lundi 16 février 2009 - par Patrice

Froissement de tôle dans l’espace

Ça y est : pour la première fois dans l’histoire de l’aéronautique, deux satellites sont entrés en collision. Cela devait arriver, disent les spécialistes...

Mais pourquoi une telle certitude ? S’il existe des coordinations mondiales sur de nombreux domaines (finance, droit, Internet, l’ISO, l’OMS, pour ceux qui me viennent à l’esprit), pourquoi notre haute atmosphère est-elle exempte de système de régulation ? Toute organisation ou firme commerciale peut donc lancer son satellite, en dépit du bon sens, sans vérifier que son orbite n’en croisera jamais une autre ? Ça marche pour les avions, et Dieu sait que le trafic est dense, alors pourquoi personne ne collabore au-dessus d’une certaine altitude ?

On est définitivement en droit de se poser la question, vu la situation actuelle dans l’espace et les circonstances de l’accident.

Le crash

Pas de constat à l’amiable, pas de bruit (faute d’air à 800 km d’altitude), mais les faits sont là : un satellite de télécommunication américain du système Iridium a bien été détruit par collision avec un satellite militaire russe vétuste (mis en orbite en 1993). Le choc s’est produit au dessus de la Sibérie le 10 février 2009. Quand on connaît la vitesse linéaire des engins qui croisent dans les "hautes sphères", on imagine que le résultat de l’accident entre ces deux véhicules d’un bon quintal chacun, est un nuage de débris et de poussière, à même d’inquiéter d’autres satellites comme le télescope spatial Hubble, orbitant 200 km plus bas.

Espérons que mon prochain post ne parlera pas de la destruction de ce dernier… En tout cas, l’ISS, la station spatiale internationale, à 430 km d’altitude, ne devrait pas être impactée, et c’est heureux, car ses panneaux solaires vont être prochainement remplacés.

Les causes de l’accident

Alors qu’une partie des satellites ayant vécu sont volontairement sabordés par décrochage (ils sont précipités vers le sol), d’autres sont laissés sur leurs orbites pour devenir des épaves. A plus ou moins long terme, ceux-ci finissent par retomber et se consument dans l’atmosphère : les satellites aussi se font incinérer. Pourtant, de telles machines peuvent encore être guidées, alors qu’est-ce qui explique ce couteux couac ? Selon toute vraisemblance, c’est un défaut de surveillance, estime Philippe Goudy, responsable du centre spatial de Toulouse :

L’armée américaine et la Nasa ont des moyens radars qui permettent de suivre les satellites et les plus gros débris, supérieurs à 10 cm. Un certain nombre d’agences spatiales, dont le CNES, ont accès aux données américaines et mettent en place une veille pour surveiller qu’il n’y a pas de débris qui se rapprochent dangereusement de leurs satellites.

En effet, il existe à ce jour quelque 2000 objets de plus de 10 cm, qui peuvent être traqués par les radars américains, mais ce n’est pas le cas des débris plus petits.
Jusqu’à présent, seuls des impacts avec des débris de fusées ou d’autres satellites ont été déplorés pour des satellites en exploitation. Cette fois, ce cas de collision entre deux engins entiers, dont l’un des deux était encore en exploitation, va provoquer, espérons-le, un sursaut qui débouchera peut-être sur une plus grande coopération internationale.

Orbital Debris Graphics

Le laisser-aller

Dans l’espace aussi, il y a du pain sur la planche pour les écologistes si, du sol, on peut observer soit un ciel bleu azur, soit une nuit d’encre tout juste maculée d’étoiles qui donnent une idée du vide insondable qui nous entoure, autour de la Terre, la réalité est tout autre. Des quantités incalculables de débris volettent et s’entrechoquent à des vitesses prodigieuses (à cause de l’élan de la mise en orbite initiale). Comme expliqué plus haut, seuls les plus gros peuvent être dénombrés, si ce n’est surveillés.

Mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, les plus dangereux débris ne sont pas les plus gros. Invisibles et donc indétectables, les plus petits sont en fait considérés comme des micro-météorites : de minuscules fragments de matières diverses, animés d’une grande vitesse relative (plusieurs dizaines de km/s) et qui peuvent traverser, comme des balles tous les matériaux, ou exploser en laissant d’énormes cratères d’impacts.

Ces imprévisibles projectiles peuvent provoquer d’importants dommages à la coque d’un astronef, voire à son contenu (qui ne se rappelle pas la scène de l’astronaute à la main trouée dans Mission to mars ? A moins que ce ne soit dans Planète rouge… les aficionados de la S-F me corrigeront).

