vendredi 6 mars 2009 - par jjwaDal

Kepler part à la chasse aux exoterres

La NASA s’apprête à lancer un nouveau satellite "Kepler" doté d’un télescope de petite taille (1,4m de diamètre) qui a pour mission principale de faire un début d’inventaire des exoterres en « zone habitable » et plus généralement étoffer le catalogue d’exoplanètes qui est encore très clairsemé en planètes telluriques.

Placé sur une orbite héliocentrique dans le sillage de la Terre (derrière elle sur son orbite) il devrait au minimum pendant 3 ans et demi (jusqu’à six ans) observer simultanément plus de 100000 étoiles pour détecter par photométrie toute variation de la luminosité de l’étoile (sa performance théorique est de 20ppm) compatible avec le passage d’une planète entre le télescope et l’étoile visée.

	Le début d’une longue route vers la réponse à de multiples questions fondamentales pour la science, voire l’humanité entière.

On dénombre plus de 340 exoplanètes (orbitant autour d’une autre étoile que le soleil) début 2009, la plupart détectées grâce à des méthodes spectroscopiques (on mesure les variations de vitesse d’une étoile par rapport à nous, signe qu’une ou des planètes oblige(nt) l’étoile à tourner autour du barycentre des masses et donc à avoir un mouvement relatif se superposant à son mouvement orbital dans la Galaxie. La majorité des systèmes planétaires sont accessibles (sauf ceux perpendiculaires (ou quasiment) à la ligne de visée) mais l’état de l’art dans la mesure fine des vitesses a surtout permis d’identifier des grosses planètes orbitant près de leur étoile, non que ce soit la majorité des planètes, mais le résultat d’une observation à travers des oeillères liées aux limites instrumentales et au temps d’acquisition des données.

La seconde méthode (par le nombre de résultats, environ 15% des planètes détectées ce jour) est la photométrie, donc la mesure très fine (moins d’un millième de variation) de la luminosité d’une étoile permettant de détecter le passage d’une planète entre l’étoile et nous. Un satellite européen « Corot » (le petit frère de « Kepler ») est déjà en orbite et a livré ses premiers résultats, mais on attend nettement plus de ce nouvel observatoire (entre quelques centaines et quelques milliers de signatures de planètes).

 Il faut au moins trois signaux consécutifs pour avoir une bonne signature de planète et donc il faudra trois ans d’observations pour voir une terre à 1 UA d’une étoile jumelle du soleil et donc l’observatoire verra plutôt bien tous les objets à moins d’une unité astronomique de l’étoile en 3 ans et demi et un peu plus lointains si la mission est prolongée à 6 ans par exemple. Mais une planète de type Jupiter (à la distance à laquelle on la trouve ici) nécessiterait près de trente ans d’observations avec « Kepler » (3 passages) et sera donc inaccessible.

Que pense-t-on trouver au vu des théories en vigueur, des observations actuelles et des performances du télescope ?

On pense trouver toute une gamme de planètes entre 0,1 UA et 1,5 UA dont les masses s’étaleraient entre celle de Mars (peut- être à la limite de détection) et au-delà de la masse de Jupiter. Mais l’attente la plus grande concerne bien sûr toute la gamme entre 1/2 de la masse terrestre et 5 à 7 masses terrestres (donc une catégorie absente dans le système solaire), en particulier des planètes « océan » (potentiellement recouvertes d’eau avec un océan très profond) et des planètes de glace (car situées dans la région où se trouve Mars dans notre système).

La théorie prévalente indique que la formation des planètes telluriques est très facile mais on ignore encore dans quelle proportion (a priori faible) se fait la migration des géantes (formées à grande distance) vers leur étoile et les conséquences les plus fréquentes pour les objets telluriques. Par contre Michel Mayor (co-découvreur de la « 1ère exoplanète ») qui utilise sans doute le meilleur spectrographe actuellement en activité affirme au vu des résultats de « son » instrument (HARPS) que la (quasi) totalité des étoiles ont des planètes et donc en y associant les résultats de Kepler nous aurons une contrainte sur l’étendue de l’intervalle des solutions trouvées par la nature pour héberger des planètes à moins de 1,5 UA et surtout leurs prévalences respectives.
 
Les scientifiques avant le lancement pensent a priori que Vénus est un type de planète qui doit être assez répandu, mais pour le reste tout est encore pratiquement imaginable. En particulier on sait qu’une planète plus massive que la Terre pourrait élargir la « zone habitable » vers l’extérieur via une plus grande chaleur interne et une dissipation plus lente (rapport surface/volume inférieur) un effet de serre majoré via une atmosphère plus épaisse et massive, au point de se trouver au niveau de l’orbite martienne chez nous, voire au-delà...

Rien n’indique encore que les planètes « Terre » soient rarissimes, même si les résultats préliminaires de Corot semblent un peu décevants.

