Commentaire de Saï
sur Sur la grève...


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Saï 12 novembre 2007 16:09

Bonjour Christophe,

Merci de votre intervention détaillée. Je vais commencer par clarifier un point : je ne vous vise pas personnellement en parlant de présupposition. Il s’agissait de mettre le doigt sur cette idée largement répandue qui a une nette tendance à fausser le débat social dans le pays, voire à servir de base à une bonne part de la contestation. Et à la colère de ceux qui en subissent les conséquences en se retrouvant pris en otage, au motif (totalement présupposé lui) que l’opinion est solidaire du mouvement social en dépit du prix qu’il lui coûte.

« Relisez mon intervention, il y a reconnaissance de la responsabilité mutuelle de tous les acteurs. »

Certes, seulement vous les renvoyez dos à dos et ce n’est pas mon cas. Les syndicats ont prévenu dès l’élection qu’ils pratiqueraient l’obstruction systématique de la politique gouvernementale et particulièrement en ce qui concerne ces réformes aussi nécessaires qu’attendues. Outre l’influence reconnue (et parfaitement assumée par ces derniers) de cette position dans le bras de fer actuel, l’étendue même de celui-ci témoigne de l’écart général entre les revendications syndicales et les mesures gouvernementales. En d’autres termes les prétentions des représentants ont simplement été jugées préalablement irréalistes malgré plusieurs consultations. On est ici dans une logique de troisième tour social, prévu de longue date, dont la connotation fortement idéologique a gravement plombé le débat pragmatique que requièrent ces ajustements sensibles.

« Pas du tout. Ce que vous dites est exactement ce que les médias tendent à nous faire croire. Il faudrait avoir une expérience de la négociation, qu’elle soit sociale ou associative pour comprendre les rouages des négociations ; et surtout savoir s’informer sans aucun présupposé, sans être guidé par le moindre dogme. »

C’était évidemment une image médiatique et exagérée de la réalité. Seulement c’est une impression globale dans le pays, qui est loin d’être infondée autant se l’avouer. Vous vous retranchez derrière la complexité des rouages de la négociation. En cela vous tenez le même discours que les organisations syndicales qui se retranchent en dernier recours derrière leur statut d’interlocuteur social et sa difficulté quand la grogne anti-blocage se fait trop forte.

La négociation est une chose délicate, certes. J’ai passé du temps à l’apprendre moi aussi. Mais savoir la mener sans se laisser guider par le moindre dogme, dites-vous ? Sans présupposé ? Vous estimez sérieusement que c’est là l’approche d’organismes comme la CGT et FO ? Une neutralité totale et pragmatique, dénuée d’idéologie, dans l’intérêt des travailleurs ? Allons...

C’est d’ailleurs toute l’origine du principe de consultation, par rapport à une vraie négociation. Ce gouvernement a été élu sur la base d’un programme économique en désaccord avec la répartition des ressources voulue par les syndicats. Ce qui rend une véritable négociation irréaliste.

« Ce n’est pas exactement cela ! Le monde syndical se bat actuellement majoritairement pour freiner le recul incessant des fruits du travail dans le cadre de la répartition des richesses dégagées. C’est une tendance forte qui ne cesse pourtant de s’accentuer, jusqu’où ? »

Mais c’est précisément là le problème : les syndicats ramènent toute discussion à cet angle d’approche. Or il ne faut pas tout mélanger. La réforme des régimes spéciaux est une mesure de financement (discutable, bien sûr) de l’assurance-retraite, alors qu’un véritable débat sur la répartition des richesses ne peut se faire qu’autour d’autres thèmes réellement appropriés, tels que les bénéfices de l’actionnariat par exemple. Une négociation où les interlocuteurs ne parlent pas de la même chose est nécessairement vouée à l’échec, bien que ce soit une vision très simplifiée du débat, je vous l’accorde.

« Les cheminots comme chez EDF, ... font partie de cette majorité au pouvoir d’achat moyen ! De qui donc parlez-vous ? »

Précisément de certaines catégories dont celle que vous citez. On en revient à ce postulat de base dans lequel il est inconcevable de demander encore des efforts à d’autres CSP que celles au pouvoir d’achat supérieur.

« Vous croyez encore ce compte de fées ? Il n’existe aucune relation directe entre le taux d’investissement et la rentabilité au regard des garanties sociales. C’est le résultat d’une étude de l’OCDE. »

Impeccable, dans ce cas le problème est résolu, il suffit de taxer davantage le capital puisqu’il n’existe aucun risque de le voir investi ailleurs... smiley

De tout temps il a existé une concentration d’une grosse part des richesses entre les mains d’un petit pourcentage. C’est un constat faisable à l’échelle de l’humanité dont la modification n’est pas à la portée d’un gouvernement national. C’est aussi une situation qui, pour regrettable qu’elle soit en termes d’équilibre, permet l’investissement et la réalisation de projets ambitieux parce que cette concentration autorise un processus décisionnel efficace. Cet écart est donc appelé à durer, en France ou ailleurs. Et nos possibilités à échelle nationale sont seulement de le réduire suffisamment pour qu’un maximum de nos compatriotes y trouve son compte. En d’autres termes, envisager la répartition sociale sous l’angle d’une compensation systématique des besoins d’une majorité au pouvoir d’achat limité par un prélèvement sur le pourcentage le plus aisé est une douce utopie au niveau macro-économique. Qui sert pourtant, bien trop souvent, de fondement aux revendications, parce qu’il est légitime de faire valoir qu’en bossant deux fois plus que son voisin, on gagne deux fois moins que lui.

Quand au bilan des réformes à venir qui aurait montré qu’elles ne vont qu’accentuer le problème et à la présentation d’une solution alternative plus équitable, beaucoup de Français attendent ces informations avec la plus grande impatience pour s’unir comme un seul homme derrière la paralysie syndicale au programme ce mois-ci.

Enfin je vous rejoins sur les divergences d’intérêt lors d’une négociation et l’influence de celles-ci sur les blocages qui s’ensuivent lorsqu’aucun accord n’a pu être trouvé. Seulement, quand c’est tout un pays qui est pris en otage dans un bras-de-fer à la connotation clairement plus idéologique que pratique, ce n’est plus de la négociation, c’est à nouveau une minorité qui impose ses actions à la majorité. Sans en avoir la légitimité, à la différence d’un gouvernement démocratiquement élu sur la base d’un programme.

Pour résumer je doute que les actions syndicales trouvent le même soutien de l’opinion qu’il y a douze ans. On aura bientôt la réponse.

Cordialement


Voir ce commentaire dans son contexte