Commentaire de PERIGNON Michel
sur A propos du discours du Pape à Ratisbonne


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PERIGNON Michel (---.---.125.6) 23 septembre 2006 11:56

Article intéressant, bien que contestable sur quelques points. Intéressant en ce qu’il conduit une réflexion qui oblige à reconsidérer des idées toutes faites qui mutilent la pensée contemporaine, contestable en ce qu’il n’assure pas toujours suffisamment ses arrières conceptuels.

Serait à verser au crédit des analyses proposées, entre autres : - l’effort de clarification des rapports entre foi et raison ; - la reconnaissance des limites de la connaissance empirique ; - la valorisation de la foi trop souvent injustement malmenée. .

Reste que ...
- On ne saurait confondre la force à l’oeuvre, dans la contrainte tant physique que morale, avec la force intellectuelle exercée par la raison. L’une porte atteinte à notre liberté en nous soumettant à un pouvoir extérieur, l’autre, rationnelle, exerce son pouvoir en nous éclairant sur la meilleure voie à suivre.Si la liberté est le pouvoir de se déterminer pour des motifs reconnus valable par la raison, la contrainte physique ou morale est aliénante alors que la « contrainte » rationnelle est libératrice.
- La raison ne saurait être identifiée à la vérité, pas plus qu’elle ne saurait être définie comme procédant du raisonnement. Sa fonction est de gouverner notre pensée en lui imposant d’être cohérente, cohérente avec elle-même en ne se contredisant pas, cohérente avec l’objet de ses énoncés. Elle a vocation à faire valoir ses exigences aussi bien dans le domaine religieux que dans les domaines de la philosophie et des sciences.
- A supposer que l’on puisse définir la foi par l’adhésion à une révélation (alors qu’on peut non moins valablement la définir comme étant une attitude de confiance à l’égard de quelqu’un accrédité par ses manières de dire, de faire et d’être), resterait à définir ce que l’on entend par là... Or la révélation est une expérience, elle est de l’ordre du vécu. Il est bon ici de se souvenir de la distinction faite par Pascal entre le coeur et la raison. Le coeur révèle la vérité. La raison nous aide à nous en assurer. Elle est incapable, à l’aide de ses seules forces, de nous l’offrir.Les philosophes et les savants ne font jamais que des hypothèses tout en se donnant les moyens de les invalider en cas d’incohérence entre elles ou avec les données de l’expérience. Par où l’on retrouve l’action de la raison.
- Dernier point de désaccord avec les analyses de l’article incriminé : on ne saurait confondre la réalité avec ses apparences, les impressions sensibles que nous psychisme en recueille, fusse armé d’instruments de mesure, avec leur source objective. Jamais personne n’a pu comparer ses impressions et le fruit de leur élaboration intellectuelle avec leur objet, à jamais inconnaissable. C’est d’ailleurs pourquoi la plus grande des prudences s’impose lorsque l’on prétend détenir la vérité, c’est-à-dire savoir ce qu’il en est de ce qui est, donc de la réalité : savants, philosophes et théologiens sont ainsi logés à la même enseigne, celle de la probabilité, dont ils doivent veiller à ce qu’elle soit toujours la plus grande possible. Quant au commun des mortels, il est de son devoir de se loger lui aussi à leur enseigne, en usant du mieux qu’il peut de sa propre raison.

Telles sont quelques unes des réflexions que m’a inspiré l’article de Francis Beau, que je salue au passage bien cordialement.


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