samedi 31 mai 2008 - par crew.koos

La société évolue... la maison aussi (2)

Suite de nos aventures dans la maison du futur. Nous regardons plus particulièrement aujourd’hui les développements dans les domaines de l’entertainment et quelques "prévisions" pour un futur plus ou moins proche.

Évolution des usages liés au divertissement dans le foyer numérique connecté

Une récente étude [10] de Strategy Analytics, prévoit le quadruplement du nombre de terminaux électroniques de loisirs grand public connectables à Internet entre 2006 et 2012. Cette étude distingue les terminaux fixes du foyer (téléviseurs à écrans plats, lecteurs de DVD, enregistreurs de DVD, STB, DVR, consoles de jeux next-gen et systèmes audio) des terminaux portables (appareils photos numériques, lecteurs MP3, lecteurs multimédia, consoles de jeux portables, ordinateurs de loisirs, téléphones mobiles ainsi que terminaux émergents). La croissance de l’ensemble de ces terminaux connectés dans le foyer illustre pour une part la vision que l’on peut se faire de la maison du futur dans un avenir proche.

L’Asie, le futur de l’Europe ?

En ce qui concerne les loisirs dans le foyer, les usages évoluent vite, notamment du fait de l’appropriation rapide des nouvelles technologies par les jeunes générations. La VoIP a pris du galon au détriment du téléphone fixe historique, on commence à préférer l’accès aux contenus à la demande et au « catch-up TV » depuis un serveur distant plutôt que de programmer son magnétoscope ou de regarder la télévision en linéaire et la VoD remplace progressivement la location de films traditionnelle. Le tout IP gagne du terrain dans le domaine du divertissement dans les foyers. Cette tendance devrait s’accentuer avec la généralisation du très haut débit par la fibre (FTTH) qui facilitera la simultanéité des usages dans le foyer, les téléchargements vidéos et la possibilité de faire du foyer non seulement un lieu de réception de programmes audiovisuels, mais aussi d’en faire un lieu de diffusion. Dans une société où les individus se révèlent de gros producteurs de contenus numériques, ce type de services devrait se développer rapidement.

Les populations asiatiques sont particulièrement réceptives au développement et à l’adoption des nouvelles technologies et les gouvernements s’impliquent souvent dans leurs déploiements. Ainsi, de fait, les usages liés au développement des services à très haut débit sont plus rapidement matures en Asie que partout ailleurs dans le monde. Malgré les différences culturelles, on peut prédire qu’une grande partie des pratiques technophiles actuelles des foyers asiatiques à l’égard des loisirs devraient se répandre dans nos foyers européens dans les prochaines années.

En Corée du Sud et au Japon, télévision haute définition (TV HD) et e-learning se sont développés grâce à l’arrivée de la fibre dans les foyers. À Hong Kong, l’opérateur PCCW offre un service IPTV de grande qualité nécessitant du THD. À Taiwan, l’opérateur Chunghwa offre des contenus à la demande via une plate-forme constituée de partenaires « multimédia à la demande » (MoD) à un tarif forfaitaire, conjointement avec des services à valeur ajoutée plus traditionnels comme des films ou des séries TV à la demande (VoD).

En Norvège, un des pays européen les plus en avance concernant le développement du THD dans les foyers, la fibre est déployée notamment par l’opérateur Lyse Tele dont la maison mère est Lyse Energi, fournisseur de gaz et électricité. Lyse Tele offre des services quadruple play, de la TV HD et de la VoD allié à un service de sécurité.

Notre futur intérieur : quels services innovants pour quels usages ?

La société est-elle mature pour les objets communicants ?

Dans la première partie nous avons évoqué l’histoire un peu morose de la domotique intégrée à l’habitat. Le réfrigérateur communicant (partenariat Electrolux / France Télécom) est l’emblême même de ces services de domotique ayant échoué à trouver un marché. En 2006, les danois expérimentaient encore des produits alimentaires munis de puces RFID qui permettaient au réfrigérateur d’informer - via SMS ou par Internet - les consommateurs sur la traçabilité des produits ou leurs valeurs nutritionnelles, de fournir des idées de recettes ou d’alerter le consommateur sur les dates de péremption des produits et les risques d’allergies (projet Helpful food of the future).

Outre la question de l’interopérabilité des équipements connectés dans le foyer que nous avons évoquée au début de cet article, il semble que, jusqu’à présent, les foyers n’étaient pas prêts à investir dans de l’électroménager communicant, sans doute jugé trop onéreux face à une valeur ajoutée qui ne les avait pas encore convaincue. Les prix vont-ils chuter et les mentalités vont-elles évoluer d’ici à 5 ou 10 ans pour voir s’immiscer de plus en plus d’objets communicants dans nos foyers ? La chute des prix est prévisible. Ce qui l’est moins, c’est l’évolution de nos états d’esprit. Cependant, certains argumentaires qui iraient dans le sens d’un bien-être supplémentaire pour les individus dans le foyer, d’une économie financière, d’une préservation de qualité de vie ou d’un discours plus fortement dirigé à l’attention de publics spécifiques pourront sans doute influencer nos choix de vie et donner aux objets communicants une vraie place dans nos intérieurs de demain.