Et dire que cette terrifiante situation n’est que le résultat de la négligence des autorités de régulation spatiale… Ah, oui, c’est vrai, il n’y en a pas !



10 réactions


  • geo63 16 février 2009 17:44

    Les probabilités de rencontre entre deux satellites sont extraordinairement faibles, c’est comme les sous-marins surtout s’ils sont à propulsion nucléaire


  • zelectron zelectron 16 février 2009 20:57

    et ... dans l’ocean ...


  • Linz 16 février 2009 22:33

    Et ce n’est pas tout ; il y a aussi des froissements de tôle dans l’Ocean entre deux sous-marins nucleaires !


    • Halman Halman 17 février 2009 02:51

      C’est vraiment curieux et représentatif votre intervention.

      Deux voitures qui se touchent et risquent de tuer leurs occupants. C’est la routine, un constat et on en parle plus, aux assurances de s’en occuper.

      Deux avions qui se percutent c’est spéctatulaire et alimente les actualités de journaleux en manque d’audimat et les débateux à la gomme qui se jettent sur les forum pour en déverser leur humeur du moment et leur pseudo science du domaine.

      Mais deux sous marins qui se touchent navigant en aveugle et en mode furtif pour ne pas se faire repérer et c’est le scandale.

      Il y a des sous marins nucléaires au fond des océans depuis les premiers temps de la guerre froide, mais infiniment moins que des avions et d’accidents de voitures.

      Etonnant non ?


  • finael finael 16 février 2009 23:22

     Comme je j’ai écrit dans un autre article, la collision entre ces deux satellites était prévisible et forcément prévue  : Tous les satellites sont suivis de très près par de très nombreux observatoires, et pas seulement militaires et américains, mais de tous les pays, et jusques et y compris de nombreux amateurs (plusieurs milliers) pour votre gouverne l’ISS est visible à l’oeil nu.

     En effet le suivi des satellites est indispensable pour l’observation astronomique et spatiale (pour éviter les inexactudes dans les observations, les données parasites, ...., c’est pourquoi on peut se procurer les heures de passage ainsi que les trajectoires auprès des observatoires.

     Donc cela faisait des mois que l’on savait que ces deux satellites allaient entrer en collision. Peut-être même cela a-t-il été une expérience.


  • Halman Halman 17 février 2009 02:32

    Finael si prévoir les trajectoires des satellites était aussi facile cela se ferait depuis longtemps.

    Plus les objets sont petits plus ils sont sensibles à la moindre perturbation. Un gant oublié qui passe près de l’ISS voit sa trajectoire perturbée.

    Tout comme il est perturbé par les variations d’orbite de la Lune qui sont bien plus complexes que vous ne le pensez. Il ne suffit pas de calculer le demi grand axe de l’orbite, sa période de révolution, son inclinaison, son ecliptique ou son énergie potentielle ou cinétique. Il y a les paramètres généraux et les variations de paramètres.

    Une orbite ce n’est pas seulement la vitesse et la distance. Ce sont des dizaines de paramètres qui varient en permanence.

    Procurez vous un simulateur gravitationnel et vous découvrirez que d’un processeur à l’autre les trajectoires divergent avec le temps, changez de langage de programmation et vous verrez le même phénomène.

    Essayez la simulation d’un vaisseau Apollo pour la Lune.

    Changez le pas du calcul d’une seconde, la vitesse sur un des axes que seulement d’un cent millième de mètre, une accélération sur un seul des axes d’un centième de ms2, le processeur utilisé, le langage de programmation utilisé et vous verrez le vaisseau s’écraser sur la Lune, ou bien se mettre en orbite très elliptique, ou bien passer au large et se mettre en orbite solaire ou terrestre.

    Et oui, les calculs varient aussi d’un processeur et d’un langage de programmation à l’autre. Rien que pour cette raison, prétendre à une précision qu’éxigerait le calcul de la collision à plusieurs années ou mois de deux satellites dont on ne connait que très grossièrement les paramètres du ruskoff relève plus de la divination à la Tessier que du calcul sérieux.

    On peut facilement calculer que les paramètres des orbites les amènent à se rapprocher, mais savoir que tel jour ils se toucheront, c’est impossible en pratique.

    Plus vous augmentez le pas de calcul et plus la précision diminue de la même manière.

    Mais alors prendre un pas de calcul qui se rapproche du temps réel, cela devient inutile de faire des projections dans le futur. Si pour cela vouloir prévoir une trajectoire à telle date revient à le calculer pratiquement en temps réel pour en avoir une précision encore toute relative.

