Commentaire de tjouffli
sur Arguments en faveur de l'historicité des évangiles


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tjouffli tjouffli 20 juillet 2007 20:21

Juste quelques précisions. En effet, il existe une différence fondamentale entre un code et une métaphore. Un code propose une correspondance stricte, univalente, entre son support (le « signifiant ») et son sens (le « signifié », si on reprend les termes de Saussure). On parle ainsi de Code de la Route : le panneau est reconnu par tout le monde (ou presque) et son sens approuvé de tous (enfin presque...). De même, si j’écris « alpes », tout le monde le prononce /alp/. Il y a donc un « code » qui lie la graphie et la phonie, mais il est déjà plus souple. les linguistes ont par contre établi qu’au niveau du langage propre, il n’existe pas de correspondance stricte entre un signifiant et un signifié, rassemblé en un même signe (un mot, un morphème, une phrase). Pire encore, et là, on est tous d’accord, deux personnes différentes ne s’accorderont pas forcément sur le sens à donner à un même mot. C’est cette magique dichotomie (dite, justement, Saussurienne) qui est une des origines de la magie de la langue : la polysémie du signe. Ce foisonnement de sens qui permet de décrire et d’imaginer le réel. La métaphore appartient à un niveau encore supérieur, c’est une figure de style de la langue : une comparaison camouflée, sans « comparateur » (on dit souvent « une comparaison sans comme ») C’est une des figures fondatrices de la poésie, celle qui permet d’offrir une grande complexité à notre vision du monde, une polyphonie du symbole qui laisse à chaque lecteur une part d’interprétation subjective. Ainsi, si le code est purement objectif, la métaphore tend, elle, au subjectif. Ce qui ne signifie pas forcément que chacun interprète comme il veut, mais qu’elle fait appel au symbolique, à l’universel, au monde du mythe (dont le support antique fut toujours la poésie, la parole transmise depuis que « le monde est monde ») Elle élève la parole au delà de l’expérience du réel. Or, dans sa volonté de faire appel à un universel, d’universalité même, les évangiles doivent être aussi vues comme un texte poétique, dont la parabole devient un support de fond propice. On trouve cette même création littéraire dans toutes les religions du « Livre », révélées, ainsi que, par extension, dans toutes les autres d’ailleurs. On chante les exploits des dieux et des héros en grec, dans le Mahabarata, dans l’histoire du Buddah, de Moïse ou de Mahomet : à un moment ou à un autre, c’est l’image qui prend la parole, l’« imaginaire » éloquent. Qu’importe alors de savoir si oui ou non Shivah a quatre bras ou si la Mer Morte s’est ouverte (et ne relançons pas une fausse polémique) : ce qui compte au fond pour ce type de texte c’est l’interprétation que chaque individu qui y est sensible y fera, dans la mesure où elle se fonde de manière cohérente avec l’ensemble de l’oeuvre. Et quand bien même, Jesus a sans doute existé, Herode et Pilate, on est sur... mais de là à faire une lecture codifié des paraboles, c’est justement trahir ce texte, le violer sur la place publique en méprisant la force du symbolique et en lui substituant un simple codage, tristement prosaïque...
- « Je ne suis pas le seul historien à penser que quelques textes apocryphes ... ils sont loin d’en avoir la valeur historique et religieuse. » Là c’est surtout une question de point de vue, de foi ou non. Personellement je ne l’ai pas, peut-être l’avez-vous, ce qui permet de comprendre cette remarque, mais jette cependant un doute sur votre objectivité totale. (Quoiqu’à savoir si un athée serait plus objectif, ce n’est pas forcément évident... mieux vaut encore être agnostique !) Quant à leur historicité, les autres racontent plus souvent une expérience mystique, une rencontre avec la foi. Les visions de Jean sont aussi une expérience mystique... L’écriture des quatre évangiles démontre plutôt une cohérence narrative, une continuité qui permet d’établir un dogme plus cohérent, dans un ensemble émaillé de quelques claires références historiques, mais qui ne peuvent pas vraiment faire preuve de « foi » au regard de l’ensemble du texte et de sa portée ;)
- « Les communautés au sein desquelles les quatre évangiles ont été rédigés n’étaient pas des communautés d’imbéciles. » Baaah, ça n’engage que vous, là encore. Alors que justement, une hypothèse pour la naissance de l’agriculture serait qu’elle se fut développée avec la culture de plantes hallucinogènes nécessaires au rites shamaniques des premières religions (hypothèse esthétiquement séduisante, mais peut-être un peu farfelue... à vérifier). Est-ce à dire qu’ils ne disent que des conneries ? De même les sadu indiens, alors que des millions de personnes les consultent. Bien sûr, c’est un ensemble, un réseau de croyances, mais l’usage de ces plantes et la pratique religieuse et mystique sont très certainement liés. Donc là encore, même si c’était une boutade, votre réponse montre un regard moral(isateur) qui manque un peu d’objectivité. D’ailleurs, si le style est devenu humoristique, c’est pour justement assumer, et apprécier, cet « écart » (grands dieux !) de sérieux. Et c’est pourtant l’imaginaire qui fut à l’origine des expériences mystiques, de la foi, non ?


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