Initiation aux gadgets connectés dans le foyer

Certains gadgets se présentent comme de premières étapes possibles vers la maison du futur de demain. À la différence du Nabaztag, le terminal Chumby est doté d’un mini-écran de 3,5 pouces et ne ressemble en rien à un animal domestique. Lancé courant 2007, ce gadget de la maison connecté en Wi-Fi donne accès à musique et photos personnelles via une interface personnalisable, mais permet aussi à ses utilisateurs de créer et partager des widgets au sein de la communauté Chumby.

Plus de confort, plus de design, plus d’interfaces

Parmi les objets communicants de confort dont on peut pressentir un développement commercial à grande échelle dans la maison du futur figure le robot-aspirateur qui en plus de nettoyer fait office d’outil de télésurveillance. Lancé par l’opérateur coréen KTF à l’automne 2007, ce nouveau robot ménager équipé d’une caméra et d’un modem 3G peut être activé et téléguidé à distance via son mobile ou envoyer une alerte SMS aux membres du foyer s’il détecte un mouvement suspect dans l’habitat.

Plus récemment, le lauréat [11] français de l’édition 2008 de la Carte blanche du VIA (Valorisation de l’innovation dans l’ameublement) a présenté un projet baptisé Interfaces qui s’appuie sur le principe d’intelligence ambiante dans la maison. Il a créé cinq prototypes d’objets pour la maison du futur :

- Waaz, une étagère détectant les signaux RFID et qui peut lire les informations d’une pochette de CD ou de DVD dotée d’une puce ;
- WaSnake, une étagère équipée d’écrans pour afficher des SMS ou des flux RSS ;
- WaDoor, un panneau d’affichage personnalisable sur base d’un papier écran électroluminescent qui peut afficher des informations ou des ambiances (paysages, ...) à l’envie ;
- WaNetLight, un éclairage sophistiqué qui permet de réaliser de véritable « compositions lumineuses » en faisant varier la couleur, la luminosité, la profondeur, le rythme, ...
- WaPix, deux cadres photos numériques "chronopictographique" communicants qui permettent de « visualiser des moments, des lieux, des situations plutôt que des instantanés. ».

Surveiller ou veiller sur... les seniors, les personnes handicapées ou malades

La maison du futur anticipe le vieillissement de la population de nos sociétés industrialisées et s’interroge sur les services et terminaux connectés à offrir. La plupart des scénarios envisage un habitat jonché de capteurs, d’objets connectés fixes ou nomades et de services interactifs.

Dans un article publié en janvier 2008 par l’Atelier, l’auteur décrit un « écosystème de santé à distance » présenté à l’occasion du CES à Las Vegas par la société 4HomeMedia, qui devrait être commercialisé à la fin de l’année 2008. Ce service s’appuie sur des capteurs répartis dans différentes pièces de la maison, voire sur des objets même (réfrigérateur, ...) afin de détecter les mouvements de l’individu, de contrôler sa pression sanguine, son rythme cardiaque ou son poids. Les données ainsi collectées sont visibles sur un site web dont l’accès est réservé aux proches et aux médecins. En cas d’anomalie concernant les résultats, un message d’alerte peut être envoyé aux personnes concernées.

Ce type de plate-forme médicale à domicile devrait se développer étant donné les économies qu’elle représente face au placement d’une personne âgée dans une résidence médicalisée. Ces services pourront également trouver une demande auprès des personnes à mobilité réduite ou dépendantes cherchant à vivre de la façon la plus autonome possible.

Encore à l’état de recherche, de nombreuses technologies parallèles sont étudiées pour répondre à des maladies ou des besoins précis, tels que la capture de mouvement 3D et les capteurs de chutes (Cea-Leti), les systèmes de mesure liés aux mouvements (Movea), les capteurs embarqués (Minalogic, projet Care@Home), la détection et la caractérisation de crises d’épilepsie (Projet Capametrim du Cea), ...

Conclusion

La « Next-Gen Home » présentée au CES de Las Vegas en janvier 2008 ne comportait rien de révolutionnaire, sans doute une image assez réaliste de la maison du futur à horizon 2015. Il n’y aura pas de rupture majeure, les terminaux et services de la maison évolueront dans la continuité de ce que nous connaissons actuellement, avec certes un peu plus de liant entre ces terminaux et ces services, une mise en réseau et une centralisation rendues possible. Tout sera de plus en plus connecté à l’IP (Internet Protocol), la maison sera dotée de plus en plus d’écrans, d’ordinateurs et de puces RFID, plus ou moins visibles. Les données numériques deviendront sans doute omniprésentes et encore plus faciles d’accès dans toutes les pièces de la maison. Le foyer pourra aussi sans doute se personnaliser « à la demande » au moyen de technologies ambiantes, variables selon ses humeurs. On peut prévoir que les possibilités de communication en continu tendront alors à estomper un peu plus la frontière entre la maison et le lieu de travail, entre la maison et le médecin ou l’hôpital.

