Le génie d’Internet
Travaillant depuis quelques années sur le Web et ayant depuis passé de nombreuses heures en ligne, j’ai vu une infinité de contenus défiler. Internet, conçu à l’origine pour être la « mémoire de l’humanité » semble parfois avoir renoncé à ce noble dessein pour devenir le « dépotoir de l’humanité ». L’ambivalence du Web réside dans le fait que chacun, délivré d’une bonne partie de ses inhibitions IRL, peut s’exprimer comme il le souhaite sur les contenus qu’il choisit. Une occasion d’exprimer ses opinions, sa créativité et son ingéniosité mais aussi un terreau fertile pour les trolls, sapeurs d’opinion et autres « brigands du Web », voire un instrument de manipulation, de propagande ou de terreur.
Je voudrais cependant aujourd’hui me focaliser sur le positif et vous parler de trois de mes initiatives favorites. Elles révèlent à mon sens tout ce qu’Internet a de génial, de facilitateur et de novateur. Elles s’accompagnent également en support ou soutenues par des actions offlines.
La première correspond au mouvement multimédia « Playing for Change » dont l’objectif est de connecter et inspirer les personnes du monde entier par la musique. L’aventure commence en 2002 quand les deux fondateurs, Mark Johnson et Whitney Kroenke, marchent dans New York avec un studio d’enregistrement mobile pour enregistrer et filmer les musiciens des rues ; un premier documentaire sortira d’ailleurs mettant en scène cette aventure intitulé « A Cinematic Discovery of Street Musicians ». En 2005, en entendant une version de Stand By Me interprétée par Roger Ridley à Santa Monica (CA), Mark Johnson a une nouvelle idée : enregistrer simultanément des musiciens du monde entier jouant le même morceau. Depuis ce jour, l’équipe de Music for a Change parcourt tous les pays pour enregistrer et filmer des musiciens de tout horizon. On tombe parfois sur des stars de la musique qui se glissent dans les vidéos.
Une chaîne YouTube intitulée Playing for Change est crée le 1er janvier 2008. Elle est encore active aujourd’hui et compte plus de 575 000 abonnés et 250 millions de vues ! Le mouvement a par la suite diversifié ses activités en faisant monter sur scène de nombreux musiciens sous le nom de Playing For Change Band, groupe qui tourne encore aujourd’hui. L’organisation à but non lucratif Playing For Change a également été créée en 2007 et développe des écoles de musique et des programmes éducatifs à travers le monde pour proposer « inspiration et espoir pour le futur de notre planète ». A titre d’exemple, voici deux des vidéos les plus emblématiques qui ont été tournées suivant le concept expliqué ci-dessus : Stand by Me de Ben E. King et One Love de Bob Marley.
En 2012, une association norvégienne d’aide humanitaire a une idée géniale pour casser les clichés misérabilistes véhiculés parfois par nos « besoins et aspirations humanitaires » et exagérés par certaines vidéos grand public. Elle regroupe un large panel d’artistes africains qui collecte apparemment avec le plus grand sérieux des radiateurs à destination des enfants norvégiens. La campagne Radi-Aid est accompagnée par la sortie du single Africa for Norway où une chorale chante avec entrain, et une bonne dose de second degré, qu’aujourd’hui c’est au tour de l’Afrique d’aider la Norvège. L’idée sous-jacente est simple, elle consiste à dire que si quelqu’un ne connaît pas la Norvège et qu’il voit cette seule vidéo, il va forcément se dire que la situation norvégienne est absolument terrible. Le concept fonctionne très bien et la vidéo est hilarante. En l’espace de 3 min, la plupart des clichés sont démontés. L’humour décapant du clip n’épargne pas forcément ceux pris de nobles intentions humanitaires et qui veulent bien faire. Il a été vu près de 3 millions de fois sur YouTube.
Enfin, la troisième initiative est plus récente et fait encore parler d’elle. Pour demander avec les manières aux Foo Fighters de venir donner un concert en Italie, 1000 rockeurs venus de toute le pays se sont réunis l’espace d’une journée pour enregistrer et filmer une version exceptionnelle de Learn To Fly (l’un des hits du groupe de Dave Grohl). La vidéo, bien filmée, communique la joie simple, l’euphorie et l’énergie positive des musiciens. Le projet a mis plus d’un an à se mettre en place (campagne de levée de fonds, campagne de communication, mise en place des infrastructures…) mais le résultat fait mouche. Elle a été vue 22 millions de fois en quelques jours, et les Foo Fighters ont d’ores et déjà répondu directement en annonçant qu’ils viendraient bien faire le concert demandé.
Ces trois initiatives essentiellement « musicales » et qui débordent parfois du cadre Internet véhiculent à mon sens des valeurs extrêmement positives de solidarité, de travail, d’autodérision, de créativité et d’action commune. Elles répondent également à de hauts critères de qualité. Enfin, elles partagent une idée qui fera long feu et bien répandue : une utilisation ingénieuse des nouvelles technologies de la communication et de l’information au service d’une cause permet de toucher de larges publics et de diffuser à une très large échelle les contenus que l’on souhaite. Elles font également beaucoup d’émules et sont une excellente source d’inspiration. Internet, connecting people…
Ambroise Raymond.