Commentaire de Christophe
sur Sur la grève...


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Christophe Christophe 12 novembre 2007 14:16

Bonjour Saï,

C’est encore une fois en partant de la présupposition systématique que les mouvements de grève ne trouvent une origine que dans la légitimité de braves travailleurs floués par des mesures élitistes, pondues par des bureaucrates aux aspirations capitalistes radicales, qu’on en arrive à des situations de blocage social telles que celle qui s’annonce.

Je n’ai, en mon propos, et jamais de tels présupposés.

Vous est-il venu à l’esprit que l’échec de négociations avec les partenaires sociaux puisse être, partiellement au moins, imputable aux organisations syndicales ?

Relisez mon intervention, il y a reconnaissance de la responsabilité mutuelle de tous les acteurs.

Que le moindre retour sur tout acquis social soit d’avance et par définition voué à l’échec, au motif que si tout le monde s’accorde à dire que des réformes sont nécessaires, personne n’est disposé à entamer soi-même le moindre effort pour les rendre possibles ?

Pas du tout. Ce que vous dites est exactement ce que les médias tendent à nous faire croire. Il faudrait avoir une expérience de la négociation, qu’elle soit sociale ou associative pour comprendre les rouages des négociations ; et surtout savoir s’informer sans aucun présupposé, sans être guidé par le moindre dogme.

La France des syndicats est une France où il est devenu inconcevable qu’une autre source financière que les fonds privés des plus riches vienne apporter une solution aux difficultés économiques du moment.

Ce n’est pas exactement cela ! Le monde syndical se bat actuellement majoritairement pour freiner le recul incessant des fruits du travail dans le cadre de la répartition des richesses dégagées. C’est une tendance forte qui ne cesse pourtant de s’accentuer, jusqu’où ?

Demander à une majorité au pouvoir d’achat moyen de se serrer la ceinture relève jusqu’ici de la science-fiction ; l’issue du bras de fer à venir nous dira si c’est toujours le cas.

Les cheminots comme chez EDF, ... font partie de cette majorité au pouvoir d’achat moyen ! De qui donc parlez-vous ?

Seulement, s’il n’est d’autre solution, en termes d’harmonie sociale, que de condamner la minorité au fort pouvoir d’achat à payer pour les autres, ce sont les capitaux et les investissements qui fuiront pour créer l’emploi ailleurs.

Vous croyez encore ce compte de fées ? Il n’existe aucune relation directe entre le taux d’investissement et la rentabilité au regard des garanties sociales. C’est le résultat d’une étude de l’OCDE.

Il sera alors toujours temps de pleurer sur les acquis sociaux disparus faute de rentrées financières pour les maintenir. Au moins les syndicats auront gagné leur combat contre les riches. Quand à l’argent, lui, il n’a pas de frontière.

La plupart des syndicats ne sont pas contre les riches. Comme exprimé plus haut, ils se battent pour tenter d’éviter que se creuse encore plus un fossé déjà existant. Nous pouvons regarder sous n’importe quel angle les modes de répartition des richesses, ils indiquent tous la même chose : les détenteurs de capitaux s’accaparent la plupart des richesses dégagées. L’exemple des Etats-Unis met en évidence que 10% de la population récolte 40% des revenus nationaux ; et la tendance est à la hausse. Ce qui signifie que ceux qui vivent de leur force de travail ramassent des miettes de plus en plus insignifiantes. Jusqu’où ces gens là admettront-ils de voire leur pouvoir d’achat se réduire ?

Je reviendrai sur le présupposé dont vous m’affublez d’entrée dans votre propos.

Il est vrai que j’ai maintenant 20 ans d’expérience de négociation associative avec l’Etat, la Région, le Département et la Municipalité. J’ai aussi quinze ans d’expérience de négociation sociale aux mêmes niveaux. Dans une négociation, il faut être deux de tendance divergente pour trouver un compromis ; il ne faut pas se leurrer, dans une négociation les divergences sont des divergences d’intérêts. Si l’on crie haro sur les classes (la lutte des classes) il reste évident que les différentes catégories n’ont pas les mêmes intérêts. Trouver des compromis est parfois difficile, les discutions sont parfois houleuses ; et la seule possibilité donnée aux plus faibles dans la négociation, c’est-à-dire la représentation des salariés, est l’épreuve de force sur laquelle joue souvent les dirigeants. Dans le privé, ce poids est nul, chacun pensant pouvoir faire cavalier seul en préservant ses petits intérêts individuels (corporatisme atomique si nous pouvions le rapporcher du corporatisme). Dans la fonction publique, ce poids est important, donc ils en usent ; à savoir si parfois ils n’en abusent pas ; mais ils ont cette possibilité de faire infléchir des négociations qui n’ont que le nom, mais dans les faits, si les syndicats ont été consultés, en aucun cas une consultation est une négociation. Dans une négociation, beaucoup d’éléments entrent en considération ; quel niveau d’économie au regard de toutes les mesures préconisées et mises en application par exemple pour les pêcheurs (ils ne cotiseront plus pendant un temps pour l’assurance maladie et les retraites). Vouloir réformer est une chose ; faire des réformes efficaces et conserver le cap en mettant en place des mesures cohérentes en est une autre. Le bilan des réformes, que cela concerne l’Assurance Maladie ou les retraites, ont montré que les réformes ne faisaient qu’accentuer les problèmes qu’elles étaient censées résoudre, et cette augmentation n’est pas insignifiante. Où est le problème ?

Il faut rappeler tout autant que, par exemple, lorsque nous abordons les négociations sociales chez EDF, la SNCF, ... l’actionnaire majoritaire ou même le détenteur de la structure est l’Etat ; ce qu’ont ces structures n’est rien d’autre qu’un compromis admis jusqu’alors par les deux parties que sont les salariés et les dirigeants. Si au niveau de la législation, il est préférable de traiter de façon équitable notre accession à la retraite, faire fi de certaines spécificités n’a aucun rapport avec la notion d’équité ; tous les salariés, selon leurs environnements de travail ne sont pas sur un pied d’égalité.

L’un des principes de service public applicable à la SNCF consiste à fonctionner 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Est-ce le cas partout dans le privé (c’est aussi le cas des hopitaux, ...). Ce qui reste assez marrant, in fine, n’est autre que le gouvernement renvoie à des négociations entreprise par entreprise pour de telles spécificité sans aucune garanties alors qu’il est, faut-il le souligner, actionnaire majoritaire ou dirigeant seul ; cela sent l’arnaque !


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