mardi 9 octobre 2007 - par Ivan Gonçalves

Exoplanètes : enjeux scientifiques et philosophiques

Il y a tout juste douze ans un modeste télescope de l’observatoire de Haute-Provence, équipé d’un puissant spectrographe helvétique, détectait un signal périodique dans la mesure des vitesses radiales de l’étoile 51 Peg : on venait de découvrir pour la première fois une planète autour d’une autre étoile que la nôtre. Aujourd’hui ces exoplanètes ou planètes extrasolaires se comptent par centaines et font régulièrement la une de l’actualité, mais les médias ont bien du mal à dépasser le traitement anecdotique qu’ils réservent généralement à ce sujet. Ce qui se joue ici est pourtant d’une portée extraordinaire, car pour la première fois dans l’histoire de l’humanité une des réponses à la question de notre place dans l’univers est sur le point d’être apportée. Notre génération va en effet probablement savoir si notre planète, et la vie qu’elle contient, est une « anomalie » improbable apparue dans un coin perdue de l’univers ou bien une structure inhérente au cosmos, c’est-à-dire presque aussi naturelle et inévitable qu’une simple et banale étoile.

Si cette recherche intéresse le grand public, c’est essentiellement parce qu’elle est susceptible d’aboutir un jour à la découverte de planètes « vivantes » semblables à la nôtre, avec toutes les conséquences scientifiques, philosophiques ou sociologiques que cela implique. Or si les instruments de mesures astronomiques étaient jusqu’ici incapables de détecter autre chose que des planètes géantes (de plusieurs centaine de masse terrestre) en orbite serrées autour de leurs étoiles, ceux de la nouvelle génération devraient très bientôt déceler des planètes effectivement comparables à celle de la Terre, du moins en termes de masse.


Deux récents événements témoignent de ce fait  : le premier est la mise en orbite (le 27 décembre 2006) du satellite d’observation astronomique COROT destiné notamment à la détection de planètes extrasolaires de taille quasi terrestre et dont les premiers résultats intéressants devraient tomber cet automne, le seconde est la découverte historique (annoncé le 25 avril 2007) de la première planète tellurique (Gl 581 c, de 5 masses terrestre) potentiellement habitable autours d’une étoile de type naine rouge. Cette dernière découverte a été effectuée depuis le sol grâce à la nouvelle génération d’instruments, en l’occurrence le spectromètre HARPS mis au point par l’équipe de Michel Mayor et qui promet de nombreuses autres découvertes similaires pour bientôt.

Profitons donc de cette période charnière pour faire le point sur cette recherche qui révolutionne le monde de l’astronomie depuis 1995 et dont les répercussions sont autant scientifiques que philosophiques.

Rappel historique

"Il y a d’innombrables soleils et d’innombrables terres, toutes tournant autour de leur soleil comme le font les sept planètes de notre système. Nous n’en voyons que les soleils parce qu’ils sont les plus grands et les plus lumineux, mais leurs planètes nous restent invisibles parce qu’elles sont petites et peu lumineuses. Les innombrables mondes de l’univers ne sont pas pires et moins habités que notre Terre."

Ainsi s’exprimait le philosophe italien Gordano Bruno, dans son « De L’Infinito Universo e Mundi » écrit en 1584. Ces propos philosophiques concernant l’infinité de l’univers et la pluralité des mondes, en contradiction avec les dogmes de l’Église, lui valut de finir sur le bûché de l’inquisition en 1600. Trente-deux ans plus tard, son ami Galilée échappa de justesse à la même sentence : après avoir abjuré il fut assigné à résidence dans sa maison de Florence jusqu’à la fin de sa vie pour avoir défendu l’héliocentrisme de Copernic.

Quatre siècles plus tard, une juste ironie de l’Histoire fit en sorte que ce soit en Italie qu’on annonça officiellement la première exoplanète jamais découverte. C’est en effet le 6 octobre 1995, au cours d’un congrès international d’astronomie ce déroulant à Florence, , Michel Mayor et Didier Queloz (de l’observatoire de Genève) firent cette annonce retentissante qui donnait enfin une réponse affirmative à la vieille question de l’existence d’autres mondes autour d’autres étoiles.

Cette grande première fit sauter un verrou psychologique au sein de la communauté scientifique et entraîna le développement d’un grand nombre de programmes de recherches dans ce domaine. Douze ans plus tard, le « tableau de chasse » s’élève à plus de planètes 250, des planètes géantes pour l’essentiel avec des orbites à courte période.

