Les opérateurs sont-ils complices des vols de portables ?
Les vols de portables sont très nombreux. Les opérateurs,
conscients de ce problème et du désagrément causé, ont tardé à prendre des
mesures. Malheureusement, il semble que les efforts concédés ne soient que des
demi-mesures permettant simplement de rejeter la responsabilité sur les
utilisateurs. Quelles sont ces mesures ? Pourquoi sont-elles insuffisantes ? Que
pourraient-ils faire de plus ? Pourquoi ne le font-ils pas ?
Nous allons commencer par quelques explications techniques,
simples mais importantes.
Votre téléphone portable possède un identifiant unique appelé
numéro IMEI (International Mobile Equipment Identity). Celui-ci s’affiche si
vous tapez le code *# 06 #. Ce numéro est utilisé par le réseau pour distinguer
votre mobile d’un autre. Un peu comme l’adresse IP de votre ordinateur sur Internet. La carte SIM fournie avec votre abonnement contient aussi un
identifiant unique. Cet identifiant permet de savoir qui utilise le téléphone. Lorsque
vous allumez votre téléphone, il utilise d’abord le numéro IMEI pour se
connecter au réseau, ensuite il envoie le numéro de votre carte SIM pour
indiquer qu’il s’agit bien de vous. Le système enregistre ces informations et
il sait alors sur quel mobile (et quel relais) vous joindre quand quelqu’un
vous appelle. Toutes les informations concernant les connexions et déconnexions
ainsi que les appels sont enregistrées dans une base de données. Votre facture détaillée
est un extrait de cette base de donnée.
Quelles sont les mesures prises par les opérateurs ?
Si vous vous faites voler votre téléphone, il est très
fortement recommandé de contacter au plus vite votre opérateur pour lui
demander de bloquer votre carte SIM. Sans quoi, tous les appels passés vous
seront facturés. Cette mesure existe depuis l’origine. Plus récemment, les opérateurs
proposent le blocage du téléphone, le rendant donc inutilisable sur le réseau,
quelle que soit la carte SIM insérée. Mais pour demander ce blocage, il faut
donner votre numéro IMEI que vous connaissez évidement par cœur (non ? moi non
plus, je vous rassure). Il est possible de trouver ce numéro sur l’emballage d’origine
du téléphone... à condition de l’avoir gardé. A moins de l’avoir noté et de l’avoir
sur vous, ce que nous devrions tous faire, il est peu probable que vous ayez
sous la main le numéro IMEI au moment où vous appelez pour faire bloquer la
carte SIM. Il est encore moins probable qu’une fois votre carte SIM bloquée,
vous alliez chercher l’emballage de votre téléphone, relever le numéro IMEI
puis rappeler votre opérateur pour faire bloquer le téléphone. Si vous ne l’avez
plus... qu’il soit bloqué ou non, vous vous en fichez. Et pourtant ce geste, s’il se généralisait, permettrait de diminuer fortement le vol. Il s’agit là d’un
geste citoyen. Ceux qui ne le font pas ont tort. C’est une façon très habile de
la part des opérateurs de reporter la faute sur les utilisateurs. Ils mettent à
disposition des moyens très peu pratiques. Si les utilisateurs ne les utilisent
pas, c’est leur faute. De plus, pour qu’on ne puisse pas dire que les utilisateurs
ne sont pas informés, les opérateurs ont financé une campagne de communication
rappelant que le service blocage de téléphone existe. Cette campagne à l’impact
très réduit a plus existé pour faire parler d’elle que pour véhiculer son
message.
Que pourraient-ils faire de plus ?
Premièrement, il faut savoir que le blocage du téléphone n’est
valable que pour le territoire français. Les voleurs n’ont qu’à s’organiser
pour échanger les portables avec d’autres voleurs dans un autre pays pour résoudre
ce problème. Il est tout à fait possible de mettre en place un fichier
international des mobiles volés pour qu’un mobile volé soit définitivement
inutilisable dans le monde entier. Il existe des fichiers de ce type pour
identifier les serveurs contribuant à l’envoi d’e-mails non sollicités (SPAM). Ces
bases ont été créées par des associations à but non lucratif dont les moyens
sont infimes comparés aux budgets des opérateurs. Ensuite, comme je le disais précédemment,
les opérateurs ont la possibilité de retrouver dans leur base quel est le
dernier téléphone à avoir été utilisé avec une carte SIM volée. Ils devraient
donc proposer systématiquement le blocage de ce téléphone quand l’utilisateur
demande le blocage de sa carte SIM. Il s’agirait là d’une vraie mesure !
Mais alors, pourquoi une telle hypocrisie de la part des opérateurs ?
Eh bien tout simplement parce que le vol rapporte énormément.
Un utilisateur qui s’est fait voler son portable va en racheter un autre, c’est
l’occasion de le rencontrer, de lui vendre un modèle plus récent et de réviser
son abonnement (à la hausse bien sûr). De plus, le téléphone volé va permettre à
quelqu’un qui n’en aurait peut-être pas eu les moyens de devenir un nouveau
consommateur. S’il n’a pas les moyens de prendre un abonnement sans téléphone,
on va même lui proposer des cartes prépayées, qu’il pourra utiliser impunément
dans un téléphone volé. Alors que l’opérateur sait très bien que le
mobile est volé.
Alors, chers opérateurs, à quand un blocage mondial systématique
de tous les téléphones volés pour enfin éradiquer le vol de portables ?