Commentaire de L’ignorant
sur Psychiatrie, antidépresseurs & co


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L’ignorant 25 janvier 2008 10:54

 C’est une bonne chose de parler des pressions ou "coups de pouce" exercés par les laboratoires et représentants médicaux. Mais cela ne me semble pas s’arrêter là.

 

 

>L’expérience montre que les médecins font très vite la différence entre un produit vraiment efficace et un autre qui l’est moins ou pas du tout

 

J’aimerais que ce soit vrai. La réalité est toute autre ; les médecins et les psychiatres utilisent "à l’aveugle" et, pour une grande part d’entre eux, selon la mode du moment les médicaments sur les malades. La raison se laisse résumer par cet argument "scientifique" encore entendu dans l’émission d’Arte consacrée à la dépression il y a quelques semaines : il faut trouver LE médicament qui va marcher sur LE patient. Or les patients ne le sont pas assez (patients), ils voudraient avoir tout de suite le remède miracle, au lieu d’essayer sagement ce qu’on leur donne. Haro sur le dépressif, donc, pas assez docile. C’est vrai que quand on a dix ans ou quinze ans de dépression derrière soi, qu’on a testé et retesté des substances qui parfois vous laissent sur le carreau dans votre vie privée ou professionnelle, été sagement dans des cliniques spécialisées tenues par des psychiatres qui roulent en jaguar et méprisent tout ce qui est "psychologique", c’est vraiment se comporter en malotru que d’attendre, enfin, d’être soigné.

 

>Le problème effectivement est qu’aujourd’hui encore, si tout le monde s’accorde à dire que les antidépresseurs sont un traitement efficace et indispensable pour un certain nombre de tableaux dépressifs

 

Vous me permettrez d’en douter. A condition bien sûr d’inclure les malades dans le "tout le monde" ainsi, sans doute que ces psychologues que trop de psychiatres considèrent comme des soignants de seconde zone (même pas médecin !).

Les antidépresseurs peuvent aider quelqu’un sur une petite dépression, à court terme, mais leurs effets, à long terme, sur la vie sociale, sont dévastateurs : effets secondaires qui s’apparentent à une castration chimique, comportements incohérents et délirants, pertes de mémoire carabinées. Si vous voulez perdre votre conjoint, votre travail, et la plupart de vos amis, prenez des antidépresseurs sur une longue période. Testez en particulier les joies des antidépresseurs du type imipraminique avec leurs cortèges de réactions démesurées qui vous donnent envie d’envoyer au diable tout ce qui a été votre vie jusque-là, leurs pertes d’équilibre aléatoires (magnifiques, dans le cadre du travail) et les effets dévastateurs sur la mémoire et la simple possibilité de suivre une conversation un peu longue. 

En général, une partie des symptômes que je décris ici seront mis sur le compte de la dépression. Il faudrait alors m’expliquer pourquoi l’arrêt du traitement ramène une partie des idées à la normale, même si la détresse repart comme en quarante. 

 

Les choix pour le dépressif de longue durée sont cornéliens :

 

- Ne pas prendre d’antidépresseurs et être submergé d’angoisses, se retrouver peut-être, à l’état de loque incapable d’agir normalement.

- Prendre des antidépresseurs, et, alors, angoisser (un peu) moins, continuer à ne rien faire mais ne plus s’en rendre compte, jusqu’à la catastrophe finale (perte de son emploi, fuite du conjoint ou même dépression de celui-ci, histoire de ne pas se sentir seul). Parfois, même montée en puissance des comportements compulsifs grâce à la désinhibition. Effectivement, le Prozac est un médicament efficace !

 

>On sait maintenant que la dépression, plus qu’une maladie, est un syndrome, un ensemble de symptômes ayant des mécanismes identiques, mais des causes qui ne le sont pas toujours. On sait que certaines formes de dépression sont « purement biologiques », avec une forte composante héréditaire. Que d’autres sont « purement réactionnelles » et la complication d’un travail de deuil (au sens large de perte d’un objet interne fortement investi) mal ou non effectué.

 

Autant alors, le dire franchement, à la manière de Socrate : on sait qu’on ne sait rien, puisqu’on sait un fatras de possibilités vagues et que le fait d’être un médecin ne les transforme pas, par un coup de baguette magique, en une série de "faits scientifiques". On est dans la magie, là, pas dans la science !

 

>Il aurait sans doute été intéressant que l’article en question s’intéresse aussi aux campagnes anti-médicaments (et même anti-psychiatrie) menées aux Etats-Unis de manière très virulente par l’Eglise de scientologie, et notamment l’accusation récurrente faite aux IRS de favoriser les passages à l’acte violents.

 

L’antipsychiatrie n’est pas seulement une activité honteuse, mais aussi, je vous le rappelle, un courant de pensée. Associer toute critique des antidépresseurs ou de la psychiatrie à la scientologie est une manœuvre tout simplement frauduleuse. 

Être opposé aux antidépresseurs c’est parfois en avoir constaté les effets terrifiants de ceux-ci, et pas forcément s’inscrire dans une campagne idéologique. Ceux pour lesquels il est le plus dur d’être contre les antidépresseurs, malheureusement, ce sont ceux qui les subissent, puisque c’est la seule possibilité que la psychiatrie "moderne" leur offre, et que, en attendant, il faut bien survivre. On accepte donc patiemment la seule aide qu’on nous donne, même si elle nous détruit à petit feu.

 

Je prends l’exemple d’un séjour dans une clinique pour dépression : qu’y voit-on ?

- Des psychiatres qui se donnent la part du lion dans les "soins" (traduire l’administration au petit bonheur de médicaments en vogue) et passent tous les jours cinq minutes dans la chambre du patient (bien nommé ici : il doit patienter une demi-journée pour la visite de ce grand personnage, qui passe, lui, quand il peut).

- Un univers quasi carcéral ou on ne réfléchit à aucun cas particulier et ou on ne dit jamais au patient ce qu’il pourrait faire pour améliorer son état. Les infirmiers, aide-soignants et parfois enseignants de sport sont pourtant les seuls à donner quelques indications au malade sur ce qui lui arrive, lorsque par exemple, il fait une crise d’angoisse monumentale. Sans eux, on ne pourrait pas parler de "soin" du tout.

- Un(e) psychologue, la plupart du temps tout juste sorti(e) de l’école et vraisemblablement peu payé(e) qu’on voit trois fois en un séjour d’un mois, le reste consistant en une sorte de "coaching" en séance de groupe. Je remarque ici, petit pavé dans la mare du sexisme ambiant, que les psychologues sont souvent des femmes, et les psychiatres, des hommes...

 

Je constate donc que ceux qui ne soignent pas (les psychiatres) sont surpayés et surconsidérés et que les seuls qui peuvent prétendre soigner (les psychologues) ne sont pas du tout logés à la même enseigne.

Que dit-on, en effet à un patient qui veut s’en sortir ? Qu’il doit prendre ses médicaments, mais que cela ne suffit pas. Il doit suivre "une thérapie". Laquelle ?Mystère ! Quand les généralistes nous aiguillent sur un soignant, c’est un "confrère" psychiatre qui se pique de faire de la psychanalyse (en expédiant parfois la séance en cinq minutes, il paraît que c’est très lacanien, comme méthode). Parler d’un psychologue à un médecin, surtout quand celui-ci se permet d’émettre un avis sur les médicaments, c’est s’exposer à une réaction souvent assez froide.

 

Quelles solutions ? Trouver un médecin qui ne méprise pas tout ce qui n’est pas médecin, ça existe, mais c’est rare. Trouver des aides qui ne soient pas "médicales," (entrendre, médicamenteuses) qui, il faut bien le savoir, ne seront jamais remboursées par la sécurité sociale, parce que pas assez "sérieuses" dans un monde où le scientifique n’a plus rien de scientifique, mais parvient encore à le faire croire, en particulier à tous ceux qui doivent bien croire en quelque chose pour mettre seulement un pied devant l’autre le matin. Tout de même , quelle bonne affaire que ces dépressifs pour les psychiatres !

 


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