De nos jours, les mailles du filet des astronomes se resserrent de plus en plus, et, au rythme où vont les choses, on peut dire sans trop de risque que la première planète tellurique de masse terrestre sera découverte d’ici à trois ou quatre ans (grâce probablement au télescope spatial KEPLER, grand frère américain de COROT, dont le lancement est prévu pour 2008-2009).



Méthode de détection

Pour détecter ces exoplanètes les astronomes utilisent principalement deux méthodes : l’une est basée sur la mesure des vitesses radiales de l’étoile (les orbites des planètes influencent légèrement le mouvement de l’étoile) ; l’autre est basée sur la mesure de l’éclat de l’étoile, cette dernière permet de détecter des transits éventuels de planètes devant leur étoile (principe utilisé par le satellite COROT et KEPLER). Notons que d’ici à une dizaine d’années il sera possible d’exploiter la méthode astrométrique qui consiste à mesurer très précisément la position et donc le mouvement propre des étoiles (projet GAÏA), cette dernière technique devrait aboutir à la découverte de plusieurs dizaines de millier de planètes...

Enjeux scientifiques

L’enjeu scientifique est essentiellement de comprendre comment les systèmes planétaires se forment afin de mieux nous situer par rapport au reste du cosmos : notre système solaire est-il une exception, ou est-il représentatif de la majorité des systèmes planétaires ?

La cohérence de notre propre système solaire ; le fait que les orbites des planètes soient quasi circulaires, concentriques et coplanaires, le fait qu’elles tournent dans le même sens que le Soleil, ou encore le fait qu’il existe une séparation nette entre les planètes telluriques (situées à l’intérieur du système solaire) et les planètes géantes gazeuses (situées à l’extérieur), incitent à penser que la formation des planètes découle d’un processus global apparenté à la formation du Soleil. Ces arguments ont conduits au modèle de la nébuleuse primitive dont une ébauche avait déjà été proposée par Kant et Laplace au XVIIIe siècle. Dans ce scénario les planètes sont des sous-produits naturels de la formation des étoiles et non le fruit d’une contingence comme le pensait le naturaliste Buffon (il avançait l’hypothèse catastrophiste d’une collision entre une comète et le Soleil).

La genèse d’un système planétaire est censé se dérouler de la façon suivante : suite à une instabilité gravitationnelle un nuage interstellaire s’effondre sur lui-même pour former une étoile en son centre, mais, du fait de la conservation du moment cinétique, la rotation du nuage s’accélère au cours de l’effondrement. Cette accélération est telle qu’à un moment donné une partie du nuage périphérique est littéralement mis en orbite autour de l’étoile en formation, il prend alors la forme d’un disque dense de gaz et de poussière, c’est à l’intérieur de ce disque que les planètes vont se former par accrétion de la matière solide. Cette accrétion se déroule suivant un effet boule de neige : en moins de dix millions d’années les poussières s’agglomèrent en grains, les grains en planétésimaux et ces dernières en planètes.

Notons que le lien de cause à effet unissant les planètes aux étoiles est peut-être réciproque. Il semblerait en effet que le disque d’accrétion joue un double rôle : celui de former des planètes et celui de freiner la rotation de l’étoile (ce qui évite une dislocation de cette dernière par la force centrifuge). Pour freiner sa rotation, l’étoile « s’appuierait » sur le disque par l’intermédiaire de son champ magnétique (ici).

La différence fondamentale entre les planètes telluriques et les planètes géantes s’explique par les différentes températures de l’intérieur du disque d’accrétion : à proximité de l’étoile, où il fait le plus chaud, seuls les matériaux réfractaires (métaux, silicates, etc.) vont subsister et former des planètes telluriques de type Mercure, Venus, Terre ou Mars alors qu’au-delà d’une certaine limite, appelée ligne des glaces, les glaces d’eau vont s’ajouter au matériaux réfractaires pour créer une surabondance de corps solides (glaces + silicates). Loin de l’étoile la quantité de matériaux accrétables devient ainsi suffisante pour former un noyau planétaire de plus de 12 masses terrestres, un phénomène d’emballement gravitationnel prend alors le relais et provoque l’effondrement du gaz d’hydrogène environnant ce qui aboutit à la formation d’une planète géante gazeuse de type Jupiter, Saturne, Uranus ou Neptune.

