Commentaire de Marianne
sur Internet, le fossoyeur du monde moisi


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Marianne Marianne 2 juin 2009 23:31

Zen,

Comme vous j’ai apprécié l’article de Denis Robert dont je copie ici un extrait :

Parlant aux haïtens, voici ce que leur dit le journaliste Denis Robert :

« Je sais que votre pays a faim, que votre pays manque d’eau, d’arbres, de médecins, de professeurs, que la crise financière va vous toucher encore plus que nous car vous vivez beaucoup de l’argent de la diaspora américaine et européenne, que ces questions peuvent vous semblez désuètes. Je les trouve importantes. Néanmoins. Car si une démocratie a besoin de pain avant tout, de pétrole et de perspectives, elle a aussi besoin de justice. Et la production, la diffusion d’une information indépendante participe pleinement à l’édification de cette justice. De ce sentiment de justice. »

Comme plusieurs personnes qui ont posté avant moi, je pense que le journalisme d’investigation est en danger et qu’il faut défendre l’indépendance de la presse de l’appétit financier de quelques grands groupes qui ont non seulement plusieurs cordes à leur arc - ils n’investissent pas que dans l’information (ou la désinformation) mais aussi dans les télécommunications, l’énergie, le pétrole ou l’armement... - mais ont aussi bien compris l’intérêt pour eux et leur classe de faire main basse sur l’information et sur ce qui fait sa grandeur : chercher la vérité et la dire.

Le problème est que cette indépendance n’est possible pour l’instant que grâce à l’achat par les lecteurs et citoyens que nous sommes.des journaux qui osent encore enquêter là où les pouvoirs politiques et financiers ne veulent plus d’ »empêcheur de juger en rond ». Car dans les titres et supports médiatiques acquis à la cause des puissants, les journalistes qui veulent faire leur métier jusqu’au bout en sont souvent empêchés par... leurs patrons, eux-mêmes relayés par des journalistes qui gagnent leur place de rédacteurs en chef, de chefs de rubrique ou d’éditorialistes à l’aune de leur talent à restituer la version officielle.

Aussi éloignée soit-elle d’ailleurs de la réalité vécue par la majorité des gens et tentant de nous faire croire que tel fait divers ou telle tenue de la reine d’Angleterre est tout aussi vertueux sur le plan journalistique qu’un reportage sur le sort des sans-papiers ou sur les enfants enrôlés dans les guerres et sur la responsabilité des marchands d’armes...

A titre d’exemple, j’ai travaillé en tant que journaliste il y a plusieurs années de cela pour l’antenne régionale d’un télévision nationale. Ma collaboration à ce média était récente mais pas nouvelle. Le sujet qui m’avait été proposé de traiter ce jour-là concernait la pollution d’une partie du littoral (touristique) pour une cause indéterminée...

Même si je ne connaissais pas la région, il ne me fût pas très difficile de remonter à la source en passant par le laboratoire scientifique qui avait analysé l’eau. Moins facile fût d’obtenir du scientifique (remplaçant si je me souviens bien, c’était en été) une explication claire et concise pour la caméra et les auditeurs du journal du soir de ce qu’il concluait des analyses... Non seulement, l’homme n’était pas habitué à l’exercice (c’était donc à moi de le mettre à l’aise) mais il se demandait s’il était bien habilité à dire... que la pollution provenait de la station d’épuration de la ville !

Je finis par obtenir une phrase explicite mais pas trop « compromettante » pour ce scientifique remplaçant.. Mon enquête et mon commentaire firent le reste. Le sujet passa sur l’antenne régionale. Le lendemain, le rédacteur en chef m’expliqua qu’il avait reçu un coup de fil de plus haut et qu’ici on ne faisait pas de vagues... Et on ne fit plus jamais appel à mes services.

Oui Denis Robert a raison, le journalisme, le métier d’informer participe de la quête de justice des hommes et il doit s’atteler à révéler les injustices des sociétés humaines, à dénoncer les desseins des puissants, à décrire et analyser leurs conséquences sur des populations innocentes, à donner largement la parole à la société civile, à imaginer, proposer d’autres lois pour que la justice des hommes se rapproche de l’idéal qu’en principe elle s’est fixé.

Pour cela, il n’est pas impensable d’attendre de la part d’un Etat qu’il aide la presse, indépendante des grands groupes d’influence économique, pour que puissent s’exprimer pleinement toutes les composantes d’une démocratie et que chaque citoyen accède au droit d’être bien informé.

Il est vrai qu’Internet rompt depuis quelques années le ronron quotidien des grands médias écrits et audiovisuels. Dans uncontexte de concentration des capitaux pilotant les médias, cette émergence d’une parole citoyenne dans le champ médiatique est certainement dans les conditions assez libres d’aujourd’hui un ballon d’oygène pour tous ceux qui aspirent à une information pluraliste mais aussi au débat d’idées ou simplement à un échange d’expériences.

Il y a également comme l’écrit Monolecte les communautés de développeurs de logiciels libres et gratuits comme Linux qui sont un pied de nez à l’industrie médiatique et qui lancent cet appel à la résistance Contre la loi Hadopi, assorti de précieux conseils pas du tout loufoques :

http://linuxmanua.blogspot.com/2009/05/plan-de-resistance-anti-hadopi.html

Comme eux et comme vous Monolecte, j’ai envie d’écrire en conclusion :

« Qu’ils ne se fassent aucune illusion, Nous sommes des millions, Le combat ne fait que commencer, Nous le gagnerons. »

Et comme Zen, je pense que le pouvoir émancipateur d’Internet a probablement des limites et que c’est aussi dans la vie non virtuelle qu’il faut nous efforcer de combattre l’injustice et l’ignorance.





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