Si le satellite fonctionne correctement, nous aurons perdu dans une décennie la naïveté qui est encore de mise aujourd’hui dans nos spéculations. N’était la contrainte budgétaire on aurait pu faire bien mieux que « Kepler », mais nul doute que les résultats qu’il va livrer seront décisifs pour les financements et réalisations ultérieurs. On sait d’ores et déjà que les techniques existent et sont en préparation pour l’imagerie directe de ces corps et pour la détermination d’une présence probable de vie à leur surface (en identifiant par ex la signature de l’ozone dans l’atmosphère indiquant une atmosphère très oxygénée signature directe de vie au moins microbienne).

C’est le vrai départ d’une très longue quête de la vie extra-terrestre et au-delà d’une éventuelle civilisation étrangère dans notre banlieue galactique. Une quête du Graal en quelque sorte qui débute vraiment...



9 réactions


  • Olga Olga 6 mars 2009 14:29

    Est-ce que l’on sait quelle partie de la galaxie sera étudiée ? La distance en années lumières qui sépare la Terre de ces étoiles ?
    Est-ce qu’il y a des zones de la galaxie davantage fournies en étoiles accompagnées de planètes telluriques observables (ou alors on se contente d’observer "au plus près"... ) ?


    • jjwaDal marcoB12 6 mars 2009 22:48

      L’étude porte sur l’Univers local dans la direction des constellations du Cygne et de la Lyre.
      Il y a les étoiles voulues dans un rayon de quelques centaines d’années-lumière.
      La sensibilité des meilleurs spectrographe semble indiquer que la quasi-totalité des étoiles ont
      des planètes, regarder loin ajouterait de la difficulté...
      Les planètes telluriques les plus observables sont forcément situées autour d’étoiles proches.
      Impossible a priori de déterminer si une zone de la Galaxie est plus riche en planètes (la teneur en
      éléments lourds d’une étoile ne semble pas un bon indicateur car on soupçonne que des impacts à
      la surface des étoiles pourraient cacher la teneur moyenne de l’étoile par pollution de surface).
      Sinon plus la densité d’étoiles est grande plus on doit s’attendre à un grand nombre de planètes,
      au-delà on a bien trop de théorie et trop peu de données pour le moment.


  • docdory docdory 6 mars 2009 15:48

     @ MarcoB12

    J’ose espérer qu’ils ont mis dans ce télescope Kepler un appareillage genre spectromètre pour tester, si cela est possible, la composition atmosphérique des exoplanètes . Si l’une d’entre elle comporte de l’O2 en proportion élevée , cela signerait avec une quasi certitude la présence d’une vie extra-terrestre sur cette planète .


    • Cosmic Dancer Cosmic Dancer 6 mars 2009 19:10

       smiley
      Un Prélude à Fondation ?


    • jjwaDal marcoB12 6 mars 2009 22:58

      L’unique instrument de l’observatoire est son photomètre. Ce sont d’autres appareils
      qui seront chargés de donner suite aux observations les plus intéressantes.
      Le compte à rebours est ici et le site où vont apparaître les nouvelles exoplanètes (un
      des meilleurs) me semble être .


    • jjwaDal marcoB12 7 mars 2009 11:55

      @ cosmic dancer

      On sait depuis moins de 2 décennies qu’il est possible via l’astronomie de détecter
      des systèmes planètaires, d’identifier des planètes telluriques, de les étudier, voire
      de les cartographier, d’estimer la présence de vie, voire d’une civilisation...
      Techniquement (voir starshade, les concepts d’hyper télescopes) nous savons que
      nous pourrons le faire, il faut cependant du temps pour mettre au point les techniques.
      A priori toutes les planètes "habitables" doivent déjà l’être, car nous arrivons
      un peu tard. Je pense que "fondation" existe et s’est faite sans nous...


  • médy... médy... 6 mars 2009 20:49

    C’est bien s’ils partent prendre un peu l’air après avoir bousillé notre planète.


  • Graffias Graffias 7 mars 2009 10:24

    Hormis l’aspect technologique, ce qui est interessant d’observer ce sont les crédits alloués à la recherche spatiale alors que ce pays se trouve en quasi-faillite. J’imagine Kepler emporter avec lui un détecteur de pétrole, dans ce cas prévenir toute vie extraterrestre que les Américains n’ont pas hésités à exproprier amérindiens et Irakiens pour cette ressource, que faire du commerce avec eux c’est seulement à leur avantage et qu’en cas de désaccords ils peuvent être dangereux et belliqueux.


  • Halman Halman 7 mars 2009 11:25

    Graffias, ce sont ces technologies là qui tirent un pays vers le haut, font rentrer les milliards, font notre prestige qui amènent à ce qu’on nous signe des contrats pour que vous puissiez bosser ; et dont vous ne pouvez plus vous passer.

    Si on vous supprime ces technologies là, plus de gps, plus de sattellite, plus de tel portable, plus votre ordinateur pour donner votre avis sur le net, mais surtout plus d’appareils d’imageries médicale dans les hôpitaux pour vous soigner, etc.

    Mais je suis sur que vous savez bien tout cela.



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