Notre système solaire semble confirmer ce modèle car nos planètes géantes gazeuses se situent effectivement au-delà de la ligne des glaces (qui est à 4 u.a du soleil, soit quatre fois la distance Terre-Soleil) alors que nos planètes telluriques sont en deçà de cette ligne.

Le problème c’est que toutes les planètes géantes extrasolaires découvertes à ce jour se situent en deçà de la ligne des glaces, c’est-à-dire dans la zone de formation théorique des planètes telluriques, ce qui est en complète contradiction avec le modèle.

Pour expliquer cette « anomalie » les astrophysiciens ont fait la proposition suivante (il en existe d’autres...) : une planète géante gazeuse se forme effectivement loin de son étoile, mais un phénomène de « frottement » gravitationnel (échange de moments cinétique) entre la planète et le disque provoque la migration de cette planète vers l’intérieur du système.

Mais alors pourquoi ce phénomène de migration n’a-t-il pas ou peu affecté notre propre système solaire ? C’est une des questions les plus intéressantes que soulève cette recherche. Plusieurs hypothèses sont avancées : des simulations numériques montrent par exemple que cette migration peut être annulée, voire inversée, lorsque les planètes géantes sont au « coude à coude » ou que la viscosité du disque est inférieure à une certaine valeur. Il existe un (modèle intéressant) qui fait intervenir une sorte de stabilisation automatique des planètes géantes lors de leur formation, ce modèle part du constat théorique qui veut qu’un saut de densité dans le disque d’accrétion constitue un piège à planète. Le mécanisme est le suivant : au début le principal piège à planètes du disque se situe aux alentours de la ligne des glaces ; le saut de densité résulte ici de la condensation des glaces ou bien d’un effet du champ magnétique de l’étoile), c’est ici que va se former la première planète (Jupiter). La masse de Jupiter creuse alors un sillon dans le disque le long de son orbite. On sait qu’un tel sillon a tendance à faire migrer la planète vers l’étoile, mais c’est sans compter sur un fait : le sillon crée également un saut de densité sur sa frontière externe, ce qui constitue un second piège à planètes (où vient se former Saturne), il se trouve que ces deux planètes ainsi formées vont, par un subtil échange de moments cinétiques, se « tenir les coudes » et ainsi éviter une migration centripète.

Si ce mécanisme est exact est-il courant ? Il faut certaines conditions pour qu’il fonctionne, par exemple, la planète interne doit être plus massive que la planète externe, mais la densité du disque diminuant avec son rayon il est fort possible que cette différence bien spécifique soit naturelle. Dans tous les cas le fait qu’il constitue un mécanisme autorégulé est très intéressant car il pourrait bien avoir un caractère universel.

Mais tout ceci n’est que théorique et il reste à comprendre la cause déterminante de la migration planétaire : pourquoi certains systèmes migrent et d’autres non ? Les migrations « catastrophiques » sont-elles des exceptions qui confirment la règle ou est-ce notre système qui constitue l’exception ?

Les observations nous obligent-elles à conclure que notre système solaire constitue une « architecture » très particulière ? Non, il est trop tôt pour le dire car nos méthodes de mesures, pour des raisons de sensibilité et surtout de temps d’observation, ne sont sensibles actuellement qu’aux planètes géantes situées en deçà de la ligne des glaces et non au-delà où elles sont censés se former. On peut même dire que si on observait une étoile dotée d’un système planétaire identique au nôtre on serait, encore aujourd’hui, bien incapable d’y déceler la moindre planète autour de cette étoile : les instruments de la nouvelle génération sont suffisamment sensibles pour détecter un Jupiter, mais ils leur faudra plus de dix ans d’observation pour en extraire le signal.

Pour évaluer convenablement la population réelle de systèmes planétaires comparable au nôtre il faudra sans doute attendre le développement d’instruments interferomètriques performants .

La question de la migration des planètes est d’une importance cruciale car si les planètes géantes gazeuses migrent systématiquement vers l’intérieur des systèmes, elles viendraient envahir la zone de formation des planètes telluriques (où ce situe également la zone habitable) délogeant du même coup une éventuelle terre en formation, de quoi donc compromettre sérieusement le développement de la vie dans l’univers.

