Le paradigme de l’information au XXIème siècle
La science moderne est issue de la technique et de la mesure. Elle a commencé par l’étude des choses mécaniques, qui se déplacent, se meuvent. Loi des graves avec Galilée, circulation sanguine avec Harvey, force de gravitation avec Newton. Descartes suggère la thèse de l’animal machine. Pendant le siècle des Lumières, le mécanisme sera un totem pour les savants, les philosophes et les gens de la cour. Le corps humain est une machine à laquelle s’est jointe la volonté selon Rousseau. La théologie naturelle du déisme se place sous l’égide du grand architecte qui est aussi un grand horloger.
Un changement de paradigme s’opère entre 1950 et 2020. L’automate mécanique est remplacé par le computer et la machine de Turing qui à l’origine était censée représenter une personne virtuelle capable d’exécuter des procédures de calcul et de raisonnement. Si les bourgeois éclairés des Lumières étaient fascinés par les automates, la machine de Turing joue un rôle équivalent dans la mesure où elle simule le fonctionnement cérébral et non plus mécanique. Quant au grand horloger, il a été remplacé par une machine de Turing universelle, puis un computer quantique universel censé gouverner l’univers.
La biologie a toujours été en retard sur la physique. En 1970, Monod énonce un peu rapidement le triomphe de la science mécaniste. Un modèle emblématique, l’opéron lactose de la bactérie, et un paradigme, celui de la régulation et de la cybernétique, appuyé par les résultats biochimiques en assument le vieil héritage du milieu homéostatique formulé par Claude Bernard. Année 2010, toujours la bactérie et cette fois un dispositif qui régule non plus les flux et les métabolites mais l’information génétique. Aux découvertes de Monod en biologie moléculaire succèdent les travaux sur les séquences génétiques, les mécanismes de contrôle du génome et les applications dont la célèbre technique Crispr-Cas9 mise au point par Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna. Un nouveau paradigme émerge, celui de l’information.
L’information, nous la retrouvons dans plusieurs champs du réel. D’abord les images, leur diffusion, leur impact, leur usage performatif. Puis les discours, les propos, les injonctions, les discussions. De la nature des informations partagées découle une certaine manière de concevoir la société, avec la démocratie et l’entente cordiale des citoyens sur le sens de la république mais aussi les dérives fanatiques. La forme se fait passer pour du contenu à notre époque du spectacle. Le paradigme de l’information inclut la compréhension des perversions, travers et autres dérives liée à un usage disons intempestif et non approprié de l’information qui ne sert plus forcément les aspirations vers des choses plus authentiques pour ne pas dire essentielles. L’information se fait passer pour du contenu et masque le sens existentiel profond.
L’accès de la physique au paradigme de l’information a emprunté un chemin issu de la théorie statistique de l’entropie formulée par Boltzmann puis la galaxie Shannon et Turing et enfin le computer, le numérique, le calculateur quantique.
Néanmoins un autre accès plus direct et plus fondamental est possible avec la mécanique quantique et la question holographique déclinée autour du sort de l’information dans le trou noir.
Un accès inédit est aussi envisageable. C’est celui que j’ai proposé en distinguant la Physique des dispositions et de la physique des communications. Trois notions sont déterminantes, la masse, la charge, le spin. La masse pour la disposition de la matière. La charge pour l’action électromécanique. Le spin pour communiquer entre les deux faces du réel. Cette dualité se retrouve avec les deux scènes du cosmos étendue. Celle qui est formalisée par la relativité restreinte et les équations du champ EM. Celle qui est gouvernée par la relativité générale. Le cosmos est réglé pour façonner une scène sur laquelle les choses peuvent jouer en étant perçues. Le réglage est assuré par des réalités physiques dont la transcription formelle comprend les invariances, les covariances et les jauges. Le monde est réglé pour que nous puissions nous percevoir et communiquer.
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