Commentaire de ffi
sur Le malhonnête et dangereux sophisme du « A qui profite le crime ? »


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ffi ffi 6 avril 2010 16:51

@Nicopol

C’est surtout le titre de l’article qui ne me va pas : une question du genre « à qui profite le crime » n’étant pas un raisonnement, cela ne peut être qualifié de sophisme.

N’avons-nous pas été dressé ? Comme vous, j’ai étudié l’ingénierie. Quelques années de café philosophie m’ont été nécessaires pour comprendre une différence subtile entre science et philosophie. Les études scientifiques s’attachent plutôt à déterminer les causes premières des choses. Les études philosophique s’attache plutôt à déterminer les moyens les plus efficaces d’arriver à un but. La première s’interroge plutôt sur la causalité des choses, tandis que la seconde s’interroge plutôt sur leur finalité.

Prenons l’exemple du jeu de la mort :
Au candidat, on introduit une logique nécessaire : si la personne interrogée répond mal, alors il faut lui envoyer une décharge un peu plus forte.
Si le candidat ne s’interroge pas sur la finalité de ses actions, c’est-à-dire que s’il n’arrive pas à entrevoir que dans le pire des cas la personne interrogée répond toujours mal, et bien tout en suivant docilement la logique dans laquelle il s’est fait enfermer, il va tuer la personne en question.

Le candidat n’a donc pas d’intention consciente de tuer, mais toute la logique de ses actes va l’emmener à tuer. D’un point de vue pénal, il sera donc condamnable pour meurtre, puisqu’il est responsable des conséquences de ses actes.

Tout gouvernement (y compris personnel) consiste ainsi à savoir envisager les conséquences de ses actes. C’est l’exercice essentiel de la citoyenneté en démocratie. Le problème premier pour le citoyen est de savoir pour quoi les choses se font (où l’on va) et le second est de s’interroger comment elles se font (comment on y va).

D’un point de vue politique, il est donc tout-à-fait légitime (et même essentiel) de s’interroger à qui profite les dispositifs en place, peu importe la causalité des actions à entreprendre pour y parvenir, qui sont une question technique, ce qui importe, c’est leur finalité.

Par exemple, dire que :
- l’immigration est faite pour baisser les salaires, ne dénonce pas tant le fait que l’immigration serait organisée consciemment dans ce but dans quelque bureau obscur, mais vise plutôt à faire prendre conscience de l’effet final de l’immigration sur les salaires, et donc de se positionner par rapport à certaines politiques.
Dire que :
- le onze septembre fut fait pour mettre le pied en Asie centrale, ne dénonce pas tant que le 11 septembre fut organisé par les USA, mais montre plutôt l’effet du 11 septembre, ce qui permet de se positionner par rapport au néo-colonialisme conséquence de la guerre au terrorisme.
Dire que :
- la théorie du Giec est pour organiser la dépopulation, ne signifie pas qu’il y ait nécessairement une volonté consciente d’organiser la dépopulation, mais signifie que l’effet de la mise en place des mesures issues de la philosophie du Giec va méthodiquement saper les infrastructure de production et donc provoquer des carences dans la satisfaction des besoins élémentaires du plus grand nombre.
...

Cela dit, de manière contingente, il est tout-à-fait possible que certains œuvrent consciemment en coulisse à la poursuite de certains buts. Toute entreprise n’œuvre-t-elle pas par définition pour son profit ? C’est évidemment assez délicat à démontrer.

Je n’ai aucune information sur la finalité réelle de votre écrit, mais j’ai eu l’impression que vous vouliez absolument rajouter un donc à ce qui n’est peut-être en général qu’un pour. En matière politique, nous ne sommes pas à rechercher des causes, mais des buts. Donc tout questionnement du type « à qui profite... ? » est éminemment légitime.

J’écris cela pour enrichir le débat, et finalement nous ne sommes pas opposés sur le fond. Il est vrai que je me suis fait traité de suppôt de pétrolier en soutenant une certaine opposition au GIEC. Donc il y a une certaine vérité dans votre article. Mais c’est surtout sur le titre qui « criminalise » une question légitime (et essentielle en matière politique) en la qualifiant par erreur de sophisme que j’ai tiqué.

En conclusion, je citerais encore la monadologie de Leibniz

Nos raisonnements sont fondés sur deux grands principes, celui de la contradiction en vertu duquel nous jugeons faux ce qui en enveloppe, et vrai ce qui est opposé ou contradictoire au faux

Et celui de la raison suffisante, en vertu duquel nous considérons qu’aucun fait ne saurait se trouver vrai, ou existant, aucune énonciation véritable, sans qu’il y ait une raison suffisante pourquoi il en soit ainsi et non pas autrement. Quoique ces raisons le plus souvent ne puissent point nous être connues

Il y a aussi deux sortes de vérités, celles de Raisonnement et celle de Fait. Les vérités de Raisonnement sont nécessaires et leur opposé est impossible, et celles de Fait sont contingentes et leur opposé est possible. Quand une vérité est nécessaire, on en peut trouver la raison par l’analyse, la résolvant en idées et en vérités plus simples, jusqu’à ce qu’on vienne aux primitives

C’est ainsi que chez les Mathématiciens, les théorèmes de spéculation et les canons de pratique sont réduits par l’analyse aux Définitions, Axiomes et Demandes.

Et il y a enfin des idées simples dont on ne saurait donner la définition ; il y a aussi des Axiomes et Demandes, ou en un mot, des principes primitifs, qui ne sauraient être prouvés et n’en ont point besoin aussi ; et ce sont les Énonciations identiques, dont l’opposé contient une contradiction expresse

Mais la raison suffisante se doit trouver aussi dans les vérités contingentes ou de fait, c’est-à-dire, dans la suite des choses répandues par l’univers des créatures ; où la résolution en raisons particulières pourrait aller à un détail sans bornes, à cause de la variété immense des choses de la Nature et de la division des corps à l’infini. Il y a une infinité de figures et de mouvements présents et passés qui entrent dans la cause efficiente de mon écriture présente ; et il y a une infinité de petites inclinations et dispositions de mon âme, présentes et passées, qui entrent dans la cause finale.

Et comme tout ce détail n’enveloppe que d’autres contingents antérieurs ou plus détaillés, dont chacun a encore besoin d’une analyse semblable pour en rendre raison, on n’en est pas plus avancé : et il faut que la raison suffisante ou dernière soit hors de la suite ou séries de ce détail des contingences, quelqu’infini qu’il pourrait être.


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