jeudi 17 mai 2018 - par Bernard Dugué

Le paradigme de l’information au XXIème siècle

 

La science moderne est issue de la technique et de la mesure. Elle a commencé par l’étude des choses mécaniques, qui se déplacent, se meuvent. Loi des graves avec Galilée, circulation sanguine avec Harvey, force de gravitation avec Newton. Descartes suggère la thèse de l’animal machine. Pendant le siècle des Lumières, le mécanisme sera un totem pour les savants, les philosophes et les gens de la cour. Le corps humain est une machine à laquelle s’est jointe la volonté selon Rousseau. La théologie naturelle du déisme se place sous l’égide du grand architecte qui est aussi un grand horloger.

 

Un changement de paradigme s’opère entre 1950 et 2020. L’automate mécanique est remplacé par le computer et la machine de Turing qui à l’origine était censée représenter une personne virtuelle capable d’exécuter des procédures de calcul et de raisonnement. Si les bourgeois éclairés des Lumières étaient fascinés par les automates, la machine de Turing joue un rôle équivalent dans la mesure où elle simule le fonctionnement cérébral et non plus mécanique. Quant au grand horloger, il a été remplacé par une machine de Turing universelle, puis un computer quantique universel censé gouverner l’univers.

 

La biologie a toujours été en retard sur la physique. En 1970, Monod énonce un peu rapidement le triomphe de la science mécaniste. Un modèle emblématique, l’opéron lactose de la bactérie, et un paradigme, celui de la régulation et de la cybernétique, appuyé par les résultats biochimiques en assument le vieil héritage du milieu homéostatique formulé par Claude Bernard. Année 2010, toujours la bactérie et cette fois un dispositif qui régule non plus les flux et les métabolites mais l’information génétique. Aux découvertes de Monod en biologie moléculaire succèdent les travaux sur les séquences génétiques, les mécanismes de contrôle du génome et les applications dont la célèbre technique Crispr-Cas9 mise au point par Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna. Un nouveau paradigme émerge, celui de l’information.

 

L’information, nous la retrouvons dans plusieurs champs du réel. D’abord les images, leur diffusion, leur impact, leur usage performatif. Puis les discours, les propos, les injonctions, les discussions. De la nature des informations partagées découle une certaine manière de concevoir la société, avec la démocratie et l’entente cordiale des citoyens sur le sens de la république mais aussi les dérives fanatiques. La forme se fait passer pour du contenu à notre époque du spectacle. Le paradigme de l’information inclut la compréhension des perversions, travers et autres dérives liée à un usage disons intempestif et non approprié de l’information qui ne sert plus forcément les aspirations vers des choses plus authentiques pour ne pas dire essentielles. L’information se fait passer pour du contenu et masque le sens existentiel profond.

 

 

L’accès de la physique au paradigme de l’information a emprunté un chemin issu de la théorie statistique de l’entropie formulée par Boltzmann puis la galaxie Shannon et Turing et enfin le computer, le numérique, le calculateur quantique.

 

Néanmoins un autre accès plus direct et plus fondamental est possible avec la mécanique quantique et la question holographique déclinée autour du sort de l’information dans le trou noir.

 

Un accès inédit est aussi envisageable. C’est celui que j’ai proposé en distinguant la Physique des dispositions et de la physique des communications. Trois notions sont déterminantes, la masse, la charge, le spin. La masse pour la disposition de la matière. La charge pour l’action électromécanique. Le spin pour communiquer entre les deux faces du réel. Cette dualité se retrouve avec les deux scènes du cosmos étendue. Celle qui est formalisée par la relativité restreinte et les équations du champ EM. Celle qui est gouvernée par la relativité générale. Le cosmos est réglé pour façonner une scène sur laquelle les choses peuvent jouer en étant perçues. Le réglage est assuré par des réalités physiques dont la transcription formelle comprend les invariances, les covariances et les jauges. Le monde est réglé pour que nous puissions nous percevoir et communiquer.

