (la société n’est pas si libre que ça, désolé). Tout part de la.

      Après, les manipulateurs sont partout et le fait que l’anonymat offre à chacun la possibilité de devenir un manipulateur exerce l’esprit critique de chacun et met chacun à l’abri des grandes manips médiatiques.



  • Cobalt-59 14 janvier 2009 13:42

    L’escorquerie du web2.0, ça a été de faire croire qu’un meilleur contenant (AJAX, etc) entrainerait l’apparition d’un meilleur contenu.


  • Internaute Internaute 14 janvier 2009 14:21

    Bon article qui pointe surtout du doigt le petite taille économique du Http. Le nombre de sites à succès est trés limité et le nombre de personnels pour les faire tourner est ridiculement faible en regard de leur notoriété. A part Google qui emploie 20.000 personnes, un site comme 1000merci, connu dans le domaine de la publicité interactive avec plein de clients grand-comptes ne fait travailler que 40 personnes. AgoraVox, malgré son million de visites mensuelles, ne fait aussi travailler qu’une poignée de gens. Je prends exprès ces deux exemples car l’un est à but lucratif et l’autre non. J’ai été supris d’apprendre que ContreInfo n’est tenu que par une ou deux personnes.

    Le Web (x.y) est une grande illusion. Le secteur le plus florissant est la vente en ligne mais là encore on trouve un trés petit nombre d’acteurs rentables.





  • Yannick Harrel Yannick Harrel 14 janvier 2009 14:30

    Bonjour,

    Et merci pour votre article qui aura le mérite de susciter les débats (et je pense que tel est le but d’échanger sur le sujet).

    Pour parler du journalisme citoyen, je dois vous avouer qu’il n’aurait sans doute jamais vu le jour si le journalisme professionnel ne s’était enfermé dans sa tour d’ivoire où il se contentait jusque là de venir au balcon pour y faire son prêche quotidien et rentrer sitôt la fin de celui-ci. Ca c’est pour la morgue et le manque de recul. Ensuite bon nombre de citoyens auront pu aussi remarquer combien le niveau était lacunaire dans des matières spécifiques, ainsi pour ma part je dois vous avouer que je me délecte de certains papiers traitant de l’univers juridique. Déjà que les juristes arrivent à se tromper sur des points complexes alors je vous laisse imaginer lorsqu’un béotien plein de suffisance tente de vous expliquer ce qu’il n’arrive manifestement pas à comprendre... De fait, le journaliste citoyen c’est aussi un homme qui aime parler de ce qu’il aime ou qu’il connait le mieux.
    Pour finir, lorsque nous parlons de journaliste professionnel, ne mélangeons pas tout : pour moi le journalisme d’investigation est quasi-mort en France tandis que prospère le journalisme de potins et de complaisante. Journalisme d’investigation trop dangereux, trop peu rémunérateur, trop long : d’où cette broderie dans les rédactions autour des dépêches d’une des trois centrales majeurs du globe, ce qui a l’avantage d’être plus rapide, moins cher et d’éviter de fâcher le pouvoir en place en reportant la responsabilité sur la source de l’info. De plus, le journaliste dépasse son rôle d’observateur pour trop souvent s’immiscer dans le cadre afin de faire partie intégrante du tableau. D’observateur le voici en train de devenir acteur.
    Dernier point : lorsque l’on nomme Bernard Henri-Levy journaliste du Monde pour un reportage relativement leste en matière de reportage de guerre, croyez-vous que cela contribue à redorer le blason de la profession ?

    Pour Wikipédia, je suis d’accord il y a énormément de points à régler pour faire entrer cette encyclopédie dans le cercle très restreint des références indépassables. MAIS (et ça je puis vous le dire puisqu’ayant encore un compte que j’utilise de temps à autre) elle se bonifie singulièrement : la version Française citant de plus en plus ses sources et disposant même d’analyses très pointues dans certains domaines. Quelques articles donnent même lieu à des débats de haute volée.
    De plus, ne retrouve-t-on pas là le souhait des philosophes des Lumières du XVIIIème siècle ? A savoir une culture plus large à disposition de tous (rien n’empêchant ensuite les lecteurs de se plonger dans des ouvrages de référence sur le ou les sujets précis qui l’intéressent). Wikipédia est une grande aventure dont il ne faut pas lénifier à coup de quelques phrases toute l’importance générée par ce projet et juste parce qu’elle ne repose pas sur un support papier (toutefois se pose la question à terme de sa conservation pour les siècles à venir).
    Je suis moi même critique envers Wikipédia (concernant la monopolisation de certains articles par des participants), néanmoins je reste conscient de son importance et de son utilité par bon nombre d’internautes.

    Cordialement


    • Traroth Traroth 14 janvier 2009 15:02

      Tout à fait d’accord concernant le journalisme citoyen, qui doit tout aux "bullocrates" chers à Jean-François Kahn. Le journalisme professionnel se coupe de plus en plus de la réalité et donne de plus en plus clairement dans l’autocensure et la propagande. Et ça se voit, ce qui ouvre un créneau pour des modes d’information alternatifs, comme le journalisme citoyen.

      Pour Wikipédia, je ne suis pas certain qu’elle continue à se bonifier, en 2009, franchement. Vous pouvez vous reporter à mon article sur le sujet pour plus d’information.


  • Le vénérable du sommet Le vénérable du sommet 14 janvier 2009 17:28

    Je ne pense pas que le journalisme citoyen se borne à des opinions. Déjà, avoir des opinions différentes de la part des autres est en soin de l’information.
    Qui apporte l’information brute de nos jours ?? Les journalistes d’investigation, les pigistes, les reporters. Effectivement, une minorité dans le paysage journalistique français actuellement, principalement constitué de personnes qui récupèrent les dépêches de l’AFP, Reuters and co, passent deux trois coups de fils et brodent ensuite selon leurs convictions et leurs visions des évènements. Des journalistes d’opinion qui ont décidés de se passer de toute honnêteté intellectuelle sous prétexte que l’on ne peut jamais être totalement objectif.
    N’importe quel citoyen lambda peut faire la même chose en s’inscrivant sur le site des agences de presse et ceci, sans CARTE DE PRESSE.

    Je constate, et de manière quotidienne, que les journaux télés (surtout) et les journaux écrits (souvent) ne font plus de l’information mais de la propagande honteuse par omission, manipulation de mots, et même par mensonge pur et simple au point s’en mélanger les pinceaux et de se contredire sans même s’en rendre compte, un comble ...
    L’attaque d’Israël sur Gaza en est un exemple actuel. C’est au point, que je me sens purement et simplement insulté par ces gens là, mais comment peut on nous prendre pour aussi cons que ça !!! A moins que se soit eux les débiles profonds ??

    Ce matin, j’ai acheté un journal et j’ai regardé le journal de 13h pour connaître les "mensonges du jours", c’est triste n’est ce pas !? smiley


  • Le vénérable du sommet Le vénérable du sommet 14 janvier 2009 17:37

    Information journalistique :
    Demain, il fera moche sur toutes la France.

    Information internet :
    Demain, il fera moche sur toutes la France.
    Commentaire 1 : Non, j’habite dans la calvados et la lune est rousse. Il fera beau ici.
    Commentaire 2 : Sur bordeaux, il pleut déjà.


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