mardi 26 mai 2009 - par Youssef Rahoui

Delicious, Netvibes, Pearltrees et SearchWiki : quatre platines pour un DJ

Il y aurait plus d’un trillion de pages Web. Ce n’est pas pour autant que nous explorions en permanence ces immensités. Non, la plupart des internautes se constituent une espèce de mare nostrum de laquelle ils ne s’éloignent finalement qu’assez peu : tel site d’information, tel forum, tel blog…

Lorsqu’elles sont le fruit d’une exploration systématique (historiens du Moyen-Âge, modélisme, etc.), ces pages familières peuvent être précieuses aux yeux d’autres personnes. Quelqu’un qui débute dans la programmation en Python sera certainement content de découvrir les liens d’une personne qui est passé par cette étape.

C’est cette idée directrice que l’on retrouve derrière ces services Web : Delicious, Netvibes Ginger, Pearltrees et Google SearchWiki. Ce qui intéressant, c’est la manière dont ils la concrétisent.
 
DELICIOUS

Delicious permet à ses utilisateurs de classer en ligne leurs favoris au moyen de mots-clés de leur choix (tags). Là où le service s’avère puissant, c’est quand on y effectue une recherche.

Ainsi, la requête python programming donne cette page de résultats, parmi laquelle on remarque un utilisateur dénommé metaquasi. Un clic sur ce pseudo et l’on découvre qu’il a consigné près de cent liens sous le mot-clé Python ! Combien de temps faudrait-il pour parvenir à ce résultat en utilisant un moteur de recherche ?

Delicious n’a pas réussi à dépasser la communauté des utilisateurs avertis. Si utile que cela puisse être, organiser ses favoris en ligne et effectuer des recherches parmi ceux des autres est un usage nouveau, et c’est souvent un frein majeur pour conquérir le grand public.
 
NETVIBES GINGER
Netvibes est une page Web personnelle où l’on peut réunir ses sites et services favoris. Netvibes a lancé l’an dernier une version de son service baptisée Netvibes Ginger. L’innovation principale réside dans le fait que l’on peut créer des pages publiques (comme celle-ci). On retrouve encore notre fil directeur, dans la bouche même de Tarik Krim :

"L’idée, et c’est un concept auquel nous croyons très fort, c’est de construire autour de sa page Netvibes une communauté d’amis qui vont se rejoindre et partager des centres d’intérêt communs."

Je n’ai pas de chiffres mais il semble que Ginger ait fait chou blanc. Plus généralement, Netvibes n’a pu étendre son succès (estimable : c’est un des rares services français reconnus outre-Atlantique) au-delà des utilisateurs avertis du Web. La principale raison réside là aussi à mon avis dans le fait que ce soit un nouvel usage.

(Je ne dis pas qu’un service demandant à ses utilisateurs de modifier leurs usages est condamné à un public restreint mais, sans entrer dans ce débat complexe, je pense qu’un nouvel usage augmente sensiblement ses chances de popularité s’il se greffe sur un besoin fondamental : communiquer, rencontrer…)
 
PEARLTREES

Pearltrees un service récent, dont je connais l’entrepreneur. L’utilisateur organise ses liens dans des "perles". L’ensemble forme, dans leurs termes, une "carte" que l’on peut envoyer par e-mail ou inclure dans une page Web, comme ici.

La dimension visuelle et la facilité de diffusion sont des atouts prometteurs. De même, un moteur de suggestion de cartes et la possibilité de s’abonner à une carte dessinent la perspective d’un "métaWeb", un Web tissé par les gens et les reliant selon leurs goûts.

Cependant, je pense que le mode de constitution des cartes est un frein potentiel. Il faut en effet télécharger un plugin Firefox, enregistrer sa navigation Web par ce moyen et enfin éditer cette navigation (retirer telle page Web, modifier l’ordre, en ajouter une…) pour en faire une carte. C’est un nouvel usage, et suffisamment contraignant selon moi pour diminuer ses chances de devenir grand public.

GOOGLE SEARCHWIKI
Vous l’avez peut-être remarqué si vous avez un compte Google : de nouvelles options figurent depuis peu sur les pages de résultats du moteur de recherche. Elles permettent de commenter les résultats, de modifier leur rang, de les supprimer et même d’ajouter des liens. Cette page de résultats personnalisée est partageable au moyen d’un simple lien.

C’est potentiellement révolutionnaire.

Notons d’abord que si l’on peut organiser des liens selon un thème, comme les services précédents, l’approche de la firme de Mountain View est radicalement différente. Google, tout Google qu’il est, n’impose pas un nouvel usage mais propose d’en faciliter un, et combien populaire ! Quoi de plus commun que d’explorer un sujet à l’aide d’un moteur de recherche, et Google en particulier… ? Qui ne trouve fastidieux ces va-et-vient entre les réponses du moteur et notre jugement des pages proposées ? Ainsi, SearchWiki prend habilement rendez-vous avec l’adoption et le volume de celle-ci.

Notons par ailleurs que cette page personnalisée ne vaut que pour son auteur : les autres internautes, pour une même requête, continueront d’obtenir les résultats standards. Je doute que Google ait l’intention de modifier cela à court ou moyen terme : l’enjeu financier (la régie publicitaire Adwords) est trop important. Selon moi, l’intention de Google est d’élaborer un réseau social. Impensable ? Relions donc SearchWiki et Google Profile : on obtient un profil public avec nos pages personnalisées qui représentent nos centres d’intérêt. Ajoutons même Reader et Friend Connect, et l’ampleur du projet est démultipliée.
 
Et Yahoo ! dans tout ça ?

Difficile de conclure sans évoquer Yahoo !… et lui décerner le bonnet d’âne. Qui était mieux placé que la firme de Sunnyvale, elle qui possède Delicious, Flickr, MyBlogLog, Boss, Answers et SearchMonkey, pour relever le défi du Web social ? Il ne manquerait plus qu’elle vende son moteur à Microsoft…


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