Commentaire de L’Ankou
sur Animal de compagnie : un être sensible ou une chose sans âme ?


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L’Ankou 31 mai 2011 12:57

La décence, la cohérence et le bon sens sont des valeurs assez hautes pour ne pas être invoquées à la légère.

Les enjeux affectifs majeurs liés à une animal de compagnie peuvent amener un juge, un notaire ou un avocat, dans le rôle qu’il joue dans une procédure de divorce à s’inspirer, pour l’animal, des règles que le législateur a définies pour l’enfant : attribution de l’autorité, possibilité de garde partagée ou alternée... Salomon, dans son fameux jugement, était plus expéditif et plus économe de l’argent public, et pas nécessairement moins efficace. J’ai néanmoins quelque indulgence pour le détournement pratique de ces outils juridiques et procéduraux. Il me semble qu’il suffirait de les contester pour les faire annuler. Si les intéressés ne les contestent pas, je ne vois pas pourquoi je m’en offusquerais. Il n’y a pas lieu d’officialiser cette pratique ni de l’institutionnaliser. ce serait donner à l’animal un statut de « sujet » de droit, ce qu’il ne peut être. A titre personnel, je m’y opposerais formellement.

Votre titre nous place devant un choix que les athées apprécieront : il est déjà douteux que l’homme ait une âme, alors pourquoi voulez-vous que l’animal en ait une ? Si vous placez le débat sur le terrain du mythe et de la croyance, au moins reconnaissez que ce débat n’intéresse pas la justice, et qu’on attend du juge une attitude plus efficace et plus rationnelle que de trancher un point de doctrine théologique !

L’animal est une chose. C’est juridiquement, dans le cas général, un meuble. C’est, parfois, un immeuble par destination. Ce constat n’étonne ni n’émeut que ceux qui emprisonnent les mots dans leur sens commun, oubliant qu’ils ont dans certaines matières, un sens précis et une utilité pratique.

Pas de quoi fouetter un chat, donc.

Personnellement, je tiens la personnification de l’animal pour une sociopathie assez préoccupante, peut-être issue d’une confusion infantile, due à l’abus de dessins animés où les animaux parlent, pensent et expriment des sentiments. A notre décharge, il est vrai que nos fonctions cérébrales nous prédestinent assez à chercher du sens dans les attitudes animales, à interprêter leurs réactions, à projeter à travers elles les pulsions et les raisons qui animent ceux de notre propre espèce... L’anthropomorphisme est une propension suffisamment inévitable pour que nous nous employions à la circonscrire. Il est bon que le droit en soit préservé. Cela n’a d’ailleurs pas toujours été le cas : des animaux ont été jugés, par le passé. Notamment par des tribunaux religieux.

S’il y a a faire preuve de décence, de cohérence et de bon sens, autant ne pas le faire aux dépens de l’intelligence et de la rationalité. Dire que l’animal a des droits est une absurdité pratique. N’ont des droits que ceux qui sont en mesure de les connaître et de les défendre (avec une nuance, toutefois, pour les « incapables », majeurs ou non).

J’ignore tout de l’intelligence animale ou de ce qui en tient lieux. Ce que je sais en revanche, c’est que l’animal ne lira pas les lois, ne comparera pas ce qui lui arrive avec la normalité que définisse les textes, ne portera pas plainte en justice, ne désignera pas un avocat, ne chiffrera pas son préjudice et ne réclamera pas de dommages et intérêts. Les lubies zoolâtres n’y changeront rien : l’animal en est incapable et c’est un obstacle majeur à ce qu’on lui reconnaisse des droits en tant que sujet de droit.

Cela ne signifie pas que les hommes n’aient pas, à l’égard de l’animal, un certain nombre de devoirs. Mais alors l’animal n’est plus « sujet » de droit. Juste « objet » de droit. La loi est sage de faire et de maintenir cette distinction majeure.

Je ne ferme pas la porte au dialogue sur le sujet des devoirs de l’Homme, au contraire : c’est un débat important. Simplement, je ne crois ce débat possible que s’il repose sur des bases saines.

Bien à vous,
L’Ankou


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