lundi 16 mars 2009 - par Francis Pisani

Le web à sa naissance ? « Vague but exciting... »

bernersleewwwproposal.1237190774.jpgC’est avec ces mots que le chef de Tim Berners-Lee a commenté le document dans lequel il dressait la première ébauche, remise le 13 mars 1989, de ce qui devait devenir le World Wide Web. Il y a vingt ans.

Désireux de mieux gérer l’énorme quantité de documents du CERN, le laboratoire européen de Genève où il travaillait, Berners-Lee était sans le savoir en train d’inventer du même coup un outil qui nous conduit à penser et établir des relations humaines de façons différentes.

L’idée de créer des liens activables entre documents remontait au Memex et à un texte publié en 1945 par Vanevar Bush , conseiller scientifique de Roosevelt pour les questions militaires.

L’impact considérable de sa mise en œuvre s’explique d’abord par le fait qu’elle permet de transformer un espace plein de documents assoupis. Comme peut l’être une bibliothèque virtuelle ou réelle, en véritable système dynamique susceptible d’engendrer l’émergence de formes nouvelles d’intelligence.

Mais en insistant sur les relations tout autant que sur le contenu, en simplifiant leur établissement, en montrant que rien n’est (ou ne devrait être) isolé, le web dépasse largement la gestion de l’information.

Une page existe en dehors du livre pour lequel elle a été conçue. Une chanson cesse de n’exister que dans son CD pour se connecteur à autant de Playlists qu’on veut, les humains peuvent maintenant s’allier à d’autres, hors des communautés dans lesquelles ils sont nés, auxquelles ils appartiennent.

C’est toute notre façon de nous relationner à d’autres qui en est bouleversée, celle qui consistait à appartenir ou pas, à être dedans ou dehors, pour ou contre. Cela pourrait fort bien entraîner une révolution des connaissances et des relations sociales.

Mais Berners-Lee, en concevant le web a crée un animal différent de tout ce que nous connaissions et dont le fonctionnement ne peut pas se déduire de ce que nous savons de la dimension physique du monde dans lequel nous vivons.

Vingt ans après, c’est presque aussi vague et peut-être encore plus passionnant.

Et il n’a pas fini : web sémantique , Linked Data , Giant Global Graph , il n’est nullement décidé à s’arrêter.

Mais si vous voulez en savoir plus sur ses projets, le mieux est de regarder la présentation qu’il a faite lors de la Conférence TED de février dernier. C’est là que je l’ai entendu rapporter le commentaire de son patron d’alors. Pas si mal quand on y réfléchit. Comment aurait-il pu savoir ?

En quelques lignes de texte, Tim Berners-Lee s’est donc permis d’ajouter une dimension (digitale) à la dimension physique qui nous limitait jusqu’alors, de nous inviter à penser différemment et de libérer nos façons de nous relationner à nos congénères… Je trouve cela assez énorme pour un seul rapport.

Et vous ?



7 réactions


  • morice morice 16 mars 2009 12:51

    on aurait aimé la MACHINE utilsée ; un NEXT, préfigurateur avec NextStep, d’OS X...


  • Kalki Kalki 16 mars 2009 13:14

    AH le bon vieux temps du début d’internet.

    Des pages, des sites rudimentaires avec souvent des informations intérressant, et on s’y plaisait.
    Un peu comme l’effet non reproduit des jeux en 2D des vieilles consoles. et la simplicité + juste l’information( a la google).

    On peut retrouver un peu cette esprit dans freenet, et on aimerait que ca se dévellope plus.


  • plancherDesVaches 16 mars 2009 13:22

    "le web dépasse largement la gestion de l’information"... ben dis-donc...
    Ca, pour dépasser, ça dépasse : y’a aucune gestion. Et en fait, ce n’est plus le savoir qui compte... mais savoir le trouver et le gérer.
    Mais bon, ça vaut peut-être mieux, sinon nous reviendrions à ce que veulent les politiques : un minitel.

    "d’engendrer l’émergence de formes nouvelles d’intelligence."
    Aïe aïe aïe. Encore un qui confond savoir et intelligence. On apporte du savoir, jamais de l’intelligence.
    Je ne sais plus quel sociologue disait : "les gens intelligents vont sur internet pour se cultiver. Les gens bêtes y vont pour s’abrutir."