Notion de planètes habitables

La notion de planète habitable est ambiguë car elle ne tient pas compte du rôle joué par la vie elle-même dans le degré d’habitabilité d’une planète. En fait le terme d’habitabilité sous-entend généralement qu’une planète a un potentiel permettant l’émergence d’une vie primitive ainsi que son épanouissement sur le long terme.

La condition première pour que la vie puisse se développer sur une planète est la présence permanente d’eau liquide à sa surface. Cette condition centrale engendre plusieurs contraintes :

- l’orbite de la planète doit être stable, de faible excentricité et se trouver dans une zone dite habitable c’est-à-dire ni trop proche ni trop éloigné de son « soleil » pour maintenir une température adéquate.

- La masse de la planète ne doit pas être trop petite ou trop grande, pour retenir gravitationnellement une atmosphère raisonnable sans provoquer de stress physiques aux structures biologiques.

- La présence d’un champ magnétique doit assurer la protection de l’atmosphère en déviant les particules abrasives émises par son « soleil ».

- La présence d’une tectonique des plaques doit assurer la régulation de la température de surface à long terme par autorégulation des gaz à effet de serre (cycle du silicate et du carbonate).

Ces contraintes sont des conditions premières permettant à la vie primitive d’émerger et surtout de s’épanouir. Plus tard, si tout se passe comme sur Terre, les cycles géologiques et atmosphériques vont être fortement influencés par la présence de la vie elle-même, rendant cette planète de plus en plus hospitalière et propice aux développements d’une vie toujours plus complexe. Mais encore faut-il que la vie apparaisse, le problème c’est qu’on ne connaît rien du processus qui a permis cette émergence : est-il purement contingent ou s’appuie-t-il sur des phénomènes chimiques plus déterministes ? Autrement dit cette émergence est-elle improbable ou naturelle ? Question fondamentale à laquelle l’étude précise des exo-terres pourra apporter un début de réponse. Notons que cette question rappelle le conflit qui opposa jadis la vision contingente de Buffon à celle deterministe de Laplace à propos de l’origine du système solaire.

Trouverons-nous de l’eau en quantité suffisante sur ces planètes ? Contrairement aux idées reçus l’eau n’est pas rare dans l’univers, bien au contraire, c’est une molécule banale qui apparaît spontanément dès qu’elle est un tant soit peu protégée de l’environnement radiatif et thermique de l’univers (comme par exemple dans les nuages denses et froid, cocons des futures étoiles et système planétaire...), n’oublions pas que H2O est formé d’atomes d’hydrogène et d’oxygène qui sont le premier et le troisième élément le plus abondant de l’univers...

Remarque : exaucer la liste des conditions vitales précédemment énoncée peut paraître difficile et improbable, mais cette impression vient du fait qu’on considère ces contraintes indépendantes les unes des autres alors qu’elles forment en fait une chaîne interdépendantes. On peut en effet constater les liens suivants : les planètes sont des sous-produits de la formation des étoiles ; la zone habitable est à l’intérieur de la zone de formation théorique des planètes telluriques ; les contraintes gravitationnelles sont compatibles avec l’inertie thermique de la planète (une grosse planète tellurique comme la Terre refroidit moins vite et retient mieux son atmosphère qu’une petite planète comme Mars) ; la température interne de la planète permet de générer, par convection thermique, à la fois un champ magnétique et une tectonique des plaques, cette dernière étant vraisemblablement favorisée par la présence d’un océan...

Les découvertes observationnelles : bilan provisoire.

Les quelque 250 planètes découvertes à ce jour permettent de faire le bilan provisoire suivant (valable uniquement pour les étoiles de type solaire) :



- il y a plus de planètes de petite masse que de planètes de grande masse (pour une planète de masse M, on trouve deux planètes de masse M/2 ou 4 planètes de masse M/4, etc.) ;



- au moins 7 % des étoiles de type solaire ont des planètes géantes en orbite à moins de 5 u.a de leur étoile, et 1 % d’entre elles ont une planète en orbite à moins de 0.1 u.a, on appelle ces dernières des « Jupiter chaud ». Ces planètes géantes ont vraisemblablement migré vers leur étoile au cours de leur formation ;



- aucun véritable analogue à Jupiter (période orbital de l’ordre de 12 ans) n’a été détecté à ce jour, probablement à cause de la limite temporelle des observations, cela ne devrait donc pas durer ;



- excentricité moyenne importante pour l’orbite de ces grosses planètes : e=0.25, probablement provoqué par le phénomène migratoire des planètes ;



- il y a d’autant plus de planètes géantes (en orbite à moins de 3 u.a de l’étoile) que l’étoile est riche en éléments lourds : il est possible qu’une trop grande richesse en éléments lourds favorise une migration des planètes géantes ;



- 10 % des étoiles à planètes se composent d’un cortège de plusieurs planètes, ce nombre est susceptible d’augmenter avec la sensibilité des instruments et la durée des observations ;



Ce bilan montre que la formation de planètes est un phénomène naturel, il montre également que la migration des planètes géantes est un phénomène courant.

