Commentaire de Krokodilo
sur « Working more* » ou bien « working smarter * » ? Une “élite” en pantoufles


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Krokodilo Krokodilo 21 novembre 2007 15:40

J’approuve presque tout votre article, notamment le scandale des parachutes dorés qui a vu des dirigeants rester seulement quelques mois et partir avec une fortune, ou d’autres rester plus longtemps, des années, et partir avec une fortune (c’est donc assez fréquent !) après que son entreprise se fut cassé la figure ! Que des postes à responsabilité soient bien rémunérés, rien de plus normal, mais il faudrait au moins lier les indemnités mirobolantes à une bonne gestion. Ces gens sont des rapaces qui pillent les entreprises, et la liste des exemples est longue. Pour un seul condamné par la justice (le pilote qui avait repris et dépecé une compagnie aérienne avec la complicité de banques), combien partent avec les honneurs ? D’autres rapaces existent et se défendent très bien contre toutes les réformes, comme ceux qui sévissent dans les tribunaux de commerce...

Par contre, je trouve que vous tombez dans le piège tendu par les groupes de pression qui soutiennent l’anglais lingua franca de l’Union européenne et comme langue auxiliaire mondiale, lobbys qui insinuent dans tous les médias l’idée qu’une insuffisante maîtrise de l’anglais est un des facteurs de moindre réussite de nos PME/PMI.

Et voilà que surgit la Suède, éternel exemple. Or, la Suède est devenue une simple colonie anglophone, qui apprend sagement l’anglais de la maternelle à la tombe, comme l’Inde qui se ridiculise avec la langue de ses anciens maîtres devenue langue nationale. Le suédois technique, scientifique n’est plus actualisé et dépérit, c’est la vitalité même de la langue qui est en jeu quand on utilise l’anglais à l’université. Qui songerait à apprendre le suédois ? Personne. Est-ce l’avenir que l’on souhaite au français ? Une langue qui ne résiste pas meurt.

Les journaux économiques eux-mêmes, ainsi que des rapports européens, ont reconnu que l’anglais n’était pas suffisant, qu’il fallait d’autres langues. En fait, hormis dans quelques métiers, quelques profils particuliers, l’anglais n’est même pas indispensable : si vous bredouillez anglais mais que vous êtes pas mal en chinois, pas de problème pour postuler à un emploi de commercial en Chine. Idem en Amérique du sud avec l’espagnol. Nos entreprises aussi ont été déçues de leurs tentatives d’imposer l’anglais en interne à tous leurs cadres : l’incompréhension était totale, les réunions improductives, les documents mal compris, etc. Pour vendre, il est bien préférable d’apprendre un peu la langue du pays. Par ailleurs, le Japon et la Chine ont d’excellents résultats économiques et sont loin d’être « fluent », y compris chez leurs cadres.

En regard de votre article, indépendamment, il y a un lien avec un édito stupéfiant de France 24, où des journalistes français ironisent sur le glandouillage en France, où l’ardeur au travail serait symbolisée par la pétanque « C’est ça aussi la France ! ». Pas question pour eux de rappeler que si le nombre d’heures est plus faible, la productivité horaire est très bonne. Cette télé est une infamie : des infos en anglais payée par les impôts français, alors qu’on devrait envoyer la facture à la GB ! C’est en outre illégal, puisque la langue de la république est le français, de même que certaines grandes écoles sont dans l’illégalité en faisant une partie de leur dernière année directement en anglais. L’enseignement des langues est possible, ou la participation à une télévision plurilingue européenne (Euronews), mais pas l’enseignement d’une matière en anglais... Mais notre gouvernement actuel se fout de la défense du français dans l’UE, puisque l’anglais est devenu quasiment obligatoire à l’école primaire (aucun choix), et qu’il a fait voter le protocoles de Londres.

Pour revenir à nos moutons économiques, la solution n’est pas dans l’objectif de devenir un esclave linguistique comme la Suède, mais dans la résistance et l’affirmation francophone : arrêter France 24 (80 millions d’euros par an économisés), exiger de l’UE l’arrêt d’Erasmus mundus (cursus en anglais pour étudiants hors UE) et favoriser au contraire les étudiants de pointe qui viennent pour une formation complémentaire en France : au moins, après avoir fait l’effort d’apprendre notre langue, il y a des chances qu’ils restent des années dans nos labos, alors que ceux qui ont fait six mois en anglais en France, puis 6 mois dans un autre pays européen finiront dans le « braindrain » américain... Depuis la perte d’influence française dans l’UE, nous avons très peu de commissaires et le français a pris une claque.

Plus on suivra cette pente fatale de l’anglais intensif et précoce, plus nous renforcerons l’économie des pays anglosaxons. Il faut tout de même prendre conscience que cette hégémonie linguistique rapporte une fortune à la GB (cf. rapport Grin), directement par tout le business lié aux langues en général, mais surtout indirectement par l’influence politique, la discrimination à l’embauche, les postes internationaux, la domination sur les revues scientifiques, les tricheries possibles (procès Pasteur-USA), les classements bidonnés, etc. Puisque vous parlez de grandes écoles, voyez le récent classement des universités : pour un japonais, l’école des ponts et chaussées est perçue comme un technicien (supérieur !) cantonnier !

L’espoir n’est pas dans le suivisme de l’anglais, dans l’illusion de les rattraper, mais dans l’affirmation de notre identité, dans la résistance linguistique, la remise en cause de la légitimité de l’anglais comme langue de l’Europe, dans la recherche de l’équité.


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