Commentaire de Sylvain Reboul
sur Qui sont les propriétaires de la France ?


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Sylvain Reboul Sylvain Reboul 18 septembre 2006 10:04

Cet article fait l’impasse sur la différence de mission entre un état représentatif, garant d’un intérêt général en effet problémtique, et le syndic d’une propriété privé : la responsabilité de l’état, dans une démocratie formelle, n’est pas de gérer la propriété individuelle ou prétendue telle de chaque électeur-citoyen, mais de définir les règles du jeu qui doivent présider à l’équilibre des pouvoirs dans un cadre susceptible de préserver les libertés individuelles et les conditions politiques et économiques de leur développement au service de tous.

Or, s’il est nécessaire dans des phases de reconstruction et d’investissements massifs à long terme de faire le l’état l’entrepreneur monopoliste économique, lorsque les investisseurs privés font défaut pour assurer les conditions insidpensables du développement général, cela devient dangereux à terme, dès lors qu’est confié à ces entreprises un double pouvoir confondu : un pouvoir économique et politique qui tend du reste à échapper à tout contrôle politique externe, l’état devenant à la fois juge (arbitre, contrôleur) et partie (producteur de biens et de services) : ex : l’EDF fort de sa position de monopole peut devenir un état dans l’état échappant réellement à toute forme de régulation politique au service d’intérêt économiques et politiques internes. De plus le défaut de concurrence en interne lui permet d’attaquer les marchés extérieurs en se protégeant à l’intérieur.

Le plus grand danger pour la démocratie et le pouvoir de choix des usagers/clients du dit service public (ou d’intérêt économique général) est bien l’économie étatisée monopoliste qui interdit à l’état de faire servir la concurrence au profit de l’intérêt non pas abstrait mais bien réel des usagers et ouvre toutes les possibilités de gaspillage et de corruption que l’on sait (ex : financement occulte des partis politiques). Ce risque de corruption existe évidemment toujours mais est d’autant irresistible que l’état et ses représentants, voire les partis politiques ainsi que le personnel, peuvent sans vergogne se servir directement dans la caisse. L’EDF, comme la SNCF, tout à fait nécessaires en tant qu’entreprises d’état financés par l’impôts dans la phase de reconstruction, après le seconde guerre mondiale, ont, depuis le début, fonctionnés comme des états dans l’état dont la visée démocratique affichée était progressivement pour le moins détournée par des enjeux de pouvoirs et d’intérêts particuliers, économiques et politiques, contraires.

Il est temps de reconnaître que nous ne sommes plus dans le cadre d’un développement auto-centré sur l’entité nationale : aucune entreprise dite d’état, en France, ne fonctionne sur une base nationale, mais toutes sont déjà , sur ce plan, des entreprises capitalistes mondiales pratiquant la concurrence comme n’importe quelle entreprise privée

On peut comprendre en quoi le patriotisme économique franco-français est une pure et simple illusion idéologique qui a perdu toute réalité dans le cadre mondialisé de l’économie réelle. Il est donc indispensable pour l’état, afin d’accroître les chances des conditions du développement économiques en interne, de changer la nature des rapport entre l’économie et la poltique : à l’état le rôle de régulateur externe et aux entreprises à qui est confié une délégation de service public le rôle de prestateur de service dans des conditions d’appel d’offre et de cahier des charges susceptibles de faire jouer la concurrence aux service de l’intérêt général. En privatisant les entreprises publiques, l’état, dont je rappelle qu’il est issu d’élections, ne doit faire que tenter, avec plus ou moins d’efficacité, de créer les conditions d’une nouvelle vision plus efficace de l’intérêt général qui ne sacrifie pas ce dernier à des intérêts particuliers dominants mais qui accordent aux clients un plus grand pouvoir d’initiative, y compris politique ; or un cadre monopoliste qui, par un paradoxe apparent, transforme le politique en gestionnaire de l’économie fait que la privatisation étatique ainsi établie est pire dans ses effets anti-démocratiques qu’une privatisation concurrentielle politiquement régulée..C’est la leçon du désastre poltique et économique des ex-pays de l’Est.

Tout libéral pense que le plus grand danger pour les libertés, y compris politiques, est la confusion des pouvoirs et aujourd’hui particulièrement du pouvoir politique et economique. Il est de la mission du pouvoir démocratique de séparer, autant qu’il est possible et nécessaire, au bénéfice de tous, les deux pouvoirs ; cela passe par la désétatisation des entreprises qui sont tout à la fois marchandes et indispensables à l’intérêt général afin que l’état puisse effectivement jouer son rôle de régulateur, s’il s’en donne la volonté et les moyens, au service de ce dernier .


Voir ce commentaire dans son contexte