La façon dont se distribue la population des planètes en fonction de leur masse (petites planètes plus nombreuses que les grandes) suggère que les planètes telluriques de masse terrestres sont probablement très nombreuses dans notre galaxie, peut-être aussi nombreuses que les étoiles. Mais encore faut-il qu’elles survivent à l’évolution dynamique de leur système.

Si 7 % des étoiles ont des planètes géantes proche de leurs étoiles, qu’en est-il des 93 % restantes ? Ces étoiles abritent-elles des systèmes comparables aux nôtres (avec des planètes géantes au-delà de la ligne des glaces et des planètes telluriques proches ou dans la zone habitable) ou sont-elles vides ? Nul ne peut répondre encore à cette question, mais il semble peu probable qu’elles soient totalement vides. Si la population des planètes géantes est uniformément répartie suivant le rayon de leur orbite, l’extrapolation statistique montre qu’au moins 15 % des étoiles de type solaire possèdent des planètes géantes (et que donc 8 % des systèmes planétaires serait du même type que le nôtre), mais si cette distribution n’est pas uniforme (comme le prévoit la théorie qui tient compte de la ligne des glaces) alors ce pourcentage pourrait doubler ou tripler.

Reste la question cruciale des étoiles de masse inférieure à celle du Soleil, en particulier les petites étoiles qu’on appelle naines rouges. Ces étoiles constituent 80 % de la population stellaires et leur durée de vie peut dépasser dix fois celle de notre Soleil, elles sont donc bien plus représentatives que les étoiles de type solaires. Ont-elles des planètes ? Subissent-elles des migrations ? Ces étoiles sont difficiles à observer car très peu lumineuses, mais paradoxalement elles permettent de détecter plus facilement des planètes habitables, à condition que l’étoile soit proche de nous (ou que l’on dispose d’un très grand télescope). Jusqu’ici peu d’étoiles de ce type ont été surveillées (environ 300), mais on y a déjà déniché quelques planètes de masse intermédiaire, dont la première planète « habitable »... Il semble toutefois qu’il y ait deux à trois fois moins de planètes géantes (de type Jupiter) autour de ces étoiles (et ce malgré le fait que ces planètes sont ici détectables au-delà de la ligne des glaces), mais cela ne paraît pas contrarier la formation de planètes de masses terrestres. Notons qu’une étude récente réalisée à l’aide de radiotélescopes confirme que 13 % au moins de ces naines rouges possèdent une importante ceinture de débris trahissant la présence d’un système planétaire. Dans tout les cas, vu la plus grande facilité qu’il y a à détecter des planètes habitables autour de ces étoiles, il est fort à parier que les naines rouges constituerons très prochainement les « stars » de la recherche de planètes habitables dans notre environnement proche.

Enjeux philosophiques

La prochaine étape sera de déterminer les caractéristiques chimiques de ces planètes et en particulier la composition atmosphérique de celles situées en zone habitable, si la vie existe sur ces planètes, elle sera révélée par l’absence d’équilibre chimique de l’atmosphère, c’est-à-dire essentiellement par la présence d’oxygène moléculaire et de méthane. Pour cela, il faut parvenir à isoler la lumière de ces planètes afin de réaliser une analyse spectrométrique. Quelques projets sont à l’étude comme DARWIN, TPF, NWO, CESO, ce sont des projets ambitieux qui devraient voir le jour d’ici à dix ou vingt ans. Il existe d’autres projets plus futuristes comme ceux proposés par l’astronome visionnaire Antoine Labeyrie, concepteur, entre autres, de l’hypertélescope, un instrument qui simule un télescope kilométrique en combinant plusieurs centaines de petit télescopes éloignés les uns des autres, cet instrument « éclaté » sera théoriquement capable de former directement l’image d’une planète habitable et d’en distinguer les continents...