    Ainsi autant lors d’un rendez vous orbital les ordinateurs calculent très rapidement les vecteurs d’accélérations et d’axes à prendre pour rejoindre l’ISS, autant il est impossible de prétendre au km près si dans deux ans tel satellite passera à telle heure au dessus de Paris ou au dessus de Madrid.

    Les variations et perturbations gravitationneles extérieures sont trop nombreuses.

    Même la densité de l’atmosphère à ces altitudes est variable et mal connue. Comme au raz du sol, cette densité qui augmente la trainée des satellites varie selon l’endroit et selon la température, la saison, la position de la Lune qui influe aussi gravitationnellement sur les particules à ces distances là.

    Tous les objets, des plus gros aux plus minuscules sont perturbés par les mascons, les variations de densité de notre planète qui font varier la gravité au dessus de chaque point de la planète, donc sa trajectoire à l’instant t, donc sa trajectoire future qui s’écarte en augmentant des prévisions.

    Perturbés par les planètes, la Lune, les autres objets autour de la Terre.

    Ainsi faire une simulation c’est faire des choix de compromis.

    De même augmentez le nombre de d’orbites d’objets à calculer dans votre simulation et vous augmentez le temps de calcul et diminuez la précision. Lancez une simulation avec juste un satellite autour d’une planète, il vous simulera la trajectoire sur 50 000 ans en quelques dizaines de minutes. Lancez la simulation de plusieurs dizaines de corps, pour arriver à 50 000 ans de simulation il faudra des semaines au même ordinateur.

    Hors le nombre de corps en orbite autour de la Terre est de plusieurs milliers, qui se perturbent l’un l’autre et qui sont perturbés par les planètes du système solaire.

    Il est donc impossible de calculer si tel jour à telle heure au dessus de tel endroit on pouvait voir la Lune à l’époque de Néandertal où si tel jour telle heure deux débrits vont se froler ou pas.

    Par contre on peut calculer les paramètres généraux. On peut savoir la distance moyenne de la Lune, sa vitesse moyenne, sa révolution, sa rotation, les marées, la révolution et la rotation terrestre assez facilement.

    Quant aux telescopes, pour pouvoir avoir des données exaustives permettant de connaitre en temps réel chaque objet en permanence il faudrait que la planète soit recouverte de telescopes qui observent à toutes les distances 360 degrés en azimut et en hauteur 24 heures sur 24. Hors la moitié du temps (le jour) c’est impossible, sans compter les nuits où le ciel est couvert.

    Et demandez aux gens de payer des impots pour des telescopes, 99% vous répondront qu’ils préféreraient payer des impots à des choses plus utiles.

    Surtout en cette période de préoccupations ultra terre à terres.


    • finael finael 17 février 2009 14:37

      Mais cela se fait depuis longtemps, très longtemps.

      Si on ne prévoyait pas, avec une extrême précision la postion et la trajectoire des satellites vous n’auriez ni communication par satellite, ni GPS, ni Google Earth, pour ne prendre que les applications "grand public".

      "sensibles à la moindre perturbation" certes, mais à l’échelle !!!

      "Un gant qui passe à proximité de l’ISS voit en effet sa trajectoire pertubée ... en fonction des masses respectives et du carré de leur distance (en mètres)

      Il a fallu être capable de détecter les variations d’orbite de satellites spécialement conçus pour ça au mm près pour découvrir que la terre n’était pas parfaitement ronde.

      Pour les exemples que vous donnez, vous n’avez pas vraiment idée des ordres de grandeur, une variation de vitesse de 1/1000 de mm/s n’enverra pas une capsule Apollo s’écraser sur la Lune.

      Quant aux téléscopes, sachez que des milliers (en fait des dizaines de milliers) d’amateurs observent le ciel en permanence et rapportent leurs observations aux observatoires. Lisez, ne serait-ce qu’une seule fois "Ciel et Espace" et documentez-vous un minimum !


  • Halman Halman 17 février 2009 02:42

    Patrice,

    Ce n’est pas "négligence" des autorités spatiales.

    C’est impossiblité de calcul pour les raison que je viens de décrire.

    Ce n’est pas histoire de l’aviation, mais de l’astronautique.

    C’est Mission To Mars la main transpercée.


  • Halman Halman 17 février 2009 03:10

    Patrice.

    Vous êtes informaticien et vous parlez comme ça.

    Etonnant non ?


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