Commentaire de karpediem
sur Le film de Wilders : un nouveau couteau entre les dents


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karpediem karpediem 30 mars 2008 12:27

 

Testament du père Christian de CHERGE, Prieur de Notre Dame de l’Atlas
ALGER le 1er décembre 1993.
 
 
S’il m’arrivait un jour – et cela pourrait être aujourd’hui – d’être victime du terrorisme qui semble vouloir englober maintenant tous les étrangers vivants en Algérie, j’aimerais que ma communauté, mon église, ma famille, se souviennent que ma vie était donnée à Dieu et à ce pays. Qu’ils acceptent que le maître unique de toute vie ne saurait être étranger à ce départ brutal qu’ils prient pour moi : comment serais-je trouvé digne d’une telle offrande ?
Qu’ils sachent associer cette mort à tant d’autres aussi violentes, laissées dans l’indifférence de l’anonymat.
Ma vie n’a pas plus de prix qu‘une autre elle n’en n’a pas moins non plus. En tout cas, elle n’a pas l’innocence de l’enfant. J’ai suffisamment vécu pour me savoir complice du mal qui semble, hélas prévaloir dans le monde, et de même de celui-là qui me frapperait aveuglement. 
 
J’aimerais, le moment venu, avoir ce laps de lucidité qui me permettrait de solliciter le pardon de Dieu et celui de mes frères en humanité, en même temps que pardonner de tout cœur à qui m’aurait atteint. Je ne saurais souhaiter une telle mort. Il me paraît important de le professer. Je ne vois pas, en effet, comment je pourrais me réjouir que ce peuple que j’aime soit indistinctement accusé de mon meurtre. C’est trop cher payer pour ce que l’on appellera, peut-être, la « grâce du martyr » que de la devoir à un Algérien, quel qu’il soit, surtout s’il dit agir en fidélité à ce qu’il croit être l’Islam.
 
Je sais le mépris dont a pu entourer les Algériens pris globalement. Je sais aussi les caricatures de l’Islam qu’encourage un certain islamisme. Il est trop facile de se donner bonne conscience en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes et ses extrémistes. L’Algérie et l’Islam, pour moi, c’est autre chose. C’est un corps et une âme. Je l’ai assez proclamé, je crois, au vu et au su de ce que j’ai reçu, y retrouvant si souvent ce droit fil conducteur de l’Evangile appris aux genoux de ma mère, ma toute première Eglise, précisément en Algérie, et, déjà, dans le respect des croyants musulmans.
 
Ma mort, évidemment, paraîtra donner raison à ceux qui m’ont rapidement traité de naïf ou d’idéaliste : « qu’il dise maintenant ce qu’il en pense ! ». Mais ceux là doivent savoir que sera enfin libérée ma plus lancinante curiosité. Voici que je pourrai, s’il plaît à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec Lui ses enfants de l’Islam tels qu’Il les voit, tout illuminés de la gloire du Christ, fruit de Sa Passion, investis par le don de l’Esprit dont la joie secrète sera toujours d’établir la communion et de rétablir la ressemblance, en jouant avec les différences.
 
Cette vie perdue, totalement mienne, et totalement leur, je rends grâce à Dieu qui semble l’avoir voulue tout entière pour cette joie-là, envers et malgré tout. Dans ce MERCI, désormais, de ma vie, je vous inclus bien sûr, amis d’hier et d’aujourd’hui, et vous, ô amis d’ici, aux côtés de ma mère et de mon père, de mes sœurs et de mes frères et des leurs, centuple accordé comme il était promis !
 
Et toi aussi, l’ami de dernière minute, qui n’auras pas su ce que tu faisais. Oui, pour toi aussi je le veux ce MERCI, et cet « A-DIEU » en-visagé de toi. Et qu’il nous soit donné de nous retrouver, larrons heureux, en paradis, s’il plaît à Dieu, notre Père à tous deux. Amen ! Inch’Allah.
 
 
 
 

 

 


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