D’ici à une ou deux générations, nous serons donc capables d’évaluer l’universalité de l’émergence de la vie dans l’univers et notamment de répondre à la question fatidique : la vie émerge-t-elle systématiquement à la surface d’une planète rocheuse et humide située en zone habitable ? Question qui en appelle immédiatement une autre : cette vie primitive a-t-elle pour « vocation » de continuer son évolution jusqu’à l’émergence de la conscience ? Ces deux questions forment le cœur de l’enjeu philosophique qui se joue ici, car si la réponse est négative la vie ne serait qu’une simple contingence, mais si la réponse est positive alors cette vie, et peut-être même la conscience, deviendrait une structure inhérente au cosmos. Dès lors notre rapport à l’univers pourrait changer profondément, parce que cela, à défaut de donner du sens, donnerait un début de cohérence à notre propre existence.

Je conclurais par cette remarque ancestrale pleine de bon sens et qui se justifie aujourd’hui d’autant plus que nous savons qu’il y a plus de mille milliards de milliards d’étoiles dans l’univers :

« Il semble impossible que, dans un grand champ, il puisse ne pousser qu’une seule tige de blé, et que dans le vaste Univers il n’y ait qu’un seul monde vivant. »
Métrodore de Chio, IVe siècle av. J.-C.



11 réactions


  • Manuel Atreide Manuel Atreide 9 octobre 2007 13:51

    @ l’auteur ...

    joli papier sur un sujet qui me passionne et qui a en effet, des développements et conséquences non seulement dans le domaine scientifique pur, mais aussi - et surtout ! - en philosophie, dans le domain,e de la religion bref, dans notre manière d’appréhender l’univers.

    Sommes sous seuls ? N’y a-t-il personne d’autre ? On ne le sait pas encore. Ce qu’on commence à savoir - et non plus à imaginer - c’est que des lieux d’accueil pour « d’autres », il y en a. Peut être même beaucoup.

    Les 20 prochaines années vont voir arriver, je pense, des découvertes majeures. Les developpement conjoints des technologies d’imagerie et de l’informatique vont permettre de créer des telescopes gigantesques, mais virtuels. Sans oublier le retour sur la lune, qui pourrait être un lieu idéal pour implanter des instruments d’observation à l’abri des activités humaines, et hors de l’atmosphère.

    Bref, ca bouge. Et vous l’expliquez fort bien. On vous pardonnera même votre coté faché avec les conjugaisons. Après tout, un cerveau dyslexique qui fonctionne aussi bien peut avoir ses petites faiblesses !

    Merci pour ce partage du rève.

    Manuel Atréide


  • Voltaire Voltaire 9 octobre 2007 14:52

    Merci pour cet excelent article.

    Il faut noter que l’on devrait pouvoir, dans quelques (une vingtaine ?) années, effectuer par spectroscopie l’analyse de l’atmosphère de ces exo-planètes (en analysant la lumière de leur étoile après son passage au travers de leur atmosphère), ce qui devrait permettre d’en savoir plus sur la présence de vie (présence d’oxygène etc...) à leur surface.


    • Svenn 9 octobre 2007 18:07

      Les premiers spectres de planetes extrasolaires commencent a sortir meme si ils sont pour le moment assez difficiles a exploiter. Il y a au moins deux papiers dans Nature cette annee concernant l’atmosphere d’une planete Jupiter chaude. L’un des groupes parle de nuage de silicates, l’autre declare avoir repere des traces de vapeur d’eau. D’ici cinq ans au plus, je pense qu’on aura des beaux spectres pour des planetes geantes...


    • Svenn 9 octobre 2007 18:08

      Sinon, toutes mes felicitations a l’auteur, l’article est vraiment passionant !


  • Barbathoustra Barbathoustra 9 octobre 2007 18:39

    Justement, ce sont les planètes telluriques qui interressent les astrophysiciens plus difficiles à observer parce que beaucoup plus petites ; pas les géantes gazeuses, étoiles ratées comme jupiter qu’on sait de toute façon inaptes à acceuillir la vie.

    En même temps, lorqu’on découvrira une jumelle de la terre, ça nous ferra une belle jambe, puisqu’on est pas près d’y mettre le nez. Ca risque en revanche d’être un boulversement des consiences sans précédent.


