Commentaire de Reinette
sur Avis de tempête persistant sur les marchés


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Reinette Reinette 27 août 2007 14:25

GUERRE, TERRORISME... c’est bon pour la BOURSE

En 1941, le Journal des Finances et l’Agéfi se félicitaient de l’influence bénéfique de l’Occupation sur la Bourse de Paris.

60 ans plus tard, on retrouvait les mêmes qui saluaient l’influence bénéfique du 11-septembre et de la guerre en Irak sur toutes les Bourses du globe.

CONSTAT : nazisme, guerres ou terrorisme, tout est bon dans le cochon.

Dans une passionnante étude, l’historien Francis Ronsin montre, citations à l’appui, l’allégresse avec laquelle le JOURNAL DES FINANCES (JDF) et l’Agence économique et financière (l’Agéfi) ont tous deux salué Pétain (« le plus glorieux des drapeaux », pour le Jdf) et l’occupation nazie (« L’unité monétaire européenne ne peut être que le Reichsmark », affirmait l’Agéfi).

Sacré Ben Laden !

SEPT 2001. Après un été cafardeux pour l’ensemble des Bourses mondiales, la rentrée s’annonce calamiteuse : « Après 3 mois de stabilité sur une tendance médiocre, les Bourses ont décroché cette semaine. Les actions traditionnelles ont été attaquées à Paris comme à Wall Street », s’alarme le Journal des Finances (01/09/2001).

Les jours passent mais la morosité s’accroche...

« L’indice CAC 40 a chuté de 33,3 % depuis son record du 4 septembre 2000. [...] Aux États-Unis, après le krach des valeurs technologiques, ce sont maintenant des grandes valeurs de l’indice Dow Jones qui flanchent à leur tour. Résultat : un indice CAC 40 au plus bas depuis deux ans. » (JdF, 08/09/2001).

LA VEILLE du 11/09/2001...

« les principaux marchés du vieux continent ont affiché des reculs supérieurs à 3 % », se désole l’AGEFI (11/09/2001).

Là-dessus, irruption des avions de... Ben Laden. Les tours jumelles s’embrasent et s’effondrent. Effondrée elle aussi, la presse financière rivalise avec les grands médias pour exprimer sa consternation, son horreur et, bien sûr, sa solidarité : « Le terrorisme aveugle vient d’apporter la démonstration que la folie humaine n’avait pas de limites. Ce n’est, hélas, pas rassurant. » (l’AGEFI, 12/09/2001).

Pas rassurants, les attentats du 11 septembre ?

Pour les boursicoteurs, qui n’aiment rien tant qu’être rassurés, cette platitude cache une terrible angoisse : la perspective d’une baisse de la consommation. Déjà que « le moral des consommateurs était au plus mal avant même les attentats suicide du mardi » (l’AGEFI, 14/09), alors avec Manhattan dans les gravats, leur désir de consommer ne va pas aller en s’améliorant.

« Les scénarios des experts que nous avons interrogés vont tous dans le même sens : le ralentissement économique qui se développait aux États-Unis avant le 11 septembre va tourner à la récession au quatrième trimestre 2001 et dans les premiers mois de 2002. » (JdF, 22/09).

Les spécialistes unanimes, voilà un signe qui ne trompe pas ! Et le même JdF d’enfoncer le clou : « Les stratégistes prévoient une récession aux États-Unis et la poursuite de la baisse des actions ». À peine l’encre servant à imprimer ces funestes prophéties était-elle sèche que de nouveaux chiffres venaient tout chambouler. Heureusement pour leurs clients, « experts » et « stratégistes » s’étaient fourrés le doigt dans l’œil. Le 15 septembre 2001, les marchés se sont déjà « ressaisis » (JdF). Le 29 septembre, ils ont « retrouvé une certaine sérénité » (JdF).

10 jours plus tard, les cours continuent de grimper : « Hier, les marchés américains ont poursuivi leur rebond initié il y a deux semaines et demie » (l’AGEFI, 12/10).

Le 20 octobre : « Cette semaine, le CAC 40 a repris 200 points et près de 5 % de sa valeur » et « l’indice Dow Jones a enregistré un gain de 3,27 % sur les cinq dernières séances » (JdF).

Le 6 décembre, moins de 2 mois après les attentats, c’est l’apothéose : « Retour de l’enthousiasme sur les places américaines », lance l’AGEFI. Entretemps, la situation économique n’a en réalité fait qu’empirer.

Le 5 novembre, alors que les Bourses chantaient leur « enthousiasme », l’AGEFI évoquait encore une « crainte de récession généralisée », une « nette progression du chômage américain à 5,4 % » et un « inquiétant marasme de l’activité industrielle dans l’Euroland » (05/11).

Un paradoxe que nos conseillers boursiers, jamais avares d’explications, n’ont aucune peine à déchiffrer : « Il aura suffi de la prise de Kaboul par l’Alliance du Nord, d’une hausse des ventes de détail plus forte que prévu aux états-Unis et de la chute du prix du pétrole pour amener les investisseurs à écarter le spectre d’une récession prolongée aux Etats-Unis. » (l’AGEFI, 19/11)

À L’ARGUMENT DES BIENFAITS DE LA GUERRE il convient d’en ajouter un autre, non moins prodigieux.

Le 22 septembre, Philippe Sassier écrit en effet dans le JdF : « L’idéologie antimondialiste et la bataille contre les OGM occupaient le fauteuil de la contestation laissé vacquant par le communisme. Le terrorisme ajoute désormais du sang et de l’horreur à cette contestation. » Ben Laden/José Bové, même combat. Ainsi discréditée, la contestation anti-libérale n’inspirera plus les mêmes craintes que naguère.

Le 28 septembre, l’AGEFI creuse plus avant l’amalgame fructueux du barbu et du Roquefort : « La critique antimondialiste (qui a été en fait jusqu’à présent un anti-américanisme) a sans doute perdu une part de justification depuis les attentats. » Les investisseurs peuvent donc se rassurer, d’autant qu’ils ont été « favorablement orientés par la défaite en Afghanistan du régime des talibans et par la décision d’ouvrir un nouveau cycle de négociations [conférence de l’OMC à Doha] visant à libéraliser davantage le commerce mondial » (JdF, 15/12).

TOUT COMPTE FAIT, les avions de Ben Laden n’ont donc pas fait que du mal :

« En organisant les attentats du 11 septembre, Ben Laden ne pensait sûrement pas favoriser la solidarité internationale et le développement du commerce mondial », se réjouit froidement le JdF (10/11). Bref, si les cours s’envolent, c’est grâce à l’effondrement des tours jumelles.


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