Commentaire de NICOPOL
sur Le malhonnête et dangereux sophisme du « A qui profite le crime ? »


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NICOPOL NICOPOL 8 avril 2010 17:32

Bonjour,

Merci à nouveau pour votre longue et intéressante réponse.

Je crois que notre relative incompréhension découle simplement d’un problème de langue. Lorsque vous écrivez « la mondialisation est faite pour baisser les salaires », vous voulez seulement dire que l’un des résultats de la mondialisation est de faire baisser les salaires ; moi, je comprends que la mondialisation est faite sciemment pour faire baisser les salaires. Je vous avoue que je ne suis pas expert ès-valence et que je ne serais pas en mesure de vous contester sur ce point, admettons donc qu’une telle construction avec « pour » peut avoir les 2 significations, ce qui est bien embêtant d’ailleurs.

Je noterais simplement que l’un des risques de votre signification est de laisser sous-entendre à une finalité immanente derrière des causalités contingentes. Par exemple dire que « l’aile d’un oiseau est faite pour voler » laisserait bon nombre de gens croire que l’aile a effectivement été développée dans l’objectif de voler, et par qui, sinon un Créateur ? Ainsi, accepter une telle formulation soulève le risque de dérives téléologiques comme celles des créationnistes.

De même j’ai du mal à vous suivre dans votre discussion autour du mot « finalité ». Il me semble clair que le mot « finalité » implique un but, un objectif, une intention. Dire que l’action individuelle des agriculteurs d’Asie centrale a conduit à l’assèchement involontaire de la Mer d’Aral ne permet en aucun cas de dire que l’assèchement de la Mer d’Aral est une « finalité » : c’est juste une conséquence contingente, un « effet », pour reprendre votre propre terminologie, point.

Il convient ainsi bien de distinguer entre la finalité d’un acte, qui est l’objectif recherché par son auteur, et la conséquence d’un acte, qui peut ou pas différer de sa finalité. Vous semblez en ce qui vous concerne considérer ces deux notions de « finalité » et « conséquence » comme une seule et même chose ; sur ce point je ne vous comprends pas du tout.

En outre, lorsque vous écrivez :

"Il me semble par ailleurs que vous aillez du mal à admettre qu’une finalité ne puisse pas être le produit d’une volonté particulière.« 

Il me semble que votre phrase est à la fois contradictoire et inexacte. Contradictoire, parce que le mot »finalité« est indissociable de celui de »volonté particulière« , et donc il m’est tout à fait impossible d’admettre qu’une finalité puisse ne pas être le produit d’une volonté, puisqu’il s’agit exactement de la même chose ! Par ailleurs, si ce que vous voulez dire c’est que j’ai du mal à admettre qu’un effet ne puisse pas être le produit d’une volonté particulière, c’est exactement le contraire de ce que je dis (voir l’une de mes dernières réponses à JL), puisque je soutiens que justement, le nœud de la paranoïa des »théoriciens du complot« , c’est de voir derrière tout évènement une volonté, et de ne pas admettre que la plupart des effets sont le produits du hasard, du chaos et de la contingence.

Enfin, je ne peux m’empêcher de réagir à votre dernière phrase :

 »Il y a un besoin d’utopie. Imaginer un futur, le meilleur compromis entre ce qui est possible et ce qui est souhaitable. Donner du sens à nos vies."

 Je pense au contraire que la dernière chose dont nous avons besoin, c’est de l’utopie. Les utopies de la fin XIX - début XX sont quand même à l’origine des plus abominables massacres de l’histoire de l’humanité : chercher à aller au-delà du possible est la plus folle et létale entreprise que l’homme n’ait jamais engagée. Trouver un compromis entre ce qui est possible et ce qui est souhaitable est non seulement un non-sens, mais le prémisse de catastrophes annoncées : comment réaliser quelque chose qui n’est pas possible ?

Quand à donner du sens à nos vies... Manuel Valls s’en occupe pour vous smiley

Au plaisir de vous lire,


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