  • trou noir trou noir 9 octobre 2007 20:29

    Merci à l’auteur de cet article de fond. On peut se demander s’il n’est pas dommage de traquer et corriger la dyslexie à l’école ! smiley

    Mais finalement profitons de ce petit défaut d’optique ainsi que du temps qui nous sépare de la découverte d’un paradis hors de notre système solaire, pour nous interroger quelle serait notre attitude et sous quelle autorité internationale serions nous ’’régulés’’pour envahir avec précaution ce nouveau monde et comment considererions nous les populations locales ?

    la probabilité de trouver des etres à notre image (meme lointaine) est cependant trés faible : ce qui est rassurants pour nos lointains voisins.

    spatialement vôtre.


  • Falkland 10 octobre 2007 00:19

    Merci à l’auteur pour cet article. Juste une question, la terre est l’endroit parfait pour la « vie » tel qu’on la perçoit mais finalement on ne perçoit pas grand chose pour l’instant non ?


  • Pichelin 10 octobre 2007 16:00

    Remarquable article auquel je voudrais apporter une petite pierre : La question posée, qui est de savoir si l’émergence de la conscience est un hasard improbable ou bien une conséquence de la structure de notre univers, peut etre a mon sens résolu par la philosophie - pour ne pas dire la metaphysique - en attendant bien sur une confirmation expérimentale comme vous le dites si bien. Comme Stephen Howkins le fit a propos de la structure de l’univers avant que les observations ne confirment son intuition metaphysique préalable. Le réponse donc a cette question est philosophiquement assez simple : si l’univers n’est pas observable alors il y a une indetermination sur son existance, donc pour que l’univers existe il doit y avoir un observateur, et cet observateur est la conscience donc la vie. Conséquence : l’emergence de la vie et de la conscience est bien une proprietée naturelle de l’univers, faisant partie de sa structure. Ainsi la vie ne peut que naturellement apparaitre, et ce de maniere spontanée, dés que les conditions sont reunies.


  • Romain 11 octobre 2007 18:03

    Excellent article.

    Je ne suis pas un scientifique, je m’interesse seulement au sujet mais je ne comprend pas en quoi ca est un problème :

    « La question de la migration des planètes est d’une importance cruciale car si les planètes géantes gazeuses migrent systématiquement vers l’intérieur des systèmes, elles viendraient envahir la zone de formation des planètes telluriques (où ce situe également la zone habitable) délogeant du même coup une éventuelle terre en formation, de quoi donc compromettre sérieusement le développement de la vie dans l’univers. »

    Des planêtes habitables en orbite autour d’une géante gazeuse, c’est en théorie possible ou non ? Des géantes gazeuses dans la zone habitable multiplie donc les possibilités de formation de satellites habitable non ? Exemple : certaines de nos géantes gazeuses ont plus de 20 satellites...

    qu’en pensez vous ?


    • Ivan Gonçalves Ivan Gonçalves 12 octobre 2007 00:24

      On peut effectivement imaginer une planète habitable autour d’une géante gazeuse mais tous dépendent en fait de la nature et de la taille de ces satellites. Il se trouve que le processus de formation des satellites est tel qu’il abouti sistematiquement à la formation de « planètes » de tailles inférieur à celle de Mars, par ailleurs si ces satellites se sont formés au lieu de naissance de la planète géante (au-delà de la ligne des glaces) elles sont très riches en eau, or, paradoxalement une trop grande richesse en eau (qui produirait un océans de cent km de profondeur) peut nuire à l’habitabilité d’une planète (et à l’évolution de la vie) car l’absence de continents émergés empêche la mise en route du cycle silicate-carbonate responsable, sur notre planète, de la régulation de la température de surface à très long terme.

      Ceci dit, dans le cas des systèmes planétaires possèdent des « Jupiter chaud » (Planète géantes très proche de leur étoiles, période de rotation de quelques jours), des simulations ont montrées que des planètes telluriques peuvent se former dans la zone habitable même après la migration de la planète géante, à condition que cette migration soit très rapide. Mais la aussi on abouti à des planètes très (trop ?) riche en eau.

      bref, il reste encore beaucoup d’observation et de calculs à faire avant d’y voir plus claire...


  • Halman Halman 22 octobre 2007 10:23

    Excellent article.

    Moi même astronome amateur et passionné par les exoplanètes, cet article est vraiment complet et nous fait grâce de ne pas parler de théories philosophiques à bases de religions et de rester purement dans le domaine scientifique.


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