 

http://www.librairiegeorges.com/events.php?blid=4647#367021

 



8 réactions


  • Ciriaco Ciriaco 17 mai 2018 10:03

    C’est sûrement intéressant mais vous pourriez faire l’effort de présenter vos concepts plutôt que de les énoncer, au moins pour vos lecteurs, car il n’est pas trivial de comprendre ce que vient faire la notion d’information à des niveaux d’organisation faible, puisque celle-ci nécessite des structures évoluées (émetteur, récepteur, code, canal).

    Une petite remarque : on ne peut pas dire que le paradigme mécanisiste ait été remplacé, les machines de Turing restent justement des automates. Le point intéressant, à nouveau, serait de savoir s’il y a équivalence formelle entre machine de Turing et machine quantique, au-delà du folklore.


    • Bernard Dugué Bernard Dugué 17 mai 2018 10:37

      @Ciriaco Certes, mais les machines de Turing reposent sur des procédures formelles dont la réalisation est assurée par des transferts d’énergie électrique. Les automates du 18ème siècle et le grand horloger reposent sur les masses et une énergie mécanique. 

      On retrouve bien la distinction entre physique des masses - dispositions et physique des communications, électrons, charges et spins

    • Ciriaco Ciriaco 17 mai 2018 11:25

      @Bernard Dugué
      Si vous voulez, bien que ce soit user de la « communication » d’une façon qui n’est pas celle de Shannon, d’où mon interrogation quant à une autre définition formelle.

      Vous êtes physicien ; en tant qu’informaticien, ma question porte plus sur l’équivalence Turing/Quantique, indépendamment des distinctions dans les processus physiques. Car si une équivalence formelle est démontrée, la machine quantique perd tout son intérêt théorique et le paradigme logique reste inchangé.


    • Bernard Dugué Bernard Dugué 17 mai 2018 11:51

      @Ciriaco La machine de Turing utilise des bits, comme n’importe quel processeur. L’ordinateur quantique utilise des qbits. Mais c’est l’homme qui pose les problèmes à résoudre par le calcul. De ce point de vue, l’ordinateur quantique n’apporte rien de plus, si ce n’est une capacité supérieure dans la vitesse de calcul. 


    • Ciriaco Ciriaco 17 mai 2018 12:05

      @Bernard Dugué
      Si c’est l’homme qui pose les problèmes, il tente de les résoudre selon une logique, qui n’est pas unique et qui a une portée de résolution. Avec la machine de Turing, on connait certaines limites (voir la théorie de la calculabilité). L’intérêt est de savoir si la logique intrinsèque à la machine quantique apporte un levier théorique face à ces limites.

      Sans cela, on pourra dire que la machine quantique est aussi intéressante que la calculatrice de Pascal, 17ème siècle.


    • Bernard Dugué Bernard Dugué 17 mai 2018 13:08

      @Ciriaco
      La machine quantique fonctionne dans le cerveau humain, avec toutes les propriétés de la matière quantique. La machine quantique existe, elle se trouve aussi chez les insectes, les plantes. Quant à l’homme, son existence consiste non pas en problèmes à résoudre mais en mystère à vivre. Le quantique ouvre vers le mystère


    • Ciriaco Ciriaco 17 mai 2018 13:33

      @Bernard Dugué
      Ce sont de toutes autres considérations, auxquelles je ne suis pas fermé, mais pour d’autres raisons. Elles sont loin et n’éliminent pas l’aspect formel qui permet de rendre compte de la portée d’une théorie et de la façon dont nous pouvons en parler.

      Une réponse formelle à la question de l’équivalence Turing/Quantique permettrait d’indiquer de façon certaine si un « saut » a été fait ou non. En dehors de cela, la question d’une logique quantique reste le fruit de l’imaginaire.

      Vous présentiez dernièrement le dernier livre de Penrose. J’ai été ravi de constater que des livres aussi raisonnables que fruit d’une grande expérience s’écrivaient encore dans ce domaine ; notre rapport aux sciences est trouble en cette époque, alors qu’il suffit pourtant de bien les comprendre pour se garder de tout rationnalisme excessif.


    • Ciriaco Ciriaco 17 mai 2018 19:18

      @Bernard Dugué
      (Bien sûr ce n’est pas en opposition au votre, ce que j’en ai à en dire est simplement que je n’en comprends pas certains principes et qu’ils ne m’apparaissent pas plus clairs ici, cela freinant quelque peu ma curiosité).


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