Commentaire de Waldgänger
sur Mais qui était Colbert ?


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Waldgänger 5 août 2010 21:12

Merci des précisions qui montrent précisément quelles étaient les sources de revenus dans lesquelles Colbert pouvait puiser pour sa fortune personnelle.

Même s’il faut prendre le comparatisme historique avec précaution, le destin de Colbert n’est pas sans similitudes avec d’autres roturiers qui sont devenus les hommes de confiance des souverains. Il faut écarter l’exemple passionnant au demeurant d’un Suger, sur lequel Erwin Panofsky a écrit magnifiquement, car les carrières ecclésiastiques, l’absence d’hérédité autorisée faisant, n’étaient pas comparables. Colbert est tout à fait comparable à ces juristes d’origine méridionale (parfois de très petite noblesse) qui eurent tant d’influence à la cour de Philippe le Bel, tels Guillaume de Nogaret ou Marigny, dont la légende est d’ailleurs associée à la coloration « noire » de ce règne, marqué par les histoires de la tour de Nesle en 1314, de l’arrestation des templiers en 1307, ou de l’arrestation du pape à Agnani en 1303, affaires sur lesquelles les imaginations allaient tant broder par la suite. Leur personnalité est en tout cas aussi associée à la construction progressive d’un état moderne tel que nous le connaissons aujourd’hui, car si Philippe le Bel a eu souvent des problèmes financiers, sa

Il y a également le cas de Jacques Coeur, roturier et qui devint, grâce à sa richesse, le grand argentier de Charles VII. Lui aussi est intéressant. Je me rappelle très bien un passage du « Livre des faicts du chevalier Jacques de Lalaing », où il reçoit ce chevalier qui voyageait pour le compte de la cour des Ducs de Bourgogne. Il discutent de chevalerie et on sent dans le récit un grand intérêt du financier pour les valeurs chevaleresques. Comme Colbert, son cas est une illustration parfaite des cas d’agrégation à la noblesse dans l’Europe du « Long Moyen-Age » cher à Jacques le Goff. Une fois la fortune faite, on « vit noblement », par la culture, les distractions, les relations sociales, et bien sûr par les alliances matrimoniales, et l’accession à l’aristocratie se fait ainsi, mais il s’agit d’un processus long qui est différent des régimes oligarchiques actuels, qui ont une culture de parvenu et sont bien plus axées sur la richesse exclusive. Loin d’être une caste fermée, la noblesse sait en effet se renouveler et intégrer de nouvelles familles, ce qui est faussé par la vision de la noblesse sous l’angle unique de celle de 1789, bien plus fermée et qui tentait de se constituer en une forme de caste (la révolution nobiliaire). La culture dominante reste celle des nobles, qui est la référence et dont les valeurs irriguent le champ social, à commencer d’abord par la bourgeoisie, dont un des rêves est de devenir noble et non pas de les renverser, comme en 1789. Colbert, que je connais très mal, m’a tout à fait l’air d’illustrer ce processus. 

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