    "en concevant le web a crée un animal différent" ... Ouais... même pire que ça : Il pense.
    Combien de fois me suis marré en entendant un utilisateur dire : "c’est de la faute de l’ordinateur"

    "de nous inviter à penser différemment et de libérer nos façons de nous relationner à nos congénères"
    Je cours déposer un brevet sur l’invention du métier de kinésythérapeute virtuel. Par apposition des mains sur le clavier. Et du clavier avec retour de force.
    Pour vivre comme un Japonais, il va falloir effacer 5 siècles minimum de différences culturelles. "On est pas sorti du sable..." Comme disait Guenièvre à Lancelot, ne connaissant ni l’un ni l’autre le mode d’emploi des plaisirs charnels.

    Je me permets de compléter votre réflexion avec les bonnes remarques d’un directeur du CNRS, Dominique Wolton, qui est d’accord avec moi sur le fait qu’internet n’est QU’UN OUTIL qui ne résoud en rien le mélange qui est fait entre information et communication.
    http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-off/i2891.asp

    Bon, sinon : trés bon article qui montre que nous ne sommes que des enfants fascinés par un jouet merveilleux.
    Mais essayez un nouveau médicament homéopatique : les gélules d’IRL. smiley


  • PtitLudo PtitLudo 16 mars 2009 17:43

    Je me souviens en 1992 de la découverte d’irc (ancètre de tous les chats) ou on culminait parfois à 2000 utilisateurs simultanés au niveau mondial. Puis ensuite la découverte de gopher, mosaic (le web en mode texte, eh oui ça a existé !), puis les newsgroups. Un peu plus tard (vers 1994) première version de xmosaic (premier navigateur http disponible sous x-windows avant netscape).

    Quand je parlais de ça autour de moi j’étais d’un enthousiasme débordant, je pense que les gens me prenaient un peu pour un fou, c’est assez marrant avec du recul.

    A l’époque il n’y avait pas de moteur de recherche, on en était bien loin, les infos se transmettaient de bouche à oreille.

    Bien sûr tout ça c’était sous Unix (Sun IV sous solaris, HP sous HP-UX), à ce moment Windows en était toujours à ses réseaux propriétaires et encore loin de l’interopérabilité.


  • Marc Bruxman 16 mars 2009 20:08

    En tout cas merci à Tim Berners Lee et à tous ceux qui ont révolutionnés le monde. Et il y en a eu bien d’autres qui ont contribués comme Vinton Cerf par exemple. 

    Ils ont révolutionnés le monde comme aucun révolutionnaire ne l’avait fait avant eux. Et comme dit PtitLudo c’est rigolo de se souvenir à quel point certains nous prenaient pour des fous hier. 

    En tout cas, nous n’en sommes qu’au début de la révolution technologique et ce qui vient ne manquera pas de transformer la société en profondeur. Et surtout cela ne révolutionnera pas que la technologie, la politique va changer, la société va changer. Tout va s’adapter autour de cette invention.

    Aujourd’hui le Seattle Post Intelligencer (plus gros quotidien de la région de Seattle) vient d’arrêter les tirages papiers pour passer 100% en ligne. Des dizaines d’autres journaux américains vont suivre ce modèle. La révolution est en marche, elle ne fait que commencer. 






    • plancherDesVaches 16 mars 2009 23:07

      Geek.
      Décolle de l’écran, avant d’avoir un nez plat.


    • PtitLudo PtitLudo 17 mars 2009 10:24

      En ce qui me concerne, même si j’ai eu la chance d’être un pionnier d’internet en france, j’ai pris beaucoup de recul car ça a évolué dans un sens qui ne me convient pas.

      A l’époque c’était un milieu complètement désintéressé où on appliquait la "Nethiquette", c’est à dire un ensemble de règles implicites et de bon sens pour garder au réseau sa "pureté".

      Maintenant qu’internet devient de plus en plus un moyen d’"esclavagiser" la population (vente de forfaits mobiles internets avec forfaits hors de pris et toutes sortes de contraintes, émergences de sites comme Facebook permettant un fichage hors de contrôle, ...), j’adhère de moins en moins.


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