mercredi 10 septembre 2008 - par Charles Bwele

Le tardigrade défie le cosmos

Petit, pas beau mais costaud, le minuscule et très populaire invertébré a survécu pendant douze jours à de fortes radiations solaires et cosmiques lors d’une expérience en orbite.  

Second Life

Très proche des arthropodes, entre 0,1 et 1,5 mm de cuticule segmentée affublée d’yeux et de huit pattes griffues, Phylum tardigrada était déjà la superstar des sciences de la vie : qu’il s’agisse des 8 000 mètres de l’Himalaya, de 4 000 mètres d’eau profonde, des terres polaires, des forêts équatoriales, des toundras canadiennes, des taïgas russes, des sols sablonneux, des sédiments salins ou de votre toiture humide, « l’ourson d’eau » fait comme chez lui c’est-à-dire partout.

Mieux : il survit durablement à des radiations 1 100 fois supérieures à celle que le corps humain supporterait et résiste un certain temps à des températures oscillant de -270 °C (zéro degré Kelvin ou le zéro degré absolu !) à +150 °C ! Il le doit à une exceptionnelle faculté appelée « cryptobiose ». Quand les conditions de vie se durcissent, il abaisse son activité vitale à 0,01 % de la normale, rétracte ses pattes dans son corps, s’auto-désydrate complètement, substitue sa teneur corporelle en eau par des sucres synthétiques préservant sa structure multicellulaire – telle « une mémoire biochimique » – et enrobe sa cuticule d’une infime couche de cire appelée tonnelet du fait de sa forme.

Au vu de toutes ces capacités, les biologistes parièrent leur argent sur les chances de survie de Phylum tardigrada dans l’environnement spatial. Les départements de biologie, de microbiologie, de génétique et de toxicologie des universités de Stockholm, de Kristianstad, de Cologne, de Stuttgart et le Centre aérospatial d’Allemagne bénéficièrent du soutien financier de trois fondations suédoises et allemandes (Crafoord Foundation, Carl Trygger Foundation, Kristianstad University) dans le seul but d’infliger une expérience traumatisante à l’increvable... intra ou extra-terrestre ?

Microcosmonautes

A l’été 2007, plusieurs racks expérimentaux contenant des tardigrades rejoignirent la mission spatiale Foton-M3. Une quarantaine d’expériences scientifiques (physiques des fluides, microbiologie, protéinologie, radiologie, etc.) initiées par l’Allemagne, la Suède, la France, la Belgique, l’Italie, le Canada et la Russie, furent menées pendant douze jours dans les conditions orbitales.

Le 14 septembre, le lanceur Soyouz-U quitta le Cosmodrome de Baïkonour avec tout ce beau monde à son bord. Une fois la capsule Foton-M3 en orbite, son module semi-externe Biopan exposa une dizaine de racks expérimentaux – dont ceux contenant 4 espèces de tardigrades – au vide spatial, à de faibles et hauts niveaux de radiations cosmiques et de rayonnements solaires non-filtrés. Le 26 septembre, la capsule Foton-M3 atterrit sans encombres dans les steppes kazakhes proches de la frontière russe. Le 4 octobre, les fameux microcosmonautes furent de retour dans les laboratoires suédois, parfaitement inconscients des attentes qu’ils suscitaient.

Plus des deux tiers (68 %) des échantillons avaient survécu à cette aventure orbitale extrême. Sortis de leur léthargie, les survivants avaient rapidement restauré leurs ADN et leurs structures cellulaires avec plus ou moins d’erreurs. Selon le chef de projet K. Ingemar Jönsson de l’université de Kristianstad, bon nombre d’entre eux semblaient n’avoir subi aucun dommage cellulaire ou génétique. Depuis, les chercheurs essaient de percer le secret des aptitudes auto-réparatrices de cette millimétrique VIP.

Il n’en fallut pas plus pour réveiller les exobiologistes patentés ou en herbe. En effet, le tardigrade réunit des caractéristiques optimales de survie tant pour un voyage intersidéral dans une météorite que pour un éventuel crash de celle-ci dans quelque environnement favorable, à l’image des surprenantes nanobactéries aux origines mystérieuses. Malgré d’extraordinaires résistances tous azimuts, l’ourson d’eau a besoin d’or transparent et ne survivrait pas longtemps sur les sols lunaires ou martiens. Les investigations scientifiques germano-suédoises nous en diront plus long sur cette arrogante et coriace espèce.

PS : depuis peu, l’auteur de ces lignes connaît de sérieux litiges avec son fournisseur de solutions cryogéniques...

En savoir plus :

  1. ESA 	 : 	Lift-off for Foton microgravity mission

    	

  2. Current 	Biology : 	Tardigrades survive exposure to space in low Earth orbit, par 	K. Ingemar Jönsson (PDF, 31 $)

    	

  3. TARDIS 	 : Tardigrades in 	space (blog dédié) 	 	

    	

  4. Wired 	 : Invertebrate 	astronautes make space history

    	

  5. Agoravox 	 : Evolutionnisme 	 : la bestiole qui défie Darwin

 



27 réactions


  • Charles Bwele Charles Bwele 10 septembre 2008 10:10

    Un peu de non-sérieux... smiley

    Si jamais l’indstrie cosmétique dérivait d’une façon ou d’une autre les secrets du tardigrade, l’Oréal, Barbara Gould, Diadermine et consorts risquent-ils de nous déverser leurs "nouvelles crèmes à la cire de tardigrade" ou quelques "lotions cryptobiotiques" à 275 € les 30 centilitres ?  smiley  smiley  smiley

    Amicalement


  • el bourrico 10 septembre 2008 11:00

    Sacrée bestiole en tout cas.


  • Gilles Gilles 10 septembre 2008 11:04

    Zéro absolu = -273,15°C

    Et que voulez-vous dire par :

    "Malgré d’extraordinaires résistances tous azimuts, l’ourson d’eau a besoin d’or transparent"



  • Charles Bwele Charles Bwele 10 septembre 2008 11:08

    @ Gilles,

    L’or transparent = l’eau smiley Malgré tout, le tardigrade en a qd même besoin, même à petite dose pour vivre normalement...

    Amicalement.


    • Gilles Gilles 10 septembre 2008 11:30

      Alors peut être pourrait-il vivre sur une comète, voir être arrivé sur Terre en chevauchant sa queue .... qui sait !

      Sait-on depuis combien de temps son espèce "hante" la Terre ?


    • Charles Bwele Charles Bwele 10 septembre 2008 11:51

      En effet, le pedigree du tardigrade demeure un énorme mystère... Mais, j’ai une question complémentaire à la votre qq lignes plus bas...


    • Charles Bwele Charles Bwele 10 septembre 2008 11:53

      Je vais certainement écrire de grosses âneries. Rattrapez-moi si je dévie comme un vodkanaute à bord de sa TDI 16 S... smiley

      Des organismes présents dans la superficie ou dans les couches intermédiaires d’un météorite ne survivraient pas aux contraintes mécaniques, physiques et thermiques liées à une rentrée dans quelque atmosphère épaisse ou à un choc avec la surface d’une planète.

      Mais, pour peu des tardigrades en cryptobiose subsistent dans les couches plus profondes de l’astéroïde, résisteraient-ils à une rentrée dans l’atmosphère et à l’impact consécutif ?

      Amicalement. smiley


  • TALL 10 septembre 2008 11:18

    Salut Charles

    L’intérêt premier pour l’homme, me semble être surtout les fonctions réparatrices. Il peut y avoir des trucs intéressants là. Mais la casse due aux radiations est imparable, et donc, à partir d’une certaine dose, c’est fichu de toute façon.

    Pour l’exobio, je n’y crois pas trop, parce que la limite à 150°C est insuffisante pour résister à une entrée dans l’atmosphère, sans parler de l’impact

    A +


    • Charles Bwele Charles Bwele 10 septembre 2008 11:27

      Hi Tall ! smiley

      T’imagines toutes les nouvelles armes qu’on peut en tirer, quelles modifications génétiques ont peut imputer aux forces spéciales de demain (résistance corporelle NBC)... ou plutôt d’après-demain.

      Et tous les milliards en jeu en matières de pharmacopée et de longévité... "15 millions de dollars la semaine dans notre centre de cyptobiothérapie qq part entre la Haute-Savoie et la Suisse"...  :-P

      Pardon pour cet éclair de lucidité. smiley Depuis que j’ai quitté La Compagnie (celle qui veut récupérer l’Alien), je lutte contre mes automatismes professionnels. Promis, juré, je le referais plus. smiley

      Amicalement smiley


    • TALL 10 septembre 2008 11:53

      Vu ... smiley


    • Charles Bwele Charles Bwele 10 septembre 2008 11:55

    • Charles Bwele Charles Bwele 10 septembre 2008 11:58

      Punaise ! Y a eu un bug dans le comment’ précédent... smiley

      Je vais certainement écrire de grosses âneries. Rattrape-moi si je dévie comme un vodkanaute à bord de sa TDI 16S...

      Des organismes présents dans la superficie ou dans les couches intermédiaires d’un météorite ne survivraient pas aux contraintes mécaniques, physiques et thermiques liées à une rentrée dans quelque atmosphère épaisse ou à un choc avec la surface d’une planète.

      Mais, pour peu que des tardigrades en cryptobiose subsistent dans les couches plus profondes de l’astéroïde, résisteraient-ils à une rentrée dans l’atmosphère et à l’impact consécutif ?

      Amicalement.


    • Avatar 10 septembre 2008 12:15

      Salut Charles,

      Sympa ton article.

      Une question technique cependant :

      Au vue de la résistance incroyable de l’animal, tonton Tall est-il un tardigrade dans le cosmos ?  smiley


    • Charles Bwele Charles Bwele 10 septembre 2008 12:27

      Jusqu’à preuve du contraire, aucun agoravograde n’a durablement souffert à des degrés même très élevés de moinssages (=armes de déconstructions très peu massives) ....  smiley

      Cordialement  smiley




    • Avatar 10 septembre 2008 12:56

       smiley 


    • TALL 10 septembre 2008 14:55

      [ people on ]
      Faut voir ... Gül vient quand même de quitter le site écoeurée par les agressions de la bande à moricesur son dernier article notamment ( Avatar faisant partie de la bande ).
      Sans oublier un article-règlement-de-compte de Maggie publié hier et dont tous les habitués ont compris que Gül en était la cible.
      Il y a longtemps que je ne comprends plus la gestion de ce site, et ça s’empire... smiley
      [ people off ]

      Au coeur de l’astéroïde... ? Il doit être totalement isolé de l’air extérieur alors. Et il reste l’impact qui fait des milliers de degrés de toute façon. Sans oublier la survie dans l’astéroïde voyageant, le métabolisme peut-il être totalement bloqué ? Et comment arriver à cet endroit du minéral ?
      Au vu des connaissances actuelles, cela me paraït bien compliqué, l’exobio... même avec des organsimes + simples comme des virus.

      PS : merci à Avatar de ne pas venir m’insulter dans ce forum, par respect pour Charles. Les forums-dépotoirs de morice sont là pour ça.


    • Eloi Eloi 10 septembre 2008 17:12

      Il me semble qu’il est recommandé de toucher une météorite toute juste tombée

      non pas parce qu’elle est chaude, mais bien parce qu’elle est froide (donc, à priori, la chaleur dégagée lors de l’entrée dans l’atmosphère ne serait pas suffisante pour chauffer tout l’objet)

      J’ai dû lire cela dans un Ciel&Espace, mais, j’ai aussi trouvé cela comme source :
      http://www.astrosurf.com/luxorion/meteorites2.htm

      Un élément de réponse pour nos potentiels extraterrestres smiley



    • Eloi Eloi 10 septembre 2008 17:39

      *n’est PAS recommandé* (bien sûr)


  • chria chria 10 septembre 2008 15:16

    Le tardigrade n’est peut-être pas arrivé sur Terre tout seul...
    Ou alors, suivant le principe anthropique (que je ne suis pas), il était là pour qu’on le découvre, et que de l’analyse de ses capacités on puisse enfin s’essaimer à travers les étoiles...


  • chria chria 10 septembre 2008 15:24

    A Agoravox : cela devient pénible de réécrire sans cesse ses messages.

    Le tardigrade n’est peut-être pas venu sur terre tout seul...
    Ou alors suivant le principe anthropique, le tardigrade était sur terre pour qu’on le découvre et que de l’analyse de ses capacités, on puisse aller essaimer les étoiles...


  • goc goc 10 septembre 2008 15:30

    il faudrait mettre un tardigrade dans l’anneau du CERN, d’un coté, et un autre de l’autre coté, puis les lancer l’un contre l’autre a presque lal vitesse de la lumiere



    et s’ils resistent on les baptisera "mc gyver" !!


    • Eloi Eloi 10 septembre 2008 17:13

      Enfin bon, si le tardigrade nous provoque un trou noir, on n’aura pas l’air malin

      L’espère humaine esterminée pour ça.... Behhh

       smiley


  • tonton raoul 11 septembre 2008 09:57

    salut tonton charlie

    merci pour le mot à Gül
    le tableau en 5 points, c’est bien vu

    a + smiley


  • morice morice 14 septembre 2008 15:15

     Le sujet avait déjà été traité par Marsupilami, ici, Charles.

    U
    n tardigrade est peut être un animal tourné vers le passé, uniquement. Une sorte de Palin, autre "arrogante et coriace espèce" en quelque sorte.
    "Elle souhaite par ailleurs que le créationisme et la théorie de l’évolution soient également enseignés dans les écoles. "Enseignez les deux", a-t-elle dit. "N’ayez pas peur de l’information... Un bon débat est si important et si précieux dans nos écoles".

    Charles, une question embarrassante : que faire du Tardigrade dans la théorie créationniste ? un claquement de doigts et "hop" ??? survit-il au feu de Dieu comme celui sur la tête des apôtres ??


  • @politique @politique 18 septembre 2008 19:09

    "Concepteur-designer multimédia (web, PAO,3D, vidéo), consultant TI et analyste en technostratégie. Auteur du blog technologique et cyberculturel Électrosphère. Passionné de géocéonomie, de marketing, de prospective, de musiques électroniques, de pop-rock indé, de soul 70’s et de jeux vidéo."

    C’est tout ? Et à part ça , quel est le but , rendre l’humanité immortelles ou donner un sens à votre simple et éphémère existence ?

    Ah oui j’oubliais, vous faites partie de l’élite salvatrice...merci !


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