 


[1] Le trafic Internet mondial devrait être multiplié par 4 entre 2006 et 2011, selon Cisco (Source : JDN - Janvier 2008)

[2] Lapin-robot blanc connecté à Internet via Wi-Fi, né en 2005. Il sert de radio, signale à son propriétaire la réception d’emails, donne l’heure, la météo ou les cours de la bourse.... 170 000 exemplaires vendus au mois d’octobre 2007, selon Clubic.

[3] En Octobre 2007, l’entreprise Violet a annoncé que le Nabztag Tag serait capable de détecter des puces RFID insérées par exemple sur un livre et de déclencher ainsi leur lecture en version audio depuis le lapin.

[4] « Maison communicante » : expression créée dans les années 2000 par Bruno de Latour, journaliste.

[5] Projet lancé au mois de janvier 2008 pour une période de 3 ans. Parmi les partenaires français, on compte Orange Labs, Thomson, l’INSA/IETR et Spidcom, spécialiste des communications très haut débit par courants porteurs.

[6] Partie de la couche liaison de données (couche 2) qui assure la gestion de l’accès au support physique (Définition Futura-Sciences.com).

[7] L’auteur de ce concept serait John Chambers, Président de Cisco à cette date-là.

[8] Projet House_n, initiative du Département d’architecture et du laboratoire des médias du MIT (baptisé « Maison du consortium futur du MIT »).

[9] Cf. François Truffaut dans son adaptation cinématographique de Fahrenheit 451, sortie en 1966.

[10] Digital home entertainment devices : global market forecast Q407 (Strategy Analytics - Dec. 07)

[11] Jean-Louis Fréchin. « L’objet est, aujourd’hui plus qu’hier, au-delà la surface. L’enjeu porte aujourd’hui sur les formes de la modernité que nous souhaitons habiter. Le design n’est-il pas le lien manquant entre l’industrie, les différentes disciplines impliquées, les technologies, les gens et les pratiques ? (...) Le design est l’interface. »

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5 réactions


  • Krokodilo Krokodilo 31 mai 2008 12:49

    Faute de frappe : L’intertainment, c’est l’internement dans la maison du futur.


  • Céline Ertalif Céline Ertalif 31 mai 2008 14:04

    Bonjour,

    Dans le mot immobilier, il y a immobile. Il me semble qu’il est très difficile de se projeter dans un avenir sans référence stable. Or c’est précisément le rôle que joue le domicile privée dans notre société sédentaire. Il me semble que les investisseurs en domotique et autres promoteurs de maison intelligente n’ont pas investi là où il fallait : d’abord dans une compréhension de toutes les dimensions sociales et psychologiques de l’habitat.

    Le peu d’intérêt manifesté pour le premier article alors qu’Agoravox est fréquenté par de nombreux technophiles est à la fois une confirmation de mon précédent paragraphe et une énigme non résolue.


  • Hal. Hal. 1er juin 2008 06:03
    Hélas... plus personne n’aura bientot les moyens de ce payer une telle maison smiley

  • blurpy 1er juin 2008 10:04

    oui on aura plus les moyens, et c est tant mieux ! toutes ces technologies delirantes dont on nous crée le besoin et qui nous obligent à travailler comme des esclaves pour esperer se payer quelques gadjet plus ou moins inutiles, ca commence à bien faire !

    De plus c est ca qui pourri la terre, et cette lutte pour l energie que devore tout ces truces inutiles sera peut etre la cause de la prochaine guerre

     

     


  • nodesign 3 juin 2008 09:50

     Un des articles les plus interressant lu sur le sujet. sérieux et documenté. Les commentaires confondent les propositions et les pratiques .

    Les propositions sont inscrites dans culture humaine de la découverte et sa transformation en produit.

    Les pratiques sont ce que les gens font de ces propositions. 

    La dimension futuriste de l’article ne doit pas faire oublier que les box, présente aujourd’hui permettent dèja de contrôler avec quelques accessoires, la plupart des objets de loisirs, conforts, sécurité dans la maison.La maison de demain sera irriguer par IP (version 6) et nous auront une unification des technologies.

    Cette maison ne sera pas un demonstrateur spectaculaire mais une évolution des techno, des usages et de la réalité d’un espace domestique intime.

    Demain est aujourd’hui.

     

     

     


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