Oracle rachète Sun, IBM frissone

Presque au nez et à la barbe de Big Blue, c’est finalement Oracle qui a acquis Sun Microsystems.
Purs produits de la Silicon Valley, Lawrence J. Ellison et Scott G. McNealy, respectivement PDG d’Oracle et chairman de Sun, travaillent ensemble depuis une vingtaine d’années, ont remarquablement su adapter leurs compagnies au boom Internet des années 1990-2000 et éprouvent tous deux quelque malin plaisir à détester IBM et Microsoft. Leur longue et solide relation a probablement été pour quelque chose dans le refus de l’offre d’achat proposée seulement quelques jours plus tôt par IBM au conseil d’administration de Sun.
Comme IBM, Oracle a été alléchée par des joyaux de la couronne tels que la technologie Java, les systèmes d’exploitation Solaris et OpenSolaris, la base de données MySQL, la suite bureautique Open Office, les applications Software-as-a-Service, les processeurs Sparc et les immenses opportunités inhérentes aux trois milliards de dollars investis annuellement par Sun en recherche & développement (cf. Pourquoi IBM convoite Sun). L’inéluctable question des réductions d’effectifs n’a encore fait l’objet d’aucune déclaration officielle par Sun ou par Oracle mais l’entreprise rachetée pourrait supprimer jusqu’à 13 000 postes.
La piètre profitabilité de Sun avait incité Oracle à s’allier depuis plusieurs années à HP et à Dell dans le développement de solutions « from database to disk ». Désormais, la firme de Redwood City contrôle plusieurs technologies clés hautement convergentes et compatibles, d’autant plus populaires du fait d’un modèle peu ou prou open source (OpenSolaris, MySQL, OpenOffice, etc) d’abord prodigué par Sun. Dès lors, elle consolide drastiquement sa position face à HP, à Cisco Systems, à SAP, à EMC et à IBM dans les solutions informatiques (SGBD, réseaux, serveurs, outils collaboratifs, applications de gestion et de finance, etc) pour moyennes et grandes structures... Qui ne se plaindront certainement pas de l’imminente compétition conséquente sur les tarifs et sur les prestations.
D’ores et déjà, la majeure partie des databases d’Oracle tourne sur Solaris et sa suite intergicielle Middleware Fusion repose sur Java, une technologie certes vieille de plus de quinze ans mais omniprésente dans les serveurs d’applications et dans les terminaux mobiles (téléphones, smartphones et PDAphones), deux marchés juteux renouvelant leurs modèles tous les 12 ou 18 mois. En outre, les grandes entreprises affectionnent ce langage car, contrairement au C++, il supporte aisément des délais d’éxécution très longs (des semaines jusqu’à plusieurs mois) sans redémarrage nécéssaire.
NB : Tout porte à croire que l’application Java Enterprise System s’effacera au profit de Weblogic made in Oracle depuis le rachat de BEA Systems en 2008.
La firme de Redwood City tuera-t-elle ou privatisera-t-elle le modèle open source de MySQL et de Open Solaris – pour ne citer que ceux-ci - en concurrence directe avec son business ? Directeur de la division technologies serveurs d’Oracle, Ken Jacobs a annoncé lors de la toute récente conférence annuelle MySQL que la fameuse base de données conservera son statut, idem pour OpenSolaris. Les prolifiques communautés en ligne consacrées à ces deux technologies sauront contourner et outrepasser cette appropriation, de plus, une telle démarche profiterait immédiatement à ses rivaux. Quand on veut se tailler une part de lion entre la base de données et le disque dur, mieux vaut ne pas ignorer l’open source. Depuis peu, IBM procède à des manoeuvres tactiques avec la société EnterpriseDB afin de faciliter les migrations entre MySQL/PL d’Oracle et Postgres/DB2. Il y aurait également de l’open source dans l’air, Big Blue en dira certainement plus dans les semaines à venir.
Enfin, si les directions de Sun passent pour des colombes dans le milieu techno, leurs homologues d’Oracle font plutôt figure de faucons. Malgré la pérénnité des technologies open source MySQL et OpenSolaris en son sein, la firme de Redwood City n’a encore rien révélé sur sa future politique tarifaire vers le monde professionnel. Sans pour autant plonger illico presto dans Postgres et dans Ubuntu, les DSI devraient néanmoins jeter un oeil aux précieuses recommandations générales du blogzine CTO Vision. En effet, Lawrence J. Ellison est souvent surnommé « l’Impitoyable Ming » par la presse informatique anglo-saxonne...
En savoir plus :
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New York Times : In Sun, Oracle Sees a Software Gem
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Fast Company : Oracle Spends $7.4 Billion to Buy Sun, Now Rivals IBM
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Le Monde : Oracle rachète Sun Microsystems pour plus de 7 milliards de dollars
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CTO Vision : What does the Oracle-Sun news mean for enterprise CTOs
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The Register : IBM picks open-source in Oracle database fight
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Électrosphère : Pourquoi IBM convoite Sun