Commentaire de FYI
sur Lundi noir
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Dans le système actuel, il n’y a que deux catégories d’économistes : ceux qui n’ont cessé de répéter depuis l’été 2007 et à chaque réplique de cet effondrement que ce n’était qu’un phénomène passager, et ceux qui passent aujourd’hui pour des prophètes pour avoir analysé depuis 2006 l’inexorable impasse dans laquelle étaient précipités les mécanismes monétaires et financiers. Mais en réalité, tous ne forment qu’une seule catégorie : les monétaristes.
Pour vous expliquer un peu le phénomène, disons que tous sont des utilisateurs férus de la sonde analytique. Il s’agit de faire des prélèvements de statistiques dans les entrailles du système pour juger de son état. Cette vue se restreint à une perception monétaire du processus économique, et ne considère jamais sa nature intrinsèquement physique, comme si la survie et la pérennité de la société humaine ne dépendaient pas des créations mentales engendrant une transformation physique réussie de la nature.
C’est un fait qu’il va falloir admettre : nous ne sommes pas dans une crise soudaine, mais dans l’aboutissement inévitable d’une matrice s’appliquant depuis près de 40 ans. Il n’y a pas eu de croissance économique sous le régime de la mondialisation, depuis le début des années 70. C’est une donnée physique qui se comprend à partir d’un principe simple.
La triple courbe (1995)Nous mesurons ici les taux de variation, l’amplification d’une tendance. En noir, l’économie physique, en gris clair la monnaie et en gris foncé la finance. Donnons comme échelle de temps à ce graphique les 50 dernières années. Dans les années 60, l’économie était tirée par le développement des infrastructures humaines (recherche, éducation, santé) et des infrastructures de base (équipement du territoire – énergie, transport, environnement agricole) qui, alimenté par un système de crédit public à bas coût, entraînait la multiplication et la diffusion de la technologie sur le territoire, parmi les entreprises et parmi les personnes. Le système financier et monétaire était alors un vaste système de crédit où la spéculation jouait un rôle mineur. L’Etat était le chef d’orchestre du crédit, les banques prêtaient à l’industrie et aux agriculteurs et l’épargne n’avait pas encore été déviée vers les marchés financiers internationaux…bref, le modèle fonctionnait, mais surtout il n’y avait pas de découplage entre la croissance physique (qui menait la barque), l’outil monétaire et l’instrument financier.
Mais aujourd’hui (chiffres de 2005), le système bancaire mondial fait transiter 50 fois plus d’argent lié à l’économie financière qu’à l’économie réelle : 2 024 800 milliards pour les produits financiers contre seulement 44 800 milliards de dollars liés au marché de biens et de services. Le système est fou. Et une personne sensée ne régule pas la folie, elle la soigne.
Tout dirigeant voulant sincèrement éviter une catastrophe planétaire doit donc comprendre qu’il n’y a aucune mesure financière qui empêchera l’effondrement financier. Par contre, s’il est légitime de sauver les banques pour sauver l’économie, il va falloir les juger avec la conscience de l’économiste physique, qui sait que cette montagne de titres toxiques accumulés n’a aucune raison d’être, hors de la folie. Il faut remettre les banques à flot, pas les hedge funds, par une procédure de mise en redressement judiciaire où l’on triera le bon grain de l’ivraie en disant implicitement aux croupiers de ce casino mondial que la partie est finie et que les gouvernements du monde remettent l’économie physique au cœur de leurs relations mutuelles. C’est le véritable esprit du Nouveau Bretton Woods.