Commentaire de Thucydide
sur Découverte d'un mammifère fossile de type loutre remontant au Jurassique


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Thucydide Thucydide 10 mars 2006 14:51

La question ne se pose pas en ces termes. Personnellement, je ne l’ai pas posée en terme de supériorité, mais d’ancienneté et, surtout, de hasard évolutif. Maintenant, vous considérez sans doute que mon texte suggère cette notion d’infériorité. C’est en fait un terrain glissant qui ne sera abordé dans aucune discipline scientifique, parce que trop subjectif. Tout dépend de la notion d’infériorité. Si vous l’assimilez à l’ancienneté, alors, il convient de définir précisément quel âge vous donnez aux mammifères. Ce qui, comme je l’indique dans mon texte, pose le problème de la limite entre mammifères et « pré-mammifères » (dits aussi reptiles mammaliens, dont fait partie le Dimetrodon), qui est une limite purement subjective, puisqu’il n’y a pas de discontinuité dans l’évolution.

Si l’on met de côté ce problème de la limite, pour en revenir à votre scepticisme sur le scénario que j’évoque ici, je peux vous garantir qu’il est exact. Les reptiles mammaliens se sont séparés très tôt des tout premiers reptiles appelés reptiles-souches. Les seuls reptiles actuels qui ont conservé en partie la structure de base de ces reptiles-souches sont les tortues. Pour le reste, les mammifères présentent de nombreux points communs avec les ancêtres amphibiens, raison pour laquelle d’ailleurs beaucoup d’études sont menées sur la grenouille. C’est vous dire l’ancienneté de leur séparation d’avec les reptiles.

En ce qui concerne la complexité organique, que l’on peut retenir, comme vous le faites, comme critère de supériorité, il est loin d’être évident que les mammifères sont supérieurs en tous points. Sur le plan du cortex cérébral, en général, c’est vrai, et dans l’absolu, c’est indéniable dans le cas particulier de l’homme. En pratique, de nombreux oiseaux sont aussi évolués que la plupart des mammifères sur le plan des capacités cognitives. Dans un certain nombre de cas particuliers, beaucoup d’oiseaux font mieux que la plupart des mammifères (en particulier, perroquets et corbeaux).

Sur d’autres critères que le développement du cortex cérébral, ce sont les oiseaux qui s’avèrent, disons, des « machines organiques » plus complexes que les mammifères. Pour vous donner un ordre d’idée, la température corporelle d’un mammifère est en général de 37 °C, ce qui lui permet d’être très actif même quand il fait froid (alors qu’un lézard devra se chauffer longuement au soleil avant d’envisager de se connecter sur Agoravox). Les oiseaux font beaucoup mieux : leur température interne normale est supérieure à 40 °C, de fait, leur organisme est plus efficient et plus rapide (et extrêmement gourmand en énergie). Autre exemple : le rendement en exploitation de l’oxygène atmosphérique de leur système respiratoire (poumons + sacs aériens) est nettement supérieur à celui des mammifères. Or, même si nous n’avons pas dinosaures vivants sous la main, de nombreuses études tendent à prouver qu’ils étaient semblables aux oiseaux -leurs descendants- sur de nombreux points, à commencer par la possession de plumes (d’ailleurs, les premières empreintes de dinosaures ont été assimilées à celles d’oiseaux géants, et ce n’est que plus tard qu’a été inventé le terme de « dinosaures », et il serait plus exact de les considérer comme des oiseaux non volants que comme des reptiles non rampants).

On pourrait multiplier les exemples indéfiniment en faveur de l’un ou l’autre groupe, mais ce n’est pas mon but. Mon but est simplement de dire que l’histoire animale ne suit aucune finalité, et que dans le cas des mammifères, elle a pris des chemins très tortueux. Leur domination aurait pu être sans partage pratiquement depuis le début, mais les hasards de l’évolution et des catastrophes naturelles en ont décidé autrement. En fait, le plus étonnant dans l’histoire, c’est qu’aucune intelligence industrielle n’a émergé du temps des dinosaures parmi ceux-ci, mais biologiquement, c’était parfaitement possible. Simplement, une combinaison de facteurs favorables, de « contingences » évolutives n’étaient pas réunies. Il a fallu attendre que certains singes soient obligés de vivre dans un environnement sans arbres pour que, profitant de nombreuses qualités physiques que nécessitait la vie dangereuse dans les arbres, l’un d’eux soit social, habile de ses appendices (les mains), capable d’évaluer et d’anticiper des situations complexes, d’en tirer profit, et d’en faire bénéficier ses semblables. De nombreux prémices de tous ces « pré-requis » existent chez d’autres mammifères et oiseaux actuels, mais le processus est resté en rade -idem, par exemple, chez les insectes sociaux. Devant certains « murs », l’évolution peut piétiner très longtemps, mais aussi procéder par sauts, lorsqu’une combinaison fortuite de facteurs favorables est présente.


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