mercredi 22 juillet 2009 - par Olivier Sanviti

E-commerce délégué et grandes marques : une alliance prometteuse aux enjeux juridiques complexes

« L’e-commerce est devenu une véritable locomotive de la consommation, et ce rôle est encore plus marquant dans le contexte actuel de crise puisqu’il croît toujours de 25 % alors que le commerce en magasin ne progresse plus » (Rapport sur le commerce en ligne en France et en Europe, 2007)

Il semble clair que, dans les prochaines années, le commerce en ligne va devenir un complément indispensable aux magasins physiques des grandes marques et enseignes. Les spécialistes du secteur estiment que les achats sur Internet devraient représenter 20 % du commerce global d’ici à 2015.

Néanmoins, même si certaines marques pionnières n’ont pas hésité à créer leurs boutiques en ligne ou « e-boutiques  », les marques à forte notoriété (appartenant ou non au secteur du luxe) se montrent encore réticentes à ouvrir un point de vente sur le Web. Cela s’explique sans doute par le fait que ces entreprises ne disposent pas toujours, en interne, de l’éventail de ressources permettant de créer et de gérer une boutique en ligne.
C’est dans ce contexte que de jeunes sociétés innovantes se sont créées afin d’assurer le développement et la gestion de sites marchands à destination des grandes marques, sous la forme d’un partenariat pluriannuel.

Dans le cadre de cette délégation, ces sociétés offrent à une marque désireuse de créer une boutique en ligne une expertise globale : création de l’e-boutique, e-merchandising, e-marketing, logistique, service client, service de paiement et gestion du back office.

Cela n’est pas sans poser des problèmes juridiques complexes et variés. Les sites d’e-commerce délégués sont en effet soumis à un ensemble de règles juridiques développées, au nombre desquelles figurent notamment la réglementation particulière de la vente à distance, la réglementation issue du Code de commerce, celle issue de la loi de 1978 sur les données personnelles (loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée par la loi n°2004-801 du 6 août 2004) et enfin, celle édictée par la LCEN (loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique). 

Toute entreprise désireuse de créer une e-boutique déléguée devra en premier lieu réaliser un audit juridique de l’existant, notamment concernant ses éventuels contrats de distribution, exclusivités, ses marques… Lors de la vie du site, une veille juridique devra être réalisée périodiquement. 

Lorsqu’une marque ou une enseigne recourt à l’e-commerce délégué, elle doit distinguer deux parties dans son processus de création de son site marchand. La première, souvent nommée « back-Web », renvoie à l’ensemble des démarches préalables et indispensables à la mise en place du site Web : nommage, contrats avec les différents partenaires, déclarations légales éventuelles, sécurité. La seconde partie, souvent dénommée « front-Web », concerne quant à elle tous les aspects touchant à la visibilité du site : la validité des contenus (propriété intellectuelle, respect du droit de la consommation), les relations avec la clientèle ou encore le respect de la vie privée. 

1. Les démarches nécessaires dans le cadre du back-Web 

Dans le cadre de la rédaction d’un contrat de délégation d’e-commerce, il est important de prévoir avec la société propriétaire de la marque les étapes suivantes : les campagnes de promotions et de soldes, les ventes privées ou encore les programmes de parrainage etc.

Il faut avoir à l’esprit que ces divers programmes sont soumis aux dispositions du Code de la consommation, du Code de commerce, ou encore à la loi relative à la loyauté et l’équilibre des relations commerciales du 1er juillet 1996. Tout n’est donc pas permis, les pièges peuvent être nombreux. 

A titre d’exemple, la vente avec prime est soumise aux dispositions des articles L. 121-35 et L. 121-8 du Code de la consommation. Ces articles prévoient notamment que la valeur maximale des échantillons, objets et services offerts dans le cadre d’une vente avec prime est calculée par rapport au prix de vente net toutes taxes comprises des biens ou services faisant l’objet de la vente. Cette valeur maximale ne doit pas dépasser 7 % si la valeur de l’objet est inférieure ou égale à 80 euros et de 5 euros plus 1 % du prix de vente si ce dernier est supérieur à 80 euros. 

Il convient enfin de prévoir la mise en place d’un modus operandi entre les équipes de la grande marque et l’équipe du site d’e-commerce délégué. Ce modus operandi permettra, par exemple, la collaboration des équipes de design de la marque et de son prestataire afin d’élaborer une maquette du site marchand, la sélection des différents produits qui seront commercialisés en ligne ou encore la mise en place du processus logistique. 

2. Les démarches nécessaires dans le cadre du front-Web 

Le front-Web désigne les démarches devant être réalisées afin de gérer au mieux les relations entre le site d’e-commerce délégué et sa clientèle. Afin d’assurer au mieux la protection de l’internaute consommateur, le législateur a mis en place un certain nombre d’obligations à la charge du créateur d’une boutique d’e-commerce, comme par exemple l’obligation générale d’information prévue par l’article L. 111-1 du Code de la consommation. 

A cette obligation générale d’information s’ajoute les mentions prévues à l’article L. 121-18 du Code de la consommation, parmi lesquelles on peut relever les obligations de faire figurer le nom du vendeur du produit ou du prestataire de services, les frais de livraison, les modalités de paiement, de livraison ou d’exécution. 

L’article R. 123-237 du Code de commerce prévoit en outre que tout site de commerce électronique doit faire figurer le numéro unique d’identification de l’entreprise délivré conformément à l’article R. 123-235, la mention RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe où elle est immatriculée, et enfin, le lieu du siège social. 

Comme tout service de communications audiovisuelles, le site d’e-commerce délégué est en outre soumis à la LCEN, et plus particulièrement son article 6 qui prévoit que doivent figurer sur le site le nom du directeur ou du codirecteur de la publication ainsi que les informations légales relatives à l’hébergeur du site. 

Les mentions relatives aux données personnelles recueillies par le biais du site de e-commerce délégué (noms, adresse, coordonnées…) doivent faire l’objet d’une procédure auprès de la CNIL (norme simplifiée). 

Enfin, l’article L. 111-1 du Code de la Consommation prévoit que les e-commerçants ont pour obligation de faire figurer sur leurs sites les Conditions Générales de Vente (CGV). Une attention toute particulière doit par ailleurs être apportée à la rédaction des clauses intégrées à ces CGV. En effet, certaines de ces clauses peuvent rapidement devenir obsolètes, voire contraires au droit positif. 

Les CGV doivent notamment reprendre les mentions relatives aux conditions de vente et de paiement, les tarifs et les réductions éventuelles, de même que les modalités d’application des garanties éventuelles.  

Enfin, dans le cadre des ventes à distance, la protection du consommateur a dicté certaines règles au législateur. La plus connue d’entre elles est bien sûr l’existence d’un délai de rétractation de sept jours (art. L. 121-20 du Code de la Consommation) et certaines mentions devenues obligatoires par l’application de la loi Chatel (loi n°2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs), comme notamment la mention exacte des délais de livraison, quel que soit le montant du contrat, mais aussi les modalités de remboursement, le cas échéant, ou encore les modalités d’exercice du droit de rétractation.

En conclusion, force est de constater que l’e-commerce délégué apparaît comme le complément de plus en plus indispensable des réseaux classiques de distribution des grandes marques.

Cet essor ne doit pas faire oublier les impératifs juridiques qui devront être identifiés et sécurisés.



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