lundi 15 mars 2010 - par Francis Pisani

Démocratisation par le web : Ça n’est pas une utopie affirme Clay Shirky

clayshirky-oscarespiritusanto.1268464112.jpg Mon dernier billet porte sur l’avertissement lancé par Evgeny Morozov dans la revue britannique Prospect à tous ceux qui croient en une vertu démocratisante des technologies de l’information. Attention, dit-il en substance, elles peuvent tout aussi bien être utilisées par les dictateurs pour réprimer, tromper et détruire les mouvements démocratiques.

Attaqué personnellement pour son rôle dans la vision “utopiste” de Twitter et de l’internet, Clay Shirky répond dans le numéro suivant. Au total ils ont eu droit à deux articles chacun (Morozov 2 et Shirky 2 ).

Shirky concède sans difficulté que les protestations de novembre 2009 en Iran n’ont pas pu être déclenchées par les médias sociaux type Twitter (ni par les téléphones mobiles pourtant plus importants). La source en est la volonté des gens, “the willingness of the people to defy their government.” Ceci dit, le point central n’en est pas moins que “just as the Protestant Reformation was shaped by the printing press, the Iranian insurrection was and is being shaped by social media.” Les TIC, comme d’autres technologies, forment les mouvements qui s’en servent.

Son credo demeure que “the spread of mobile phones and internet connectivity will reshape that civic life, changing the ways members of the public interact with one another.”

Le gouvernement se sert des TIC pour réprimer, mais “even taking into account the increased availability of surveillance, the net value of social media has shifted the balance of power in the direction of Iran’s citizens.” L’équilibre du pouvoir a changé.

L’argument de fond, connu de longue date, reste pour Shirky que si l’Iran peut bloquer les communications, le temps d’une manifestation (un modèle qu’il qualifie de “temporary Burma”), il est peu probable qu’il parvienne à fermer complètement le pays pendant longtemps.

C’est pourquoi le cas iranien est si important. “As usual, the state has more power than the insurgents, but the insurgency has nevertheless achieved the transition from distributed but uncoordinated discontent to being an actual protest movement, and part of that transition was achieved with these tools.” L’état a plus de pouvoir mais les protestataires, hier atomisés, sont devenus un mouvement

Tout n’est pas dit pour autant.

Nancy Scola de TechPresident, par exemple, reproche aux deux compères d’ignorer l’impact sur la démocratisation quotidienne, sur l’ouverture des sociétés.

Il faut aller plus loin. La réflexion est utile mais le problème est mal posé parce qu’il part, sans le dire, d’une prétendue “nature” des technologies de l’information qui serait ainsi “bonnes” ou “mauvaises”.

Leur plus grand mérite, d’un point de vue social et politique est d’ouvrir de nouveaux espaces d’affrontements sur lesquels les puissants peuvent jouer de leurs atouts traditionnels mais à condition de les déployer de façon innovante. Les contestataires, de leur côté bénéficient souvent du fait qu’ils peuvent les occuper de façon plus agile et y tirer partie de nouvelles opportunités dans des champs non encore définis.

Qu’en pensez-vous ?

[Photo FLickr de Oscar Espiritusanto ]

 


2 réactions


  • Deneb Deneb 15 mars 2010 13:45

    Optimiste de nature, je suis bien plus convaincu par Clay Shirky. En effet, si les dictatures peuvent aussi utiliser mes ITC pour opprimer, elles seront submergées par le nombre. Ce qui « compte » dans le cyberespace, c’est le nombre, et les dictateurs seront toujours moins nombreux que les opprimés. On peut aujourd’hui encore empêcher les gens d’accéder à l’information, dans l’avenir ce sera de plus en plus difficile. J’applaudis à 2 mains à Google, qui préfère perdre le marché chinois plutôt que de céder à la censure. Meditons cet exemple pour s’atteler à cette lutte que chacun peut mener à son niveau.


  • Lisa SION 2 Lisa SION 2 15 mars 2010 19:36

    Le net a été déployé par l’armée dans un but précis, mais sur le terrain, il s’avère plus difficile de bien cerner ses troupes comme l’ont révélé toutes les guerres ratées. L’arme pourrait bien pour une unique et ultime fois se retourner contre le pouvoir.

    C’est cet outil qui a pu favoriser l’infra lutte du peuple iranien à se retourner contre le pouvoir en place, mais si cela échoue comme cela semblerait le cas, que reste il comme arme aux US ?

    C’est l’effet pandémie organisée, elle n’a pas pris comme convenu et voilà tout le système médico-pharmaco-mmercial qui foire, et au vu et au su de tous !

    La parano doit sévir sévère dans la tête des dominants complotistes et leur dernière chance, c’est le départ de Saddam du Koweit...ou LE GRAND PROCES... http://www.youtube.com/watch?v=mRhE0V4FcSQ Ou encore : http://www.youtube.com/watch?v=eXIQHe6_SjE

    Le pouvoir au peuple ne supporte plus la censure et ne cherche que la liberté.


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