Commentaire de Jean-Luc Martin-Lagardette
sur L'obligation vaccinale est-elle encore justifiée ?


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JL ML Jean-Luc Martin-Lagardette 27 septembre 2007 15:10

Quelques réflexions suite à certains commentaires

- Je suis étonné par l’amertume et le procès d’intention de quelques réactions particulièrement négatives suite à mon travail. Alors que, suite à mon enquête, tout le monde a concrètement de quoi se réjouir. Je pense que ces détracteurs font une confusion et sont contrariés parce que mes conclusions ne concordent pas avec ce qu’ils pensent.

- Les pro-vaccins, d’abord. En effet, j’aurais très bien pu, comme cela est le cas dans de nombreuses revues, me positionner “contre” les vaccins en général. Cela n’a pas été le cas. Je n’ai pas contesté l’utilité des vaccins mais la politique de la France à leur égard, notamment en ce qui concerne les vaccins obligatoires, cœur de l’article (à ce propos, si j’ai aussi parlé parfois d’autres vaccins, c’est que certains aspects concernent tous les vaccins, comme par exemple la problématique de leurs composants). Donc, premier point positif : une position non pas négative mais neutre vis-à-vis des vaccins.

- Ensuite, les arguments des pro-vaccins sont développés en long et en large, les références sont nombreuses et chacun peut se construire lui-même son opinion à partir de mes informations (2e point positif).

- Cette enquête (je le reprécise encore une fois) n’avait pas pour but le “principe vaccinal” mais la “légitimité du durcissement des sanctions” contre les refus de vaccination. Je suis désolé pour ceux à qui ma conclusion déplaît, mais je pense avoir apporté de nombreux arguments factuels, pris aux sources les plus officielles (Invs, Afssaps, CTV, OMS, Assemblée nationale, etc.), pour montrer que cette sévérisation, à mon avis, n’est pas légitime.

- L’enquête montre (lisez les débats à l’Assemblée nationale) que le durcissement des sanctions s’est décidé (contre l’avis du gouvernement !) non à partir d’arguments sanitaires (que j’aurais compris et accepté comme tout le monde) mais à partir d’une peur des dérives sectaires liées aux vaccins, dérives qui concernent, selon les chiffres mêmes du ministère de l’intérieur, 0,0006 % des Français. Menacer tous les parents français de 6 mois de prison et de fortes amendes pour parer à ce risque me paraît irrationnel et incompréhensible. Il y a là une décision qui aurait mérité au moins un débat plus ouvert...

- L’enquête a été menée dans les règles de l’art (journalistiques). Je ne me suis pas contenté d’être à charge, de reprendre les seuls arguments des opposants à la politique vaccinale, mais j’ai consulté aussi les rapports des plus grandes autorités dans ce domaine. En outre, je suis allé interviewer LA sommité, le président du Comité technique des vaccinations, c’est-à-dire de l’instance suprême qui définit la stratégie vaccinale du pays. On ne peut aller plus haut ! Qui aurais-je dû aller voir pour satisfaire la soif d’objectivité de certains de mes contradicteurs ? Et que dit ce monsieur : « A titre personnel, je suis favorable à la levée de l’obligation ». C’est cette affirmation qui m’a convaincu que mon intuition de départ était bonne. Alors que ce responsable scientifique lui-même se dit pour la levée de l’obligation, je ne vois pas en quoi je serais partial en partageant son avis. Seriez-vous, vous qui ne pouvez accepter même la discussion autour de cette levée, plus royalistes que le roi ?

- Mon intuition de départ était que cette sévérisation n’était pas justifiée. C’est la partie “subjective” de l’enquête que je revendique parce que cette subjectivité est inhérente à toute enquête, fût-elle policière voire scientifique. Lisez (ou relisez) « La Médecine expérimentale » de Claude Bernard, lui qui disait : « Il faut nécessairement expérimenter avec une idée préconçue. (...) Il n’est pas possible d’instituer une expérience sans une idée préconçue ; instituer une expérience, c’est poser une question ; on ne conçoit jamais question sans l’idée qui sollicité la réponse, etc. ». C’est en cela que l’objectivité (l’abstraction du sujet) est impossible. C’est le « résultat » qu’il faut regarder sans idée préconçue. Et, dans le cas présent, le résultat, c’est que je livre à la sagacité de tous.

- L’enquête avait pour but de vérifier mon intuition (je rappelle que je ne connaissais rien à ce domaine et n’avais pas d’opinion toute faite à ce sujet ; seulement, je voyais qu’il y avait un sérieux problème de communication entre pour et contre et je voulus savoir pourquoi). Le deuxième argument fort qui m’a convaincu dans mon hypothèse est ce que m’a dit un spécialiste éminent de l’Institut de veille sanitaire : la balance bénéfices/risques (qui est capitale pour connaître le plus scientifiquement possible l’intérêt d’un vaccin) n’a pas été calculée (pour les vaccins obligatoires) depuis le lancement de l’obligation vaccinale il y a plus de 50 ans ! Si ceci n’est pas - pour vous - un argument pour dire que cette balance doit être faite aujourd’hui avant de justifier non seulement la sévérisation des sanctions mais aussi la seule obligation de vacciner, je ne sais pas ce qu’il vous faut ! Ou alors, quittons le terrain rationnel. Les conditions d’aujourd’hui ne sont plus celles d’il y a cinquante ans, époque à laquelle sévissaient d’horribles maladies que les vaccins ont certainement contribué à faire régresser. Aujourd’hui, beaucoup de gens se plaignent des effets secondaires, ceux-ci sont massivement sous-notifiés, des procès sont en cours, des associations se sont crées, des médecins hésitent à se faire vacciner, etc. Ce sont des signes qu’il ne faut pas ignorer et qui plaident pour la nécessité de recalculer le ratio bénéfices/risques.

- L’angle de mon article est politique et non scientifique. Si j’ai aussi abordé des questions médicales, c’est que cela était nécessaire pour la compréhension. Je rappelle au passage aux farouches partisans de la démarche scientifique que celle-ci a pour principale critère le doute et la capacité à se remettre en question ; ensuite que la médecine n’est pas une science exacte et que donc les paramètres sociaux, politiques et psychologiques sont à prendre en compte (domaines tout à fait de la compétence d’un journaliste).

- Enfin, les pro-liberté vaccinale peuvent être satisfaits de constater qu’un journaliste sans a priori sur l’utilité des vaccins (même si, au départ il avait une idée sur la politique vaccinale française, idée indispensable à toute enquête), qu’un journaliste, donc, reconnaît publiquement qu’il y a un problème et propose soit un débat collectif sur ces questions, soit la levée de l’obligation. Rien donc, à mon avis, que de très normal, rationnel, démocratique et positif pour tout le monde.


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