Commentaire de Boileau419
sur Heures supplémentaires défiscalisées : quels risques ?


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Boileau419 Boileau419 9 mai 2007 12:09

Travailler plus signifie produire plus.

Produire plus oblige à vendre plus.

On ne travaille pas pour travailler (en toute logique, mais dans la réalité il semble que ce soit assez différent), mais pour produire quelque chose qui est censé combler un besoin insatisfait.

Posons-nous, sur la base des affirmations énoncées ci-dessus deux questions toutes simples : 1. De quoi manque-t-on aujourd’hui en France ? 2. Qui va acheter et avec quel argent le surplus provenant des heures de travail supplémentaires des travailleurs ?

Je laisse de côté pour l’instant la question de savoir s’il sera possible, vu la rapidité du progrès technique dans l’automatisation et l’informatisation de la production, de trouver des choses à faire en plus aux salariés que nous sommes. Je passe aussi outre à la grande interrogation qui est celle de savoir ce qu’on fera avec ceux qui ne cherchent pas à travailler PLUS, mais à travailler tout court.

Je me contenterai de répondre à la première question seulement parce que je crois qu’en elle sont enfermées toutes les simples complexités de la situation actuelle : Constatation évidente : on ne manque de RIEN en France. Tout est déjà là, fabriqué en France ou « made in China ». Quand on pense qu’autrefois on vivait souvent dans la pénurie, on pourrait se dire que c’est merveilleux, que c’est un miracle, mais voilà : il y a de tout, mais on ne peut pas y toucher. Nous sommes capables de produire, mais incapables de faire jouir.

On manque certes cruellement de services publics courtois et efficaces et de maints travaux d’utilité publique (notamment dans le domaine de l’environnement et de la qualité de la vie), mais ce n’est sans doute pas ce que Sarko va offrir au pays, car ce sont des activités qui en elles-mêmes ne génèrent pas de profits directs, preuve éclatante que le marché est incapable de satisfaire TOUS les besoins !

Par conséquent, si on produit plus (en polluant plus, mais c’est un autre problème...), il y aura des invendus. La surproduction s’aggravera. Il y a certes la porte de secours de l’exportation, mais les perspectives sont peu encourageantes vu le coût élevé de la main-d’oeuvre et de l’euro (merci l’UE !), et de la concurrence acharnée de l’Inde et de la Chine, en attendant que la Corée du Nord ne se réveille...

Ou alors il faudrait que le surplus de travail, qu’il faudrait alors rebaptiser « surplus d’inventivité », débouche sur un tout nouveau produit que tout le monde s’arracherait avidement de Lille à Nagoya. Mais c’est peu probable : on n’a rien inventé de fondamentalement nouveau depuis des lustres. Faute d’innovations réelles, tous les producteurs, qui produisent pratiquement la même chose (ô sagesse des groupes !), doivent se faire concurrence sur les prix et sur les prix uniquement.

D’où les tentatives des patrons de comprimer les coûts en s’attaquant au personnel et aux salaires, solution infiniment plus facile que d’inventer de nouveaux procédés de fabrication moins coûteux ou de faire des économies d’énergie. Et surtout plus facile que de faire de la vraie qualité ou d’innover de manière révolutionnaire, malgré les bataillons de chercheurs et les tant vantés « cercles de contrôle de la qualité ». C’est aussi une solution avantageuse du point de vue politique puisqu’elle met les travailleurs-vous et moi-en état d’infériorité et donc de docilité.

Bref, et pour en revenir à notre question de départ, ce qu’on produira en plus restera là. C’est aussi simple que ça.

On pourrait évidemment faire d’énormes efforts de publicité ouverte et subliminale pour convaincre les malheureux travailleurs épuisés par les heures de travail supplémentaire de consommer encore plus pendant le peu de temps de loisir qu’il leur resterait. Mais là encore, comme le marché est désormais sans frontières, l’argent ainsi dépensé, loin de profiter à l’industrie française, risquerait fort de finir dans les poches d’un entrepreneur chinois, qui en donnerait quelques piécettes à ces malheureux travailleurs eux aussi épuisés. Où l’on voit les effets pervers du libre-échange...

On pourrait aussi provoquer de gigantesques émeutes dans lequelles on inciterait la « racaille » à détruire les stocks d’invendus et d’autres biens et même-pourquoi pas ? ce ne serait pas la première fois-, déclencher une guerre en bonne et due forme. En France ou à l’étranger. Créer un autre Irak à ré-équiper. En cas d’aventure humanitaire néo-coloniale, il faudrait cependant s’assurer qu’un autre pays en mal de débouchés-les Etats-Unis sans doute ?-ne raffle les mirobolants contrats de reconstruction au nez et à la barbe des entreprises françaises. Le mieux serait peut-être de réduire en poussière une ancienne colonie française, en comptant sur les longs liens affectifs liant les deux pays et en espérant qu’ils ne nous en voudraient pas trop de tous leurs nouveaux bobos à l’uranium appauvri.

Surtout il faudrait impérativement qu’après le choc des armes-inégales-on découvre du pétrole ou tout autre sorte d’or de couleur dans le sous-sol. Pour qu’on soit...payé ! Autrement, il faudrait que le contribuable français paie à nouveau de ses maigres deniers toute l’affaire, l’Etat français prêtant à la Mauritanie dévastée l’argent avec lequel elle s’achèterait les produits et services des entreprises françaises...

En vertu du principe de l’obsolescence programmée, et en plus de toutes les solutions éprouvées que j’ai déjà proposées, on pourrait également envisager de faire travailler davantage les travailleurs pour produire des produits tellement perfectionnés qu’ils se volatiliseraient, exploseraient ou tomberaient en miettes quelques jours, voire quelques heures à peine après leur première utilisation.

Ca ne vous paraît pas sérieux comme programme ?

Vous avez mille fois raison, car il y a mieux :

Tous les 52 ans, au moment magique et fatidique de leur calendrier appelé « la ligature des Années », les Aztèques qui vivaient à Tenochtitlan se livraient à un rite curieux : ils jetaient pêle-mêle tout ce qu’ils avaient dans le lac sur lequel était bâti la cité, persuadés que tous les 52 ans la fin du monde, de leur monde, pouvait fondre sur eux comme l’aigle prophétique qui avait présidé à sa naissance.

Pas bête en fin de compte. Je dirais même plus génial. M’est avis qu’il faudrait en toucher un